Martine Lépron, rencontre avec une dame de coeur
Originaire de Paris, Martine Lépron a vécu et travaillé en Auvergne avec son époux chef d’entreprise. A l’heure de la retraite, c’est à Saint-Martin, où ils possèdent une maison de longue date, qu’ils ont posé leurs valises.
Une retraite impliquée
Comme nombre de retraités, Martine n’entendait pas rester inactive, même si elle n’imaginait pas forcément faire ce qu’elle fait aujourd’hui. Toujours est-il qu’elle a accepté cette mission que d’aucuns penseraient surprenante ou difficile : en lien avec l’église de Saint-Martin, elle est devenue aumônière auxiliaire à la prison. Une démarche où sa foi de catholique pratiquante tient évidemment une bonne place. Mais au-delà, il s’agit tout simplement d’une aventure humaine qu’elle raconte avec la simplicité et la modestie des personnes qui ont décidé de consacrer du temps aux autres.
Derrière les murs
Alors que nous passons tous fréquemment devant le centre pénitentiaire, nous ne pensons pas à ceux qui vivent derrière les murs. « Personne ne s’arrête sur eux », souligne Martine et c’est juste. Pour des raisons qui semblent légitimes aux citoyens lambda que nous sommes – après tout ce sont des criminels et leur incarcération ici témoigne de la gravité de leurs actes. Peut-être un peu aussi à cause de cette indifférence qui nous fait parfois même ignorer nos propres voisins. L’un des défauts de notre société individualiste. Alors parler avec Martine c’est comme ouvrir les portes, regarder les choses sous un autre angle. Derrière ces hauts murs, il y a des êtres humains.
Ne pas oublier, mais dépasser
La question est bien faible mais spontanée : comment fait-elle Martine pour passer plusieurs heures par semaine en compagnie d’individus qui ont commis des actes terribles ? « Il n’y a pas d’oubli », dit-elle d’une voix douce et calme, « mais un dépassement. Car au-delà des actes, il y a un être ». Voilà c’est dit : si Martine n’a pas connaissance des actes que les détenus ont commis, elle est douée de la capacité à voir l’Autre, quel qu’il soit, dans une dimension différente, celle de l’Etre. Sa démarche est celle de la fraternité et de l’humanité, simples et dépouillées, brutes pourrait-on dire.
Remettre debout
Sans jugement et avec bienveillance, Martine apporte un soutien essentiel : « il s’agit de les aider à se remettre debout ». Alors si, en tant qu’auxiliaire, elle n’a pas accès aux cellules (seuls l’aumônier prêtre et l’aumônier laïque le peuvent), Martine anime des réunions de groupe sur la base du volontariat, au cours desquelles elle travaille les textes qui seront lus à la messe le dimanche suivant, fait vivre la parole biblique et favorise l’expression du ressenti. Bien sûr tous les détenus ne sont pas concernés. Mais aux côtés du sport, des études et du travail, cela correspond pour certains à une véritable quête spirituelle déclenchée par une réflexion sur eux-mêmes.
Le travail de Martine est impliquant. En temps, en énergie. Mais il lui apporte aussi énormément. Et cette vivifiante grand-mère ne s’arrête pas là : alors que ces sept petits-enfants sont grands, elle se plaît à transmettre l’art de la broderie ou le goût de la cuisine aux enfants. Comme elle le fait régulièrement avec Manon, une petite voisine. En accord avec le fait que le lien intergénérationnel est source de joie, elle ne se voit pas pour autant créer une association : « c’est bien trop de travail d’organisation ». Dommage. Dans deux ans, Martine ne pourra plus exercer sa fonction d’aumônière auxiliaire « pour une question d’âge », et sait déjà que cela lui manquera. Ce qui est sûr, c’est qu’elle trouvera autre chose, car impossible de l’imaginer ne vivant que pour elle-même dans le calme serein de sa maison.
Pauline Leriche Rouard
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