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Maison préemptée à Sainte-Marie : une affaire qui est loin d’être terminée
Pour tenter de comprendre cette affaire de maison préemptée à Sainte-Marie, il n’est pas inutile de remonter quelques années en arrière.
Léon Gendre fut le premier à comprendre que les premiers vacanciers venus dans l’île dans les années 47/48 ne seraient pas un phénomène passager. L’État mettra un peu plus longtemps à réagir, mais en 1974 alors que le Conseil Général de Charente-Maritime votait à l’unanimité la construction d’un pont entre le continent et l’île, le Préfet de l’époque, Henry Coury, déclarait : « Il faut que nous affirmions qu’en aucun cas la construction de ce pont ne doit se traduire par un changement de nature de l’île de Ré et que notamment pour tout ce qui concerne les opérations foncières et l’urbanisation de l’île, votre oui s’accompagne de cette réserve extrêmement importante, à savoir que tout sera fait sur le plan administratif pour que ceux qui pourraient voir dans cette solution positive une question de spéculation, qu’elle soit foncière ou immobilière, n’y trouvent pas à gagner quelque chose ». En réponse, le Conseil Général accompagnait son vote de la résolution suivante : « la première commission demande aux autorités locales et administratives de mettre en place le plus rapidement possible, pour décourager tout mouvement spéculatif, les mesures de toute nature destinées à préserver le caractère de l’île de Ré. » Il y a donc depuis plus d’une trentaine d’années une réelle protection des espaces naturels dans l’île, qui doit perdurer. Dominique Bussereau, Président du Conseil général exprime clairement sa position à ce sujet : il faut que cela continue.
Que représentent 810 000 € ?
Tout le monde s’émeut à l’énonciation du chiffre de 810 000 €, oubliant un peu rapidement que des préemptions plus onéreuses ont déjà eu lieu dans l’île : la dernière en date, le Mont-Jousseaume au Bois-Plage s’élevait à 840 000 €, même montant d’ailleurs que pour les Grands Bois à La Flotte en 2009. Quant au Préau de Saint-Martin en 2004, il représentait 1,375 million €. Pour ne citer que les préemptions réalisées dans l’île, car certaines dans le département ont fait l’objet de montants nettement supérieurs.
La magie des chiffres est telle qu’avec un bon argument, on leur fait dire à peu près ce que l’on veut. 810 000 € pour cette préemption (auxquels il faut rajouter les frais de l’agence immobilière Accord de Sainte-Marie d’environ 45 000 € et le coût de la destruction, soit une enveloppe globale de près d’un million d’euros), montant que certains qualifient de choquant ou d’inadmissible, peut paraître effectivement élevé, mais encore faudrait-il savoir par rapport à quoi. Si c’est au salaire moyen d’un employé dans l’île, c’est effectivement exorbitant, mais l’est-ce encore par rapport à l’écotaxe ou plus exactement à la partie de l’écotaxe qui revient à l’île de Ré, censée couvrir un certain nombre d’opérations dont les préemptions ? Oui, à n’en pas douter. Lorsque l’on dit écotaxe, le chiffre qui vient immédiatement à l’esprit des touristes ou des Charentais qui nous rendent visite est 12 millions d’euros. Avec pour idée pré-conçue souvent que le pont déverse une manne sur les Rétais, qui, riches, n’utilisent pas toujours à bon escient l’argent de l’écotaxe. Ce chiffre mérite d’être décortiqué pour bien comprendre ce que représentent les 810 000 € en question et leur impact sur le budget écotaxe. Sur ces 12 millions, la moitié, soient 6 millions, dont 2 millions pour les frais de fonctionnement du pont, reviennent au Conseil général.
La seconde tranche de 6 millions est partagée entre le Conseil général (45 %) et la CdC de l’île de Ré (55 %). Sur les 3,3 millions d’€ qui reviennent à la CdC, 660 000 € sont reversés aux 10 communes de l’île de Ré, 700 000 € sont consacrés au développement d’une offre de transport en énergie propre, tandis que 1,94 million d’€ sont consacrés à la politique de préservation et de gestion des espaces naturels au travers notamment du Contrat de restauration et d’entretien des zones humides (CRE-ZH) sur le nord de l’île, du Contrat de restauration et d’entretien des zones boisées (CRE-ZB) sur le sud de l’île, la protection de l’estran, les écogardes et autres frais de fonctionnement de la CdC pour sa politique environnementale. Le poids du montant de la préemption de Sainte-Marie dans la part de 45 % du Conseil général soit 1 million sur 2,7 millions d’€ (37 %) est donc très important. Tout comme il l’est au regard du budget écotaxe qui revient à la CdC et aux Communes. À un moment où les particuliers, les entreprises, les mairies et le Conseil Général font des coupes sombres dans leur budget 2013, on peut se demander si le million d’euros de l’opération Sainte- Marie est un investissement pertinent et il ne suffira pas, pour retourner l’opinion, que le président Bussereau indique comme il l’a fait à notre confrère Sud Ouest « Ce n’est pas une affaire d’argent mais de reconquête et de mise en valeurs des espaces naturels bâtis ou non. »
Le différend CdC île de Ré – Conseil Général
Lorsque Lionel Quillet arrive à la présidence de la CdC en 2008, il a dans ses cartons « un projet environnemental, dont la préemption fait partie, mais qui s’accompagne également d’une gestion des espaces préemptés sinon les problèmes sont nombreux à surgir derrière : plantes invasives, prolifération des lapins… » Une gestion des zones humides et boisées a été mise progressivement en place dans l’île, nécessitant une politique de l’utilisation de l’écotaxe centralisée à la CdC avec laquelle le Conseil Général finit par tomber d’accord. En avril 2012, un avenant est signé entre la CdC et le Conseil général indiquant entre autres que si ce dernier possède la compétence l’autorisant à préempter, cela ne se fera pas sans l’avis de la CdC. Ce qui n’a pas été le cas lors de la dernière opération concernant la maison de Sainte-Marie, qui s’est faite contre l’avis des maires, y compris, finalement, celui de Gisèle Vergnon, maire de Sainte-Marie qui explique son revirement par le fait que Léon Gendre lui avait annoncé initialement un montant de 300 000 € pour cette préemption. Ce que Léon Gendre dément formellement, maintenant que le prix est de 800 000 € depuis l’origine.
Préempter oui si il y a un interêt majeur
Si Lionel Quillet est en faveur des préemptions pour protéger les espaces naturels dans l’île, il estime que celles-ci doivent être étudiées, au cas par cas, et représenter un intérêt majeur.
En ce qui concerne la maison de Lili Narodowiec, construite en 1967 en toute légalité avec un permis de construire dans une partie de l’île qui n’était pas protégée à l’époque et dont la façade a été modifiée en 1987 avec les autorisations nécessaires, elle se trouve déjà en situation d’urbanisme avec quelques maisons autour d’elle et selon Lionel Quillet « les deux grands critères de la préemption ne sont plus présents ».
Une préemption politiquement sensible
Dominique Bussereau a parfaitement réalisé tout ce que cette acquisition pouvait avoir de sensible dans la conjoncture économique actuelle et au sein du maelström créé par Jérôme et Alexia Brochay, notaires parisiens et acheteurs. Ceux-ci ayant vendu leur maison de La Couarde pour réaliser cet achat se trouvent désormais sans résidence secondaire dans l’île et ne l’entendent pas de cette oreille. Ils ont adressé au président Bussereau, à tous les Conseillers généraux ainsi qu’à certains ministres un courrier très argumenté et ont rendu visite à Léon Gendre en sa mairie de La Flotte pour faire entendre leur point de vue. Dominique Bussereau, craignant peut-être de se retrouver minoritaire, a donc retiré du programme de la session d’automne devant se tenir le 22 octobre, le vote de la préemption et l’a reporté à la session permanente du 16 novembre. Dans l’intervalle mission est confiée à Léon Gendre d’expliquer et de convaincre les Conseillers généraux. On sait que lorsque Léon Gendre est motivé, il met tout en oeuvre pour faire aboutir ses idées et c’est une véritable force de frappe que rien ne peut arrêter. Toujours est-il que le 16 novembre dernier, la délibération a été votée à 20 voix, 28 abstentions (dont l’opposition de gauche) et 3 voix contre : Lionel Quillet, Robert Chatelier (Saint-Agnant) et Bernard Louis-Joseph (Mirambeau).
Un recours en référé : verdict le 19 décembre
On a appris il y a quelques jours qu’Alexia et Jérôme Brochais avaient fait un recours en référé au Tribunal Administratif de Poitiers. Verdict le 19 décembre qui renverra probablement au fond, ce genre de contentieux ne se traitant pas en référé. S’ensuivra une bataille juridique d’au moins trois ans pendant laquelle tout sera bloqué. Cependant le problème soulevé par les acquéreurs est intéressant. Il s’agit de l’utilisation du produit de l’écotaxe pour financer les préemptions. Les avocats des acheteurs s’appuient sur la question d’un sénateur posée au ministre de l’Écologie de l’époque figurant avec sa réponse dans le JO du 4 janvier 2001 : « Il convient de s’en tenir à la lettre des dispositions de l’article L 321-11 du code de l’environnement. Les acquisitions doivent être effectuées exclusivement avec les fonds issus de la taxe sur les espaces naturels sensibles du Département ». Les avocats des deux parties vont pouvoir ressortir tous les articles de lois en leur faveur, car le problème posé est sérieux, mais cela va prendre du temps.
Quant au Président Bussereau, interrogé le 7 décembre lors d’une conférence de presse, il confirmait sa position : « Il y a vingt ans que le Département mène une politique de protection des espaces naturels. On ne va pas maintenant céder au lobby des notaires parisiens. Il n’y a aucune raison que l’on cède au fric ! »
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