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De l’usage inconsidéré du sable à l’échelle planétaire

Dans le cadre du festival Images de Sciences-Sciences de l’image, organisé par l’Espace Mendès France de Poitiers dans les établissements scolaires de Nouvelle Aquitaine, la médiathèque de Sainte-Marie accueillait le 20 novembre la projection du documentaire : Le sable, enquête d’une disparition, réalisé par Denis Delestrac en 2013 sur le prélèvement illicite du sable.
Ce film–documentaire particulièrement bien renseigné, révèle l’ampleur de l’extraction sauvage à travers le monde, l’enjeu financier et la parole des scientifiques en recherche de solutions alternatives. Les Rétais ont ainsi bénéficié d’un précieux enseignement sur la ressource naturelle qu’ils croyaient pourtant bien connaître.
Le sable, un rôle vital dans notre société
C’est la ressource qui nous est devenue la plus indispensable après l’air et l’eau. Le sable, composant principal du béton, est également indispensable à la fabrication du verre, du papier, du plastique, des lessives, des cosmétiques, des peintures, des puces électroniques, cartes bancaires et de bien d’autres produits, sans parler des routes, des parkings, des digues, etc.
Une ressource très convoitée de par le monde
Et les sociétés sablières sont prêtes à tout pour extraire le précieux granulat des littoraux. En Inde, les marchands de sable sont aujourd’hui si puissants qu’en véritable organisation mafieuse, ils contrôlent tous les secteurs du bâtiment, du parpaing, du simple ouvrier de chantier aux plus hautes sphères du pouvoir et de l’État, par la machiavélique mécanique de la spéculation immobilière.
Malgré l’énorme besoin de la population indienne, 90 % des bâtiments neufs restent vides, voués à la revente jusqu’à l’usure. En Indonésie, l’extraction sauvage sous-marine est déjà responsable de la disparition totale de vingt-cinq îles mais les mégapoles réclament toujours plus de sable. Singapour, dans sa furie d’expansion a remblayé 130 km² sur la mer en dix ans, encourageant le trafic de sable des pays fournisseurs (Cambodge, Vietnam, Indonésie).
En Chine, 70 % des constructions sont inoccupées quand en Espagne, 30 % des logements neufs ont été bâtis pour rien ni personne avant la crise financière. Et que dire des voraces îles artificielles Palm et World de Dubaï, construites à partir de sable importé d’Australie ? Deux projets pharaoniques qui ne s’embarrassent pas d’équilibre environnemental.
Le sable n’est pas inépuisable
La surexploitation de la ressource est avérée et menaçante, chaque année nous en consommons plus de quinze milliards de tonnes. 75 % à 80 % des plages dans le monde reculent (affaissement, érosion, montée des mers) alors, nombreuses sont les stations balnéaires qui remblayent leurs plages à des fins économico-touristiques. Bien souvent, le granulat, puisé au large se stabilise assez mal sur la plage, son dragage provoque non seulement la destruction de la faune sous-marine mais aussi des effondrements.
Mais le sable n’est pas une ressource renouvelable, une fois agrégés en béton, les grains sont détruits. Il faut des millénaires avant que, du haut des montagnes, les blocs de granit s’effritent et se transforment en petits grains puis parviennent, au long des rivières, jusqu’au littoral, sans parler des milliers de barrages qui obstruent leur lente progression.
Le dilemme évoque le serpent qui se mord la queue. En France les droits d’extraction sont strictement réglementés, interdits en rivière, ils sont néanmoins autorisés sur les terrasses alluviales (versants) et en mer, mais ils sont soumis à une commission, composée de scientifiques, de l’IFREMER et de l’État, qui statue après une étude d’impact.
Bâtir autrement, relevons le pari
À l’issue de la projection, Eric Chaumillon*, chercheur, géologue et professeur à l’université de La Rochelle, qui a lui-même participé au film de Denis Delestrac, a engagé le débat avec la trentaine de spectateurs présents.
En tant que chercheur, Eric Chaumillon n’est point alarmiste, il constate la disparition de la ressource et envisage différentes voies alternatives possibles. Face à l’accroissement constant de la population, on ne pourra pas se passer de construire. L’enjeu est planétaire, c’est par conséquent le souci de tous et la consommation doit redevenir raisonnable y compris en matière de sable.
Aujourd’hui le débat s’ouvre donc sur la nécessité de diversifier les méthodes de construction. La paille, le bois, le métal sont autant de matériaux qui, eux, sont recyclables à l’infini et doivent être exploités pour réguler notre frénésie de sable. Sur la côte Est des États-Unis, on commence à utiliser le sable de verre, car après pulvérisation, les bouteilles réformées ressemblent à s’y méprendre au sable et possèdent les mêmes propriétés.
Véronique Hugerot
*Eric Chaumillon : directeur du département sciences de la terre, Laboratoire Littoral environnement et Sociétés LIENSs.
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