L’unique carrelet de l’île de Ré résiste au temps

Ignoré d’une grande partie de la population et des touristes en raison de son emplacement, le seul carrelet de l’île de Ré, bichonné par son propriétaire, résiste au temps.

Autrefois dans l’île, la pêche se pratiquait à pied dans les écluses. Ce qui explique que le typique carrelet des côtes charentaises ne se rencontre pas ici comme dans le reste du département. Il en existe un cependant, invisible depuis la route, installé le long de la propriété de Daniel, à la limite de Rivedoux et de La Flotte sur la RN 735. Lorsqu’il s’est installé dans l’île en 1988, Daniel a découvert ce carrelet au bout de la propriété qu’il venait d’acheter en bord de mer. Il n’a pas réussi à savoir depuis combien de temps il était là, mais il était dans un triste état. Pour ceux qui ne les auraient pas aperçus seuls ou en rangs serrés le long des côtes allant vers les estuaires de la Charente et de la Gironde, rappelons que le carrelet désigne une installation sur pilotis destinée à une pêche artisanale, vieille de plusieurs siècles et tirant son nom du grand filet carré (4 m de côté) que l’on immerge dans la mer pour ramener les poissons. Cette technique est réglementée car elle nécessite la construction d’un ponton sur le domaine public. Au fil des années, Daniel a refait en bois, inox et aluminium la passerelle de 25 mètres de long menant à la cabane, dont il a amélioré le confort et qu’il a équipée d’un treuil électrique pour remonter plus facilement le filet submergé et chaque année, il rajoute un peu de ciment aux pieds. Ayant travaillé dans le secteur de la chaudronnerie, il a restauré lui-même son installation qui a résisté à la fois à la tempête de 1999 et, dix ans plus tard, à Xynthia.

Un passe-temps agréable

Daniel pêche de préférence à marée montante, il immerge son filet dans une eau pas forcément très profonde, le laisse environ une demi-heure dans la mer avant de le remonter. Il prend beaucoup d’éperlans, mais aussi des petits bars, des mulets et trois ou quatre fois par an des soles. Il fait parfois des prises exceptionnelles comme ce congre d’1,60 m qu’un ami poissonnier a dû lui découper en trois rôtis pour qu’il puisse le faire cuire. Il se considère le gardien de ce carrelet qu’il fait facilement visiter et qui a pris une grande importance dans sa vie. Tout tourne autour du carrelet qui lui procure trois plaisirs essentiels. Celui de pêcher, au calme loin de la fureur du monde, puis celui de déguster ce que le filet aura réussi à emprisonner dans ses mailles avec des proches et des amis qui viennent régulièrement lui tenir compagnie, et enfin de faire plaisir en donnant la plus grande partie des éperlans qu’il prend. La convivialité de ces repas pris ensemble au grand air apporte beaucoup à Daniel qui vit désormais seul. Il a d’ailleurs aménagé le carrelet, fixant une échelle sur le côté, de façon à ce que ses amis possédant un bateau, puissent le rejoindre par la mer.

Un peu plus de 400 carrelets sont inscrits au patrimoine de Charente- Maritime depuis 2018. Ils étaient plus nombreux autrefois, mais beaucoup ont été détruits par les tempêtes de 1996, 1999 et Xynthia. Ils n’ont pas tous été reconstruits, soit pour des raisons de coûts, soit parce que leurs usagers n’ont pas obtenu les autorisations nécessaires. Selon L’Echo des Estuaires de juin 2005 : « Historiquement, il y aurait eu quatre installations sur l’île de Ré, dont un emplacement encore visible. » Il s’agit du carrelet de Daniel qui dispose d’une concession accordée par les Affaires maritimes et pour laquelle il paye une amodiation annuelle.

Quelques demandes ont été faites pour créer de nouveaux carrelets dans l’île, mais elles n’ont pas abouti car la Direction Départementale de l’Équipement (DDE) ne délivre plus d’autorisation dans l’immédiat.