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L’ostréiculture confinée
COMITE REGIONAL DE CONCHYLICULTURE
L’année 2020 aura été rude pour les ostréiculteurs qui ont dû affronter la crise sanitaire après celle du norovirus au mois de janvier. Quelles ont été leurs principales difficultés ? Comment les ont-ils affrontées et quelles perspectives pour les fêtes de fin d’année ? Éléments de réponse avec Daniel Coirier, président du CRC* Charente-Maritime
En janvier, le norovirus a causé beaucoup de dégâts pour la profession alors qu’après le rush des fêtes de fin d’année, c’est une période où les ventes doivent s’équilibrer. Mais le plus dommageable a certainement été l’image qu’a laissée ce virus : dans l’esprit du consommateur, c’était « l’huître qui donne la nausée ». À peine sortie de cette crise, l’annonce d’une pandémie mondiale en février annonce l’arrêt total de toute une économie. L’ostréiculture voit ainsi une seconde vague de choc s’abattre sur toute la profession. « Depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier, l’ostréiculture subit une baisse significative des volumes commercialisés. La fermeture des restaurants pendant plusieurs mois en 2020 est un coup dur pour bon nombre d’entreprises ostréicoles dans la mesure où la consommation des coquillages hors foyer est très élevée en France », résume Daniel Coirier. « Par ailleurs, l’exportation, qui représente 10% en part de marché, est également très touchée », poursuit-il. L’impact économique est donc significatif.
Les entreprises ostréicoles devant maintenir les emplois pour assurer toutes les tâches de production, sans pouvoir compter sur les recettes habituelles. Les trésoreries de ces entreprises sont donc en très forte tension dans un contexte de forte incertitude.
L’importance de la communication
Le CRC* a réagi dès le début de la crise sanitaire en mettant en place une stratégie de crise afin de communiquer activement sur les réseaux sociaux, le canal de communication le plus efficace durant le confinement. « Le Comité Régional de la Conchyliculture accompagne autant qu’il le peut les entreprises. Nous communiquons énormément avec nos adhérents et nous essayons de leur transmettre toutes les informations dont ils ont besoin pour faire face à la crise et notamment toutes celles qui concernent les règles sanitaires et les dispositifs de soutien mis en oeuvre par le Gouvernement », assure le président. En parallèle, le CRC a mis en place de nouveaux outils de communication destinés au grand public : mise en place d’une application pour indiquer la localisation des producteurs proposant la vente en ligne ou les ventes directes sur les marchés, création de sites internet marchands et publicités sur les réseaux sociaux. Cette stratégie dite de crise a été mise en place presque du jour au lendemain, avec des messages forts et rassurants.
Un Noël décisif
Malgré les difficultés rencontrées, les entreprises ostréicoles préparent activement les fêtes. « Si les conditions ne sont pas optimales et génèrent un surcroît de stress, nous restons malgré tout convaincus que l’huître sera comme chaque année un produit phare des fêtes de fin d’année », estime Daniel Coirier. L’objectif consiste donc à sauver l’année grâce aux fêtes mais l’avenir à long terme reste bien flou. « Le mois de décembre ne va pas être simple à gérer, mais tout est mis en oeuvre pour que cette période d’intense activité se passe du mieux possible. Il sera temps en janvier d’envisager la suite », conclut le président.
*Comité régional de la conchyliculture.
TEMOIGNAGES
Paroles d’ostréiculteurs
« Diversifier l’activité »
« La fermeture des restaurants engendre une baisse des ventes mais nous avons aussi dû faire face à une baisse de la consommation chez les particuliers. L’huître reste un produit festif et beaucoup de confinés n’avaient pas le coeur à en manger. Nous vendons habituellement beaucoup d’huîtres à Rungis pour les brasseries parisiennes qui sont fermées… Les consignes du Gouvernement, c’est-à-dire ne pas ouvrir d’huître au risque de se blesser et d’engorger les hôpitaux, ne nous ont pas aidé. Pour surmonter tout cela, nous avons fait le choix de diversifier l’activité en développant notamment la culture de la salicorne. L’idée est de reporter le chiffre d’affaires perdu sur d’autres produits (salicorne, cornichons, poivres de marais, etc.) que nous vendons aux commerces alimentaires (épiceries et magasins de producteurs). Nous restons dans l’incertitude pour les fêtes à venir, les comité d’entreprises restent frileux pour commander, les particuliers ne savent pas vraiment combien ils pourront être à table et les restaurants restent sinistrés. Mais nous restons optimistes en continuant à diversifier l’activité pour ne pas être dépendants de l’huître ». Benjamin Courtadon, directeur d’exploitation de la Ferme des Baleines, Saint-Clément
« Les mentalités ont évolué »
« Nous avons dix fois plus d’huîtres sur les parcs qu’à l’habitude. Les huîtres continuent à grossir, il va falloir les écouler, nous y arriverons mais c’est une production plus compliquée à gérer cette année. Heureusement nous avons des clients fidèles qui sollicitent les producteurs locaux et nous les remercions fortement. Si la fermeture des restaurants a forcément engendré une perte de chiffre d’affaires, nous sommes plutôt confiants pour Noël. Les gens vont pouvoir être en famille et profiter des plaisirs de la vie ! Nous restons dans l’incertitude face aux discours aléatoires du Gouvernement. Nous sommes cependant optimistes car les mentalités ont l’air d’évoluer, aujourd’hui chacun aspire à profiter de choses simples comme la dégustation d’huîtres locales. Lorsque la vie redeviendra normale, nous espérons que les gens auront réévalué leur façon de consommer mais si il y a une troisième vague, je n’ai pas de vision pour l’avenir ». Sébastien Henry, de la Maison Henry, La Flotte
« Dans le flou total »
« Nous servons beaucoup de restaurants sur l’île de Ré et La Rochelle,nous avons forcément une baisse de chiffre d’affaires. À cela s’ajoute une baisse de fréquentation pour les dégustations. Mais nous avons tous très bien travaillé dès la réouverture en juin. Cependant la trésorerie a souffert. Le prêt garanti par l’Etat a bien aidé mais il va falloir le rembourser ! Concernant Noël qui approche, c’est difficile de se projeter, nous avons beaucoup d’annulations de commandes de la part des comités d’entreprise. Nous sommes dans le flou total ». Eric Le Corre, Maison Le Corre, La Flotte
« Miser sur les ventes directes et les expéditions »
« Nous avons été lourdement impactés au printemps jusqu’à la réouverture des restaurants mais heureusement, nous avons fait une belle saison qui a rattrapé ce manque à gagner. Les gens ont beaucoup consommé sur les marchés cet été ainsi que dans les espaces de dégustation, nous avons ensuite eu un beau mois de septembre et un joli mois d’octobre. Pour Noël, nous allons tout miser sur les ventes directes et les expéditions pour les marchés. Nous restons dans l’inconnue, tout va dépendre des consignes sanitaires sur les marchés ou encore des commandes des comités d’entreprise ». Emmanuelle Mercier, responsable commerciale de la Cabane Océane, La Flotte
« La fin d’année pourrait être catastrophique »
« Nous avons bien travaillé même pendant le confinement. L’île de Ré est à part puisque sur le continent, la situation était plus tendue, notamment sur les marchés. Mais aujourd’hui nous avons peu de demandes et les coûts de production s’avèrent plus élevés que les prix auxquels nous vendons. Sans oublier que la mortalité des huîtres est plus importante sur l’île de Ré, sans que nous sachions pourquoi. À ce jour, nous n’avons pas beaucoup de commandes pour Noël, contrairement aux autres années où nous en avions dès la mi-novembre. Nous avons peu de visibilité concernant les ventes en grande distribution et à l’export. Si nous ne vendons pas nos huîtres aujourd’hui, cette fin d’année pourrait être une catastrophe. Notre trésorerie est presque dans le rouge et il faut continuer à payer les taxes et autres impôts. Nous essayons de développer le Drive, mais c’est assez compliqué, il faut par exemple repenser les conditionnements. Il faudrait que la filière soit un peu plus aidée par l’Etat et un peu moins taxée ! ». Eric Neveu, Les Huîtres Neveu, La Flotte
« Apprendre à travailler différemment »
« Nous n’avons pas pu récupérer le manque à gagner des mois d’avril, mai et juin, même si nous avons bien travaillé cet été grâce à l’envie et à l’enthousiasme des consommateurs. J’ai noté une évolution de la fréquentation à la cabane, nous avons de plus en plus de clients qui viennent sur l’île juste pour le weekend, ceux qui fuient les grandes villes et qui profitent davantage de leurs résidences secondaires. Peutêtre aussi ont-il l’impression d’être davantage protégés ici ? En ce qui concerne les fêtes de fin d’année qui approchent, c’est l’incertitude. Nous travaillons habituellement beaucoup avec la Belgique et l’Est de la France dès novembre et cette année, ce n’est pas le cas. Mais à nous de nous adapter, de proposer des produits différents, des conditionnements différents, d’apprendre une façon de travailler différente. Il ne faut pas vivre sur ses acquis. Je viens tout juste de mettre en place un site internet qui me permet d’expédier sur tout le territoire français plus facilement. Certes je n’ai aucune visibilité sur l’avenir mais je continue à investir et à réfléchir sur notre façon de travailler. Cette crise représente peut-être un moyen de faire découvrir l’île à des moments différents, et ainsi avoir une activité lissée sur l’année. Nos instances politiques devraient y réfléchir car cet été, il y a eu beaucoup trop de monde sur l’île, ce qui engendre une pression humaine et une pression au travail trop forte ». Franck Moreau, les Huîtres de Trousse-Chemise, Les Portes.
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