L’opposition au projet éolien marin ne faiblit pas
Le 27 juillet 2023, un an tout juste après l’annonce officielle du projet de parc éolien marin d’Oléron, le collectif NEMO, en partenariat avec l’APSSC, CAPRES-Aunis* et la mairie de Saint-Clément, organise une conférence-débat. Christophe Sueur et Lionel Quillet interviendront lors de cette réunion publique, visant à faire un point d’étape.
Dominique Chevillon, l’une des têtes de proue de l’opposition à ce projet, déflore avec Ré à la Hune les sujets qui seront abordés lors de cette conférence-débat.
Ré à la Hune : qui seront les intervenants ?
Dominique Chevillon : Nous présenterons plusieurs vidéos d’actualité, ainsi qu’une dizaine de fiches sur des grands thèmes, qui seront commentées par des ingénieurs et des élus. Après une introduction générale sur le sujet, j’assurerai l’animation de la réunion. Parmi les vidéos, figurera celle de Christophe Sueur, intervenant auprès de députés du Parlement Européen, à la demande de plusieurs députés français, pour expliquer sa position. Maire de Saint-Pierre d’Oléron, commune très concernée, avec son port de pêche de La Côtinière, par le projet éolien marin, Christophe Sueur est le premier vice-président de la Communauté de Communes de l’île d’Oléron. Celle-ci a mené beaucoup d’actions en matière d’énergies renouvelables, ses élus sont fermement opposés au parc éolien offshore alors qu’ils s’étaient montrés intéressés, au départ. Il est également vice-président au Département de la Charente-Maritime, en charge des infrastructures et activités portuaires, et incarne l’opposition du Département à ce projet éolien marin. Il sera parmi nous et interviendra lors de la réunion.
Lionel Quillet, président de la Communauté de Communes de l’île de Ré, s’exprimera également, pour donner ses arguments contre ce projet et la façon dont il s’est imposé aux élus locaux. Certes, l’île de Ré est aujourd’hui moins concernée qu’Oléron par la nouvelle version du projet (positionné plus au sud-ouest de la zone pressentie précédemment – NDLR), mais elle le sera tout autant demain par le second parc d’1 GW qui sera ouvert, puis les troisième et quatrième parcs.
Vous parlez d’alertes sérieuses, quelles sont-elles ?
L’objectif affiché par La France d’atteindre une capacité de 40 GW d’électricité via l’éolien off-shore suppose l’implantation d’une cinquantaine de parcs au large de nos côtes. Les premiers parcs bretons en cours sont des petits parcs, de 250 MW, je vais lors de cette réunion annoncer plusieurs grands projets, plus imposants.
Nous allons projeter une vidéo très explicite sur la situation dramatique en matière de production énergétique en Allemagne, qui illustre les difficultés dans lesquelles ce pays se trouve et pose les vraies questions sur l’avenir. L’Allemagne est l’exemple type d’un pays ayant abandonné la filière nucléaire, qui permet la production d’une énergie pilotable (permanence), au profit de conventions avec la Russie de Poutine pour la fourniture de gaz russe, qui est la seule source d’énergie pilotable venant en complément de son développement éolien énorme, le plus important en Europe. Elle remet en route des mines de charbon et lignite…
Pourtant, alors que l’énergie nucléaire est pilotable et décarbonée, et on en maîtrisait bien les techniques de production en France, on se lance sur l’éolien, énergie renouvelable non pilotable qui nécessite une seconde source de production, ce qui double les coûts.
Des alertes très sérieuses se confirment à l’égard de la filière éolienne. Alors que les projets éoliens sont déjà avancés, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’est toujours pas actualisée en France, elle date de 2016 et l’Etat annonce depuis quatre ans son actualisation. On est sur du très long terme, de plus de dix ans, et on ne connaît toujours pas la répartition souhaitée entre les différentes sources d’énergie.
Par ailleurs, pour décider des productions d’énergie, il faut planifier des zones en mer. Une directive européenne du 23 juillet 2014 demande que ce soit fait, ce qui est le cas en Allemagne, au Danemark, au Royaume-Uni, etc. mais pas en France, où n’ont toujours pas été programmées les activités nouvelles en mer, éoliennes et hydroliennes. Avec l’annonce politique d’une PPE de 40 GW en mer avec 50 parcs, cela sème une vraie opposition au niveau des enjeux écologiques et de la pêche. Le zonage doit tenir compte des activités anciennes et de l’impact environnemental.
La situation économique de la filière éolienne vous inquiète également ?
Oui il s‘agit d’une information alarmante, la filière éolienne internationale et européenne est concernée. L’un des plus grands conglomérats, Siemens, vient de s’effondrer en bourse, avec – 61 % entre le 7 juin et le 11 juillet. Ont été détectées des anomalies et malfaçons génériques dans la fabrication des pales et turbines. Par ailleurs a été annoncée la suppression de 2900 emplois en Europe dans la filière éolienne, notamment offshore, avec les premières suppressions effectives au Danemark (- 800 emplois), en Espagne (- 500) et en Allemagne (- 300).
On a aussi confirmation d’un problème énorme dû à une offre faible alors que la demande est très forte en éolien offshore, on a perdu beaucoup de compétences.
Se rajoutent à ces anomalies des ruptures d’approvisionnement des matériaux et notamment ce qui concerne les métaux rares (Chinois), avec pour conséquence l’envolée des prix de certains composants.
Où en est-on au niveau juridique ?
Les contentieux concernant la zone Natura 2000 et autres contentieux ne sont pas purgés. La France est la seule, contrairement à l’Allemagne, le Danemark ou la Suède, par exemple, à avoir imposé de l’éolien off-shore en zone Natura 2000. Ce contentieux va arriver devant la Cour de Justice européenne et le Conseil d’Etat, en France. Pour Dunkerque, Oléron et un petit peu La Méditerranée, des contentieux sont en cours. Nous diffuserons et commenterons durant la réunion le dernier article de Laurent Bordereaux, juriste en droit du littoral, paru dans Le Monde du 4 juillet 2023, intitulé « La réussite sociétale de l’éolien en mer est conditionnée au respect des sites Natura 2000 ». Dans cette tribune, il s’inquiète de la « préoccupante banalisation » des zones Natura 2000, et alerte sur les risques de contentieux à venir. « Dire que la législation n’y interdit pas les grands projets énergétiques, comme le font les maîtres d’ouvrage, est une posture qui a atteint ses limites », y estime-t-il. En effet, « si la « raison d’intérêt public majeur » est manifestement très malléable, la condition de l’absence de solutions alternatives est d’interprétation stricte », y écrit-il. En clair, il n’est pas certain pour lui que les juridictions nationales et la Cour de justice de l’UE valident aussi facilement les projets offshore implantés en zone Natura 2000.
Nous ferons lors de cette réunion un point sur tous les contentieux concernant le projet d’Oléron.
Croyez-vous toujours aujourd’hui à une issue favorable à vos yeux, qui se traduirait par le repositionnement plus au large du parc éolien d’Oléron ?
Oui, plus que jamais… Plus loin ou un abandon pur et simple, car la zone est très très discutable sur les plans techniques, financiers, écologiques et juridiques. L’opposition est toujours aussi forte, tout comme les incertitudes pour les industriels. Et le Gouvernement actuel ne sera plus au pouvoir dans trois ans…
*NEMO : Non à l’éolien marin d’Oléron / APSSC : Association de protection des sites de Saint-Clément / CAPRES-Aunis : Comité Associatif de Promotion de la Ruralité, de l’Environnement et de la Solidarité (Association écocitoyenne de La Rochelle).
Réunion publique le 27 juillet
à 18h15 salle du Godinand à
Saint-Clément des Baleines
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