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Lionel Quillet : « Une belle dynamique, des défis majeurs à relever »
En ce début d’été, Ré à la Hune fait le point avec le président de la Communauté de Communes, Lionel Quillet, sur la politique menée et les enjeux des années à venir pour l’île de Ré.
Ré à la Hune : Quel premier bilan tirez-vous des actions menées avec les nouveaux élus, sous ce mandat débuté en 2020 ?
Lionel Quillet : Une réalisation forte achevée sous ce début de mandat concerne La Maline, qui aura pris douze ans. Et au-delà de l’infrastructure, c’est toute l’action culturelle ambitieuse qui va avec, en lien avec l’ensemble des acteurs culturels. Nous avons aussi d’’autres projets avec eux.
Le logement nous occupe constamment depuis 2008, il y a eu trois phases. Jusqu’en 2008 le logement social était de compétence communale et Saint-Martin et La Flotte concentraient à elles seules 400 des 500 logements sociaux de l’île de Ré. Dès mon arrivée à la présidence de la CdC, au printemps 2008, nous avons tous fait le choix stratégique de porter en compétence intercommunale les projets de plus de 10 logements, seuil ensuite remonté à 20 logements. Cette orientation politique majeure a permis de construire 450 logements, portant ainsi à ce jour le parc rétais à 950 logements à loyers maîtrisés, qui concernent environ 11 % de la population rétaise. Alors que ces deux phases se terminent, grâce au PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) nous avons pu positionner les projets à venir dans les deux à quatre ans, représentant au total 300 nouveaux logements. Nous avons encore 400 à 450 demandes de logements sociaux en attente. Nous rencontrons toutefois de plus en plus de difficultés : les oppositions sont énormes, les coûts financiers explosent, les partenaires sont plus difficiles à mobiliser. Là-dessus est arrivée la déferlante Airbnb, sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise, vu le manque d’éléments législatifs qui nous permettrait de les contraindre. Ce développement est exponentiel, dans toutes les communes on voit des familles logées depuis des années qui sont mises dehors par des propriétaires souhaitant bénéficier de la manne des locations saisonnières.
La CdC n’arrive plus à faire face. Nous avons mis 23 M€ en achat de foncier depuis 2008 et on était parti sur encore 5 M€ pour les nouveaux projets au Bois-Plage, à Ars-en-Ré, Saint-Clément des Baleines et Saint- Martin. On rencontre de multiples problèmes, les projets du Bois-Plage et de Saint-Clément sont attaqués par des promoteurs, le voisinage… On continue malgré tout, 36 logements sociaux sont prévus à Rivedoux-Plage au quartier du Château, 30 logements à Saint-Martin sur le site de l’ancienne gendarmerie, avec Habitat 17, 20 logements aux Hirondelles à Sainte- Marie, 20 logements au Grignon à Ars-en-Ré. Le gros projet concerne La Poisière au Bois-Plage, avec 50 logements. Aux Ouches, à Saint- Clément, nous avons une grosse discussion, et enfin à La Couarde sont prévus 25 logements au Petit Noue.
Le PPRL (Plan de prévention des risques littoraux) de 2012 a marqué un coup d’arrêt sur les communes du Nord, notamment Les Portes, Saint-Clément et La Couarde. On comptait sur les communes du Sud. Sainte-Marie, Le Bois-Plage, Saint- Martin continuent les projets et assument leur part, La Flotte en a déjà beaucoup fait et mise aussi sur les logements communaux, qu’elle peut mieux maîtriser, la grande déception vient de Rivedoux qui n’a construit que 15 logements sociaux en 20 ans et qui au lieu d’en prévoir d’autres a revendu les terrains à 725 € le m2. Si certaines communes n’y vont pas, la CdC ne pourra pas y aller. Le PPRL ayant fait suite à Xynthia et le phénomène Airbnb nous freinent considérablement. Mais le logement reste toujours la priorité de la CdC de l’île de Ré, il fut le projet fondateur de l’intercommunalité en 2008. Ont suivi les digues à partir de 2010, puis les nouvelles compétences prises tout au long de nos mandats, que les communes ne peuvent pas assumer : crèches, adolescence, La Maline, le tourisme, etc.
Aujourd’hui (vendredi 17 juin – NDLR) se déroulent à la CdC les premières rencontres des acteurs sociaux sur la problématique du logement d’urgence (lire notre article en page 12). Et nous allons organiser des Assises du logement à la rentrée, la commission de Peggy Luton rendra son rapport en septembre, qui recensera toutes les possibilités, nous travaillons aussi avec l’Association « les Volets ouverts » qui va nous aider, je suis en négociation avec les Services de l’Etat, l’île de Ré n’est pas classée en « zone tendue » et ne bénéficie pas du système des droits d’enregistrement afférent à ces zones, qui offre la possibilité d’une sorte de contrôle. Actuellement, à l’île de Ré, les loueurs de meublés n’ont aucune obligation de déclarer leur activité. Il nous faut obtenir ce statut et le droit d’enregistrement, ce qui nous permettra ensuite de recenser les logements concernés par la location saisonnière, puis travailler sur le changement d’affectation, il faut que le Législateur nous donne des moyens juridiques et surtout fiscaux. Actuellement, dans les affaires des communes qui ont pris des initiatives visant à contraindre les locations saisonnières au prorata des locations à l’année, le Juge renvoie tout le monde dans ses buts. J’ai bien sûr prévu de saisir très vite notre Député qui est bien conscient de l’enjeu pour notre territoire, tout comme pour celui de La Rochelle d’ailleurs.
Ces Assises du logement prévues à la rentrée nous permettront de consulter les Rétais, entendre ce qu’ils veulent, quel équilibre on souhaite entre logements à l’année et locations saisonnières…
Quels sont les autres sujets qui vos mobilisent aujourd’hui ?
Le Schéma de Développement Durable et le Comité Consultatif Citoyen qui a fait un travail énorme depuis un an, la création de ce dernier a été une très bonne initiative, pour tout le monde, permettant de faire aussi beaucoup de pédagogie. Le Comité a fait une cinquantaine de propositions, il a pu prendre la mesure des difficultés mais également découvrir que beaucoup de sujets sont déjà faits par la CdC et que parfois les réalisations ne peuvent se faire du fait de difficultés techniques, juridiques, sociales, par exemple. Toutes les réponses ont été apportées au CCC, une nouvelle phase s’ouvrira en octobre, pour voir quelles actions on peut mettre en place. Le budget participatif de la CdC permettra de financer l’un de ces projets émanant du CCC.
Le Schéma Directeur des Pistes Cyclables fait aussi aujourd’hui partie de nos priorités. L’île de Ré est dotée de 138 km de pistes cyclables, qui ne sont pas toujours de vraies pistes cyclables. La demande de mobilité douce pour les trajets domicile/ travail va s’imposer de plus en plus, on doit pouvoir rejoindre à vélo La Rochelle depuis le Sud de l’île de Ré en 45 minutes et non pas 1h30. Nous ferons l’automne prochain des Assises autour de ce Schéma. Il nous faut recadrer certains tracés de pistes, gérer la discontinuité, s’ouvrir certains passages, mais aussi revoir les problèmes de revêtement des pistes cyclables en intégrant des matériaux plus écologiques que le calcaire. Je souhaite aussi que l’écotaxe puisse financer ces pistes cyclables, cela passera par le Législateur, il s’agit là de mon autre demande au Député, pour obtenir l’élargissement des affectations de l’écotaxe.
La mobilité est un fort enjeu, qui ne m’appartient plus. J’ai créé avec l’appui de Dominique Bussereau une opportunité de grand projet de mobilité en tant que président de la CdC et 1er vice-président du Département, projet validé et lancé en 2008, qui a été abandonné par les nouveaux élus du Département, exceptée la passerelle et le réaménagement du site du Belvédère, 1ère partie du projet, qui ne sert à rien sans les deux autres parties de ce projet. Mettre un transport de bus en voie prioritaire dès le Pont et en aval de celui-ci le long de la voie Sud de Rivedoux reste la solution, il y a une demande énorme de la part non pas que des « visiteurs à la journée », mais aussi des vacanciers en weekend, en semaine, ou sur une période plus longue. Ils arrivent par le train et voudraient pouvoir ensuite arriver par voie de bus à leur hébergement. C’est un problème que j’ai soulevé depuis des années, seul le Département et la Région peuvent le résoudre.
Le Département prend l’option de développer le transport à la demande et a décidé d’abandonner les navettes de village de La Flotte, Sainte-Marie et Loix qui, en prenant le relais vers le centre des villages, permettaient au bus de la ligne principale de ne pas perdre de temps. La Mairie de Rivedoux n’a pas voulu du transport en voie propre. Il n’est pas facile de comprendre ce qu’il se passe. Mais le problème d’accès aux transports va créer une asphyxie incontrôlable, y compris pour nos salariés qui ne pourront plus accéder à leur lieu de travail dans des délais raisonnables. Abandonner le projet Mobilité que nous avions lancé avec Dominique Bussereau est une perte stratégique hallucinante, on fait l’inverse de ce que toutes les villes de France font, on ne laisse pas passer les bus, qui se retrouvent dans les bouchons.
Les Assises de la Mobilité prévues à la rentrée, auxquelles je convierai la Région et le Département, puisque la CdC de l’île de Ré n’a pas la main en la matière, permettront de réexpliquer l’ensemble de la problématique et qui fait quoi. Beaucoup de choses en découlent, notamment l’emploi, le logement, l’accès à Ré.
La protection de nos côtes insulaires a été un sujet majeur pour vous à la CdC et au Département, qui s’est traduit très concrètement par les deux PAPI (Plan d’action de prévention des inondations) lancés sur l’île de Ré. Où en est la protection du Fier d’Ars intégrée dans le dernier PAPI que vous avez réussi à faire valider in extremis par la CMI (Commission mixte inondation) ?
Avec le projet à 100 M€, dont 65 M€ déjà réalisés, la protection complète de l’île de Ré à hauteur Xynthia + 20 sera assurée, il s’est agi du premier chantier de Charente-Maritime. Cela a demandé une énergie extraordinaire. Nous avons réussi à obtenir le financement du second PAPI qui représente 35 M€ et concerne principalement la protection du Fier d’Ars (20 à 25 M€), ainsi que le littoral des communes des Portes, Ars et Saint-Clément. Nous avons pu obtenir la validation par la CMI, Dominique Bussereau et moi-même, grâce à l’appui d’Elisabeth Borne, alors Ministre de la transition écologique, et l’accord du Préfet, ils ont sauvé l’île de Ré. Le principe est acté pour tout le Fier d’Ars. Mais entre le principe et les actes, pour entrer en phase de réalisation, il faut suivre de près les études en cours, qui sont longues, relancer sans cesse, ne pas laisser filer au gré du temps. Il m’a fallu une énergie folle, je ne suis pas certain qu’aujourd’hui la même énergie soit déployée par mon successeur au Département, j’espère que je me trompe…
Où en est le grand projet de site multi-activités qui serait localisé à l’entrée sud du Bois-Plage, sur le terrain acquis par la CdC ?
Nous avons effectivement choisi ce grand terrain d’un hectare, grand mais pas tant que cela au regard des nombreuses demandes que nous avons reçues. Nous voulons en faire un vrai lieu de vie pour les Rétais. La fédération des acteurs rétais (La Manuf’) qui souhaite créer un tiers lieu culturel, la volonté de la CdC d’avoir une proposition structurelle pour les Ados, le besoin d’extension de l’Ecole de Musique, les activités d’école de cirque à l’année d’Ophidie Circus, l’accompagnement de nombre d’associations… il faut réussir à faire coexister tout cela de manière cohérente et faire des choix. Nous travaillons aussi sur un projet de bâtiments adaptés et présenterons l’ensemble du projet à la rentrée aux élus, puis nous reviendrons vers tous les acteurs, mais il est clair que nous avons trop de demandes pour ce terrain-là.
Quels sont les autres projets en cours de ce mandat ?
Pour le bâtiment du Quai de La Criée sur le port d’Ars, là aussi vrai projet de lieu de vie permanente, nous avons choisi l’Architecte, préparons le permis de construire et espérons démarrer les travaux en 2023. Ce site abritera un espace médical agrandi, un espace culturel, des commerces et activités de services.
La Plan Alimentaire Territorial (PAT) avance bien, en commun avec les collectivités Aunis Sud, Aunis Atlantique, CdA La Rochelle et donc l’île de Ré. Les enjeux de ce PAT pour l’île de Ré sont notamment de permettre à des maraîchers de s’installer, de sortir de la quasi monoculture, et de maintenir aussi une diversité des paysages.
Enfin, comment s’est passée la nouvelle Enquête publique autour du PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) ?
Elle n’a pas mobilisé grand monde, hormis les riverains du Fond des Airs à La Couarde, cela va donc suivre son cours. Le PLUi est une réussite importante, qui induit beaucoup de contraintes. Nous avons mis, mes prédécesseurs et moi, plus de 20 ans pour arrêter la constructibilité. Les 20 % de constructibilité et le PLUi déterminent l’avenir de l’île de Ré et sa préservation environnementale.
Votre mot de la fin ?
Je suis un président de la CdC heureux, les équipes et les élus sont dans une belle dynamique, Sylvain (le nouveau collaborateur de cabinet du président – NDLR) m’apporte aussi un vent de renouveau et il reste encore beaucoup à faire comme nous l’avons évoqué. Je continue et continuerai de me battre pour la vie permanente sur notre île et le bien-être des Rétais…
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