« L’insécurité routière est le premier risque de mortalité »
« L’insécurité routière est le premier risque de mortalité » Isabelle Pagenelle, Procureure de la République près du TGI de La Rochelle
Les statistiques d’accidentalité de la route font froid dans le dos. Leur analyse qualitative démontre une fois de plus l’inconscience des comportements au volant. Toute la chaîne des acteurs publics de la sécurité routière en Charente-Maritime se mobilise pour combattre le plafond de verre du nombre annuel d’accidents mortels. Mobilisation sur le terrain, innovation en matière de prévention et communication, ciblage d’actions constituent les trois piliers de la stratégie.
Le bilan de la sécurité routière 2018 dressé courant février par le Préfet Fabrice Rigoulet-Roze, entouré des Procureurs de la République de La Rochelle, Isabelle Pagenelle et de Saintes- Saint-Jean d’Angély, Nicolas Septe, du Directeur départemental de la sécurité routière, Mr Le Gouestre et de l’Adjoint au Commandant du Groupement de Gendarmerie départementale de la Charente-Maritime, le Lieutenant-Colonel Misserey, donne de quoi s’interroger. Sur les comportements routiers et les mesures à mettre en place pour enrayer le nombre de décès et de blessés de la route.
Des facteurs et des cibles bien identifiés
Après une année 2017 marquée par une baisse significative du nombre de tués sur les routes de Charente-Maritime (40 contre 59 en 2016, soit – 32 %), l’accidentologie 2018 se caractérise par une très forte hausse du nombre de décès sur la route, avec 63 tués (+ 57,5 %). Ceci alors même que le nombre d’accidents a sensiblement baissé (594 en 2018 contre 714 en 2017, soit – 17 %), tout comme le nombre de blessés hospitalisés (279 en 2018 contre 378 en 2017, soit – 26 %) et le nombre de blessés total, hospitalisés et non hospitalisés (729 en 2018 contre 896 en 2017, soit – 19 %).
Moins d’accidents mais plus d’accidents mortels : les 65 ans et plus représentent 33 % des tués sur la route, les 15/24 ans 24 % et les 25/34 ans 21 %. Les principales causes des accidents mortels sont toujours les mêmes : l’alcool et/ou les stupéfiants sont à l’origine de 37 % des accidents mortels, suivis des refus de priorité (12 %) et des déports à gauche (12 %), la vitesse excessive expliquant 9 % des accidents mortels, tout comme l’inattention.
Si les passagers des voitures sont les premiers touchés (62 % des accidents mortels), les deux roues motorisés (13 %), vélos (13 %) et piétons (11 %) sont des usagers de la route très vulnérables.
Devant ce bilan, la Préfecture et ses partenaires ont pris le parti de réfléchir de la manière la plus opérationnelle possible, via des groupes de travail répartis suivant différentes thématiques : cyclistes, aménagements, sanctions, communication & pédagogie… afin de définir le plan d’actions 2019.
Renforcement des sanctions administratives immédiates
Services de l’Etat, Préfecture, Police, Gendarmerie sont très présents sur le terrain pour lutter contre l’insécurité routière via des contrôles visant à agir sur le comportement des usagers, première cause des accidents de la route.
Ainsi en 2018, 2372 infractions liées à l’alcool et 1142 infractions liées aux stupéfiants ont été relevées en Charente- Maritime, tandis que plus de 10 000 opérations de contrôle de la vitesse avec interception ont été menées.
Cette mobilisation va se poursuivre en 2019, et les sanctions administratives sont renforcées : elles permettent depuis le 1er janvier 2019 de suspendre le permis de conduire immédiatement, dès l’infraction commise, et pour au moins trois mois, avant que les magistrats ne prononcent leur jugement. Pour l’usage de stupéfiants au volant, la durée de suspension est de six mois, pour un excès de vitesse de deux à six mois, pour une alcoolémie de trois à six mois. Le jugement de l’infraction au tribunal peut ensuite prolonger la suspension du permis de conduire, c’est la suspension judiciaire. Comme l’a souligné la Procureure Isabelle Pagenelle : « Le retrait du permis de conduire est une vraie sanction, l’arsenal juridique est très complet, je ne vois pas comment le durcir plus. L’instauration du permis à point, l’annulation administrative du permis de conduire dès récidive, une confiscation de plus en plus active des véhicules, la démultiplication des comparutions immédiates… Nous réfléchissons tous avec les Juges pour que les décisions de sanctions soient en phase avec la situation. Il y a beaucoup de récidives y compris de la part de personnes déjà condamnées pour homicide involontaire. On le sait l’alcool désinhibe et quelqu’un qui se met à boire ne raisonne plus et prend sa voiture sans s’interroger ». Le Procureur de Saintes-Saint-Jean d’Angély, Nicolas Septe, renchérissait : « Cette accidentologie importante n’est pas liée à la saisonnalité, les auteurs d’infraction sont des gens qu’on connaît bien. On a cherché à durcir la politique pénale, les sanctions visent à faire de la pédagogie mais aussi à entraver le fonctionnement, par l’immobilisation administrative et judiciaire du véhicule ».
L’éthylotest anti-démarrage va se généraliser
Mais le message a toujours du mal à passer, et au-delà des mesures préventives, le travail du Procureur et du Juge est de sanctionner. Le Préfet a d’ailleurs émis le souhait que se développent les éthylotests anti-démarrage. Leur mise en place est lente, notamment parce que le nombre de professionnels agréés pour les installer est insuffisant et que tous les véhicules ne peuvent en être équipés. Toutefois le lancement de l’éthylotest anti-démarrage à titre de mesure administrative va permettre d’en renforcer l’usage. Désormais le Préfet a la possibilité, après le contrôle d’un conducteur présentant une alcoolémie supérieure à 0,8 g/l (et inférieure à 1,8 g/l) de l’obliger à ne conduire que des véhicules équipés d’un EAD (coût d’environ 1300 euros à la charge du contrevenant, ou location possible pour un tarif mensuel d’environ 100 euros, sans oublier les frais de montage et démontage) pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois. Le tribunal peut ensuite décider de prolonger cette obligation pour une durée jusqu’à cinq ans et moduler l’amende jusqu’à un maximum de 4500 euros.
L’obligation de vérifier son aptitude à la conduite en cas de problème de santé incombe à tout conducteur. En effet, un automobiliste n’ayant pas de contrôle médical et étant responsable d’un accident dû à une pathologie incompatible avec la conduite n’est pas couvert par son assurance. Sont notamment concernées les pathologies cardiaques, les AVC, les déficiences visuelles importantes, la prise de médicaments, etc. Le contrôle est effectué par un médecin agréé par la préfecture, qui ne peut pas être le médecin traitant. La vérification porte sur l’aptitude physique, cognitive et sensorielle à conduire.
Des moyens de communication et prévention innovants
Fédérer une communauté sécurité routière sur les réseaux sociaux, avec notamment l’ouverture d’une page Facebook dédiée à la sécurité routière et à l‘échange des bonnes pratiques, proposer des aménagements innovants pour protéger les usagers vulnérables, comme la création d’une zone tampon aux abords d’un passage piéton, rendre éligibles de tels aménagements de sécurité aux crédits d’équipement, continuer à financer des actions de prévention dans le cadre de l’appel à projets, telles sont les pistes tout azimut suivies par la Préfecture.
En 2018, quatre-vingts actions ont été financées dans le cadre de l’appel à projets Plan Départemental d’Actions de Sécurité Routière (PDSAR) auquel ont répondu trente-huit porteurs : collectivités, associations, entreprises… Plus de 40 000 euros de subventions ont ainsi été accordées par l’Etat aux porteurs de projets, auxquelles sont venues d’ajouter 26 000 euros de subventions de la part du Conseil départemental. Ces actions ont concerné tous les enjeux identifiés au regard de l’accidentalité locale. Des partenariats ont aussi été renforcés en 2018 avec les acteurs locaux du sport, de la musique, du tourisme, de hôtellerie-restauration…
L’appel à projets PDASR 2019 (clôture des propositions au 3 mars) vise à encourager des actions orientées vers les jeunes de 14 à 29 ans, notamment sur les lieux de rassemblements festifs, les seniors via de l’accompagnement à la conduite, la lutte contre la conduite sous l’emprise de l’alccol et des stupéfiants, la diminution du risque routier professionnel, les usagers vulnérables, en particulier les cyclistes.
Sensibiliser tous les publics
Les 15-34 ans et les plus de 65 ans sont les plus touchés par l’accidentologie, or ils ne perçoivent pas bien les messages de prévention, ne se sentant pas concernés. Afin de toucher les jeunes, un partenariat a été élaboré avec un youtuber de Charente-Maritime, Matisse, qui diffuse un scénario catastrophe mettant l’accent sur les dangers de la conduite sous l’emprise de l’alcool. D’autres actions vont être expérimentées cette année avec des influenceurs des réseaux sociaux. Des opérations de sensibilisation vont être reconduites avec les établissements de nuit, de l’hôtellerie-restauration, les organisateurs d’évènements festifs. Piétons particulièrement vulnérables, les seniors et les enfants feront l’objet de sensibilisation spécifique, avec la poursuite dans les écoles pour les 6-10 ans du permis piéton.
Autre public très vulnérable vis-à-vis des voitures, les cyclistes seront fortement incités à se protéger déjà eux-mêmes, en respectant le code de la route applicable à tout véhicule empruntant la voie publique. Des actions de sensibilisation vont être menées via des contrôles ciblés sur les cyclistes, un partenariat avec les professionnels du tourisme, les collectivités lors de l’inauguration de nouvelles pistes cyclables.
Concernant les « deux roues » motorisées, le Préfet a tenu à rappeler la nécessité pour les motards d’améliorer leur équipement : par exemple l’airbag moto (environ 400 euros) peut sauver la vie en cas de chute. Les forces de police et de gendarmerie n’entendent pas céder à la fatalité des accidents de la route, leurs interventions se déclinant sur trois axes : fermeté, innovation dans la communication et ciblage des actions de sensibilisation.
Nathalie Vauchez
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