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L’impact de la Guerre de Cent Ans sur l’île de Ré
La guerre de Cent Ans, dont les dates officielles vont de 1337 à 1453, est un conflit national qui ravagea l’île pendant plus de deux siècles de 1242 à 1462. Elle modifiera l’île en profondeur et, curieusement, est à l’origine des privilèges qui lui seront accordés et perdureront jusqu’à la Révolution.
Cette guerre au nom inexacte a des origines complexes qu’il est nécessaire de rappeler pour une réelle compréhension de l’émergence du conflit.
Les origines de la guerre de Cent Ans
Le premier axe à considérer est cette « grande dépression médiévale », crise démographique conjuguée à une stagnation économique, qui va sévir pratiquement tout le Moyen Âge. La France entre 1328 et 1450 perd entre 30 et 50% de sa population, le phénomène touchant plus les villes que la campagne, mais l’exode rural masque un temps cette réalité. Il faut ajouter à cette situation l’effet délétère des différentes épidémies et en particulier la Peste Noire qui, venue d’Asie centrale, frappe notre région en 1348. À partir de 1360, la peste devient récurrente et réapparait tous les dix ans, empêchant toute reprise démographique durant un siècle.
Le deuxième axe est constitué par les affrontements répétés entre les Capétiens et les Plantagenêts à propos du duché de Guyenne (1). Enfin, dernier axe, le conflit dynastique issu de la mort de Charles IV en 1328, décédé sans laisser d’héritier mâle. C’est Philippe, fils de son cousin germain Charles de Valois, qui sera couronné et devient Philippe VI de Valois. La situation est d’autant plus compliquée, qu’Isabelle, fille de Philippe IV le Bel, écartée de la succession parce que femme, est mariée à Edouard II Plantagenêt d’Angleterre et mère d’Edouard III qu’elle aimerait voir régner en France également. Edouard III quant à lui, ne revendique pas la succession du trône de France, mais veut conserver le duché de Guyenne. Rappelons que c’est déjà une femme, Aliénor d’Aquitaine qui, à la suite de son divorce d’avec Charles VII, avait apporté en dot à Henri Plantagenêt le Poitou et l’Aquitaine en 1152. Situation qui avait fait naître d’interminables conflits qui ne cesseront qu’à l’expulsion définitive des Anglais hors d’Aquitaine.
La guerre se divise en deux grandes périodes. L’Angleterre remporte au début de nombreuses victoires entre autres à Crécy et à Poitiers où le roi de France est capturé. Mais l’administration du Prince Noir, ses énormes besoins d’argent, mécontentent les Aquitains qui se rapprochent du roi de France. Le connétable Bertrand du Guesclin fera alors une campagne qui en six mois rendra le Poitou et la Saintonge au roi Charles V.
Durant la seconde période, une guerre civile naît entre les Armagnacs et les Bourguignons qui facilite les opérations à l’Angleterre, victorieuse à Azincourt. Le trône de France est alors promis au roi d’Angleterre. Cette fois, c’est Jeanne d’Arc qui conduira les forces françaises à la victoire.
Ré au centre des conflits
Ces deux siècles de guerre représentent d’interminables conflits, apaisés par moment, mais qui reprennent sans cesse. Située à la frontière maritime entre les royaumes de France et d’Angleterre, Ré est au centre des combats et les Rétais vivent dans une insécurité permanente. Il reste peu de textes mentionnant les engagements dans Ré, mais on sait néanmoins que l’île subit des pillages et incendies en 1294, 1388, 1457, 1462 dates auxquelles les Anglais firent des incursions dans l’île qu’ils ravagèrent. En 1457, les Anglais débarquent le jour de la Toussaint et pillent le bourg de la Flotte. Puis, ils se rendent au Bois où pour sauver leur vie, les villageois doivent leur payer 6 200 écus d’or. Ils n’en possèdent que 2 200. Des otages sont emmenés en Angleterre qui ne reverront leur terre que lorsque le solde de la rançon aura été payé. Aucun règlement n’étant intervenu, deux ans plus tard, le père d’un otage fait intervenir le gouverneur de La Rochelle pour régler le problème. Le 25 août 1462, une armada de 70 voiles arrive à l’est de Rivedoux. Les soldats descendent dans l’île, mettent le feu à l’abbaye des Châteliers et pillent La Flotte et Sainte- Marie quatre jours durant. Si, en Poitou et dans l’île de Ré, les seigneurs sont fidèles aux Anglais, ce n’est pas le sentiment qui prévaut dans la population et ces deux siècles de guerre ont fait naître un sentiment anti-anglais qui ne s’est estompé qu’avec les temps modernes.
La charte de Charles V aux Rétais
Une des conséquences de la guerre fut le début de contacts directs entre le roi de France et les Rétais. En 1372, au moment de la reconquête par Du Guesclin, les troupes françaises commandées par le seigneur Balançon débarquent dans l’île. Les Rétais se retrouvent seuls, sans le secours de leurs deux seigneurs : Messire de Craon et son épouse Mme de Thouars et l’abbé et couvent de Saint Michau en Lers. Ils mèneront les discussions eux-mêmes et se feront donner toute garantie pour les crimes et larcins « qu’ils auraient pu commettre, ils sauvegardent les droits de leurs seigneurs et leurs propres privilèges en ajoutant l’exemption de recevoir des garnisons ou d’aller euxmêmes combattre hors de l’île (2). » Ils n’auraient pu obtenir d’avantages aussi importants s’ils n’avaient pas discuté directement avec les représentants du roi. Ce qui est nouveau dans cette charte du 9 décembre 1372, ce sont les privilèges militaires et fiscaux.
Trente-six ans plus tard, en 1408, Charles VI confirme les privilèges des Rétais en traitant avec leur seigneur Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, baron de Ré : ils sont déchargés à perpétuité de tous « aides, subsides et autres tailles (3) et subventions quelconques » et conserveront la plupart de ces avantages jusqu’à la Révolution. Ces conditions seront très favorables au commerce rétais dans les siècles qui suivront.
Un Rétais met fin à la guerre de Cent Ans
La guerre de Cent Ans se clôt par le Traité de Picquigny signé le 29 août 1475. Louis XI ayant eu l’occasion de venir à La Rochelle à plusieurs reprises avait séjourné chez Jehan Merichon (3), maire de la ville et plus tard sénéchal de l’île de Ré, dont il appréciait la maison. Ayant besoin d’envoyer un émissaire secret au roi d’Angleterre Édouard IV dans le cadre des négociations de la fin de guerre, l’esprit tortueux de Louis XI lui fit choisir d’envoyer le Rétais Mérindot, majordome de Mérichon, au grand étonnement de Philippe de Commines qui rapportera l’événement dans ses mémoires. Le résultat de la mission de Mérindot est la signature du Traité de Picquigny. En cas de succès, Louis XI lui avait promis « une élection en l’isle et de l’argent ». Mérindot obtint la récompense promise.
(1) Portant le titre de duché, la Guyenne avait pour capitale Bordeaux. C’était l’une des plus grandes provinces de France et regroupait divers pays et provinces plus petites comme le Périgord, l’Agenais, le Quercy et le Rouergue. La Guyenne était couramment associée à la Gascogne qui regroupait notamment l’Armagnac, la Bigorre, le Labourd, la Soule et le Comminges. Guyenne et Gascogne partageaient ainsi le même gouvernement général militaire.
(2) Petite Histoire de l’île de Ré, Marcel Delafosse, Éditions Rupella La Rochelle.
(3) Les grandes heures de l’île de Ré, Bernard Guillonneau, Le Crpoît Vif.
Bibliographie
Le temps des Valois 1328- 1515, Claude Gauvard, PUF, collection Une histoire personnelle de la France
Histoire de l’île de Ré – Michaël Augeron, Jacques Boucard et Pascal Even – Ed Le Croît Vif GER
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