L’île de Ré du foot n’attend rien de la coupe du Monde !
Précarité, manque de moyens… le football amateur dans le département est en difficulté, et les bénévoles y font face tous les jours. Alors que le milieu professionnel du ballon rond, très lucratif, va jouir de la victoire des Bleus, Ré à la Hune a voulu savoir si la Coupe du monde allait changer le quotidien du football d’en bas. Témoignages avec les trois clubs insulaires de Saint-Martin de Ré, du Bois-Plage en Ré et de Sainte-Marie de Ré. Dossier.
« N’oubliez jamais d’où vous venez », martelait Emmanuel Macron, lundi 16 juillet, sur le perron de l’Élysée, à l’adresse des Bleus rentrés en héros de Russie. Si la Coupe du Monde a offert des émotions et un spectacle mémorables aux supporters français, elle a aussi mis en avant le football amateur et la formation hexagonale. Après tout, ce sont des « petits clubs de la France entière », comme l’AS Bondy ou l’US Torcy, qui ont façonné des prodiges comme Kylian Mbappé ou Paul Pogba. Des pépites du ballon rond qui, a rappelé le chef de l’État, doivent aussi leur réussite aux « parents et éducateurs qui n’ont pas compté leur temps ».
Une mise en lumière qui rend hommage au football amateur, mais qui en occulte sa face sombre. Arbitres agressés, racisme, infrastructures précaires ou encore clubs fermés par manque de moyens ou de bénévoles comme c’est souvent le cas en Charente- Maritime, c’est le revers de la médaille de ce milieu, qui compte près de 2 millions de licenciés en France. Sur l’île de Ré, faute de joueurs et pour éviter toute disparition éventuelle, on construit des ententes sans pour autant parler de fusion… Pour le moment.
« L’impact d’une Coupe du Monde se ressent en haut, mais arrivé en bas, on ne voit pas grand-chose », regrette déjà Bernard Carduner, le Président du club de football du Bois-Plage en Ré dans le studio de NA RADIO. « C’est compliqué de trouver de nouveaux joueurs, nous ne les payons pas, ils viennent tous de l’île avec ses avantages et ses inconvénients. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de travailler avec nos deux clubs voisins si nous ne voulions pas disparaître… ». Un bref sentiment d’avoir sauvé ou pérennisé le FCO, quand le club, en difficulté, aurait besoin d’un apport matériel et surtout de personnes formées. « On n’attend pas un chèque de la FFF… » Le budget difficile à boucler chaque année met en péril l’avenir des associations sportives. L’île de Ré ne déroge pas à la règle. « Nous, chaque année, sommes obligés d’organiser des évènements à côté pour boucler le budget ». Et à l’écouter, la victoire des Bleus en Coupe du monde, à l’image d’autres petits clubs de l’Hexagone, n’améliorera pas son quotidien.
Le club dispose d’un terrain naturel, utilisable qu’une partie de l’année quand il ne pleut pas. Bertrand Carduner n’espère rien de la Fédération, qui a prévu, sans donner plus de détails, de verser une partie du chèque de la Fifa de 32,5 millions d’euros aux clubs amateurs. « Je n’attends rien de la FFF, Coupe ou pas Coupe. On va fonctionner comme d’habitude, en gérant nos problèmes à notre échelle et malgré nos limitations budgétaires », poursuit-il.
Sauver ce qui peut l’être, pouvoir permettre aux jeunes et moins jeunes d’assouvir leur passion du ballon rond malgré les tracas du quotidien, faire vivre leur club, leur village l’hiver… et si, en guise de récompense pour tous ces férus, c’était cela leur coupe du Monde à eux ?
Nicolas Coûte
INTERVIEW PRÉSIDENT ASR
Michel Desfontaines : « il n’y aura ni moyens financiers supplémentaires, ni nouveaux sponsors ! »
Le Président du club phare de l’île, l’A.S. Réthaise, revient sur cet « après coupe du Monde » dont il juge que les effets seront très embryonnaires, pour ne pas dire inexistants, sur le territoire.
Considérez-vous que l’île de Ré est une terre de football ?
Non, pour des tas de raisons. Le football c’est certainement le sport le plus pratiqué sur l’île de Ré notamment chez les jeunes de 6 à 17 ans. Mais c’est un paradoxe… malgré le fait que ce soit le sport le plus pratiqué, l’île – d’un point de vue populaire – n’est pas du tout orientée par le ballon. Cela ne suscite pas de la passion… Quand une commune n’a que le sport pour dire qu’elle existe, les gens sont contents de se raccrocher à ça… nous ce n’est pas le cas… On sait que certaines villes existent grâce au foot…
Pensez-vous avoir des retombées de la coupe du Monde ? Comment pourraient-elles se concrétiser ?
Après 98, on avait énormément d’inscriptions de jeunes… Elles s’étaient faites les premiers mercredis de septembre au moment de la rentrée des classes… Il est probable que ce soit une année exceptionnelle, après on sera loin des chiffres de la banlieue parisienne… On l’a vu sur la coupe du Monde, la région Ile-de-France est très représentée et sportivement plus forte. Une équipe R2 de Paris est bien plus forte qu’une équipe de chez nous, au même niveau. Un jeune d’IDF a bien plus d’étoiles dans les yeux qu’un jeune de chez nous. On s’attend à une légère augmentation.
En quoi, la venue d’équipes professionnelles sur les installations de Saint-Martinde- Ré qu’il s’agisse de l’Espagne (NDLR : lors de l’Euro 2016) ou des Girondins de Bordeaux (NDLR : lors de stages de préparation lors de ces deux dernières saisons) notamment, cela est-il bénéfique pour votre club, pour le football de l’île de Ré ?
C’est très bon pour l’image. Cela dénote que l’on est un club avec un certain savoir-faire. Je pense que la reconnaissance des installations et d’un club qui existe réellement c’est intéressant… car des joueurs s’appuient sur cette carte de visite lorsque nous les contactons. Nous avons très peu de joueurs de chez nous de niveau R2, seulement un ou deux… Cela est forcément bien pour notre club qui, même si personne ne s’en rend compte réalise un exploit pour être à un aussi bon niveau.
À quoi vous attendez-vous avec ce fameux effet coupe du Monde ? Est-ce un moyen de drainer de nouveaux partenaires ou de nouveaux joueurs ?
La première chose c’est qu’il faut rendre ce sport populaire… C’est continuer à travailler en ce sens… On est presque condamné à travailler en équipe… Apprendre à des jeunes d’être tous ensemble, de ne pas toujours les faire jouer, d’avoir des consignes parfois rudes d’un entraineur, apprendre à travailler dur physiquement et à se muscler… apprendre à se faire des copains, à notre niveau, il n’y aura ni moyens financiers supplémentaires ni nouveaux sponsors… on n’aura pas de moyen supplémentaire… Tous ceux qui nous aident et je les en remercie, sont là pour soutenir le club de foot et la jeunesse de l’île de Ré.
Propos recueillis par Nicolas Coûte
Histoire & Palmarès du football à l’Île de Ré
1er match de football de l’histoire sur le territoire de l’île de Ré : 28 Mars 1937. À l’époque, déjà Saint-Martin était sportivement plus fort avec une victoire 6 à 3 contre le FC Océan du Bois-Plage en Ré.
Si aucun club n’a jamais gagné de trophée significatif, on se doit de signaler que les moins de 15 ans ont été sacrés champions du département de la Charente-Maritime pour la 3e fois de l’histoire du club… En parallèle, le seniors ont été jusqu’en Demi-finale de coupe du centre-ouest dans les années 2000, défaite 1-0.
À Sainte-Marie-de-Ré, le club a été sacré champion du centre-ouest en 1950-1951.
Joueur Réthais ayant joué au plus haut niveau
Cyril Brodu (Châtellerault… N2, l’équivalent de la quatrième division nationale)
Entraîneur Réthais ayant dirigé au plus haut niveau
Patrice Neveu, originaire de Sainte-Marie, a débuté car carrière de coach à l’A.S.R. entre 1989 et 1991 avant de s’envoler et de parcourir le monde pour sa passion devenue son métier (dans l’ordre : Niger, un premier club au Maroc, Tunisie, Chine, Guinée, un premier club en Égypte, un second club au Maroc, RD Congo, un second club en Égypte, Mauritanie et Haïti où il a préféré quitter ses fonctions de sélectionneur en raison d’un manque de moyens suite à la crise connue par le pays).
L’AVIS DE DENIS BALBIR
Denis Balbir : « Votre projet de club doit être votre fierté »
Le journaliste de M6, était tous les jours de Coupe du Monde sur NA RADIO, la nouvelle radio de l’île de Ré. Le commentateur des Bleus qui arrive à la rentrée sur RTL avec la direction de « On refait le match » estime que le monde amateur peut bénéficier de certaines retombées.
Ce sera forcément un moyen de booster ce foot d’en bas. Les jeunes ou les moins jeunes sont forcément tirés vers le haut avec des joueurs comme Mbappé ou Griezmann qui sont les ambassadeurs de cette équipe de France, jeune, humble, gagnante. Une équipe qui fait oublier tous les fracas connus et notamment le fiasco de 2010 sous Domenech. Une équipe qui confirme que seul le travail est source de résultat, que tout passe et se passe par les petits clubs de notre si beau pays. Quand on voit que certains d’entre eux ont connu des petits clubs d’à peine 60 licenciés ! Ils sont la revanche même de ceux qui connaissent la boue et le mauvais temps des soirs d’hiver… loin des petits fours et des droits commerciaux astronomiques…
La France de foot d’en bas est récompensée. Cette coupe du Monde c’est aussi le fruit de son travail, de son abnégation. Même si vous êtes sur des territoires enclavés comme l’île de Ré, c’est aussi votre trophée. Alors c’est vrai que les quelques ballons ou maillots offerts par la FFF ne changeront pas significativement votre vie, mais votre projet de club et la vie qui découle de celui-ci doit être votre fierté. Vous êtes la première pierre de l’édifice… Vous avez fait le succès qui est celui de la France aujourd’hui. A vous de sortir votre épingle du jeu et continuez cette persévérance qui vous caractérise.
Propos recueillis par Nicolas Coûte
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