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L’île de Ré se tourne vers le solaire
La récente modification du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), qui autorise désormais les panneaux photovoltaïques non-encastrés, devrait booster la demande, même si des obstacles subsistent. Explications.
Avec la hausse continue des prix de l’électricité, les demandes de panneaux photovoltaïques se sont multipliées ces dernières années, sur l’île de Ré comme sur l’agglomération rochelaise. Il faut dire que l’île de Ré bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel : la station la plus proche (La Rochelle) a enregistré 2468 heures d’ensoleillement en 2021, ce qui fait de notre région une des plus ensoleillées de France1. Mais sur l’île, peu de projets aboutissaient en raison de nombreuses contraintes réglementaires. « C’est un marché qui n’existait quasiment pas en raison des contraintes d’urbanisme qui imposaient une non-visibilité des panneaux depuis la rue et l’insertion au bâti », confirme Pascal Fuertes, gérant de l’entreprise Domologique, à Lagord. « Nous avons réalisé une trentaine d’installations en quatre ans. Jusqu’à présent, c’était un marché très difficile, avec beaucoup de demandes mais aussi beaucoup de refus », confirme Grégory Allaire, responsable de la société Allaire du Temps, installée à Chef de Baie, au pied du pont de l’île de Ré. Depuis deux ans, la volonté des élus de la Communauté de Communes (CdC) de s’inscrire dans la transition énergétique (voir encadré) s’est trouvée confortée par des avancées législatives, au niveau européen et national 2. Dernièrement, la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a permis de supprimer de nombreux verrous administratifs (voir encadré), dont la modification des PLUi, désormais plus aisée. Pour autoriser la pose de panneaux en surimposition sur les toits, il a « suffi » d’une modification simplifiée n°2 du PLUi de l’île de Ré, approuvée par le Conseil communautaire à l’unanimité le 5 octobre dernier. « Avec cette nouvelle réglementation, c’est sûr que ça ouvre de nouvelles perspectives », se réjouit Arnaud Picon, responsable de l’entreprise rochelaise Picon ENR.
Jusqu’à présent, le PLUi de l’île de Ré autorisait les panneaux photovoltaïques, mais à condition qu’ils soient encastrés dans la toiture. Une installation plus complexe, qui consiste à enlever les tuiles, les remplacer par des bacs en aluminium étanches avant d’insérer les panneaux. Outre un coût supérieur de 15 à 20 % en raison du coût de la main d’oeuvre, cette technique a très vite rebuté les éventuels candidats, en raison de nombreux cas d’infiltration d’eau par les joints, devenus poreux avec le temps. « En tant qu’installateur, c’est sûr que je préfère la surimposition, il y a beaucoup moins de risques, explique Pascal Fuertes. Dernièrement, mon assureur voulait même retirer de l’assurance décennale l’insertion au bâti. Il m’a finalement autorisé à réaliser seulement 10% de mon chiffre d’affaires avec ce genre de technique ». Sans parler du rendement des panneaux, supérieur de 5% pour ceux en surimposition. L’autre contrainte rétaise, la non-visibilité du domaine public, représentait un second frein considérable. Le rendement d’un panneau dépend en grande partie de son orientation -plein sud dans l’idéal – et cela obligeait les particuliers soit à abandonner leur projet, soit à installer des panneaux dans des conditions peu optimales. « J’ai pu faire une installation sur un gîte au Bois-Plage assez récemment car mes clients disposaient d’un préau côté jardin orienté plein sud, mais c’est une exception », explique Pascal Fuertes.
Pas touche au patrimoine
Si les panneaux en surimposition sont désormais autorisés, l’installation devra néanmoins garantir « une bonne intégration dans le paysage et dans l’environnement ». En site inscrit (qui concerne les communes de Rivedoux, le Bois-Plage-en-Ré, La Couarde-sur-Mer, Loix, Saint- Clément-des-Baleines et les Portesen- Ré) l’avis de l’Architecte des bâtiments de France (ABF) est dit « simple » : le maire, autorité compétente en matière d’urbanisme, n’est pas obligé de reprendre l’avis de l’ABF dans la rédaction de son arrêté d’autorisation. Cela ne veut pas dire que tous les projets seront désormais acceptés. « S’il y a une demande de panneaux donnant sur une rue très passante, cela sera refusé. En revanche, dans une petite rue communale, cela pourra être accepté », explique Marc Chaigne, adjoint en charge de l’urbanisme à Rivedoux. Du côté des installateurs, on espère que l’interprétation de cette « bonne intégration dans l’environnement » ne sera pas trop restrictive. « C’est évident qu’on privilégie, quand c’est possible, le côté esthétique. Si on a deux pans de toitures orientés plein sud, on va installer les panneaux sur celui qui n’est pas visible de la rue. Mais si une maison ne dispose que d’une toiture adaptée côté rue, cela sera je pense accepté par la force des choses », analyse Quentin Briand, responsable technique de SunTech 17, entreprise aytrésienne disposant d’une antenne à Rivedoux.
Avec cet assouplissement de la réglementation, peut-on s’attendre à une généralisation des panneaux sur les toits rétais ? Les choses ne sont pas si simples car il existe encore certaines restrictions. En effet, en site classé, à proximité des monuments historiques3 et des sites patrimoniaux remarquables (La Flotte, Saint-Martin, Sainte-Marie), l’avis de l’Architecte des bâtiments de France est « conforme » : il est obligatoirement suivi par le maire dans son arrêté d’autorisation. « Cela reste un critère très subjectif. On a débloqué quelque chose, mais ce n’est pas gagné. Les bâtiments de France pourront toujours donner des avis négatifs », estime Patrick Salez. De facto, cette condition rendra difficile l’installation de panneaux dans certains centrebourgs historiques, par exemple comme Saint-Martin, La Flotte ou Ars-en-Ré. « Dans ces trois villages intra-muros, je pense que ce n’est même pas la peine de parler de panneaux photovoltaïques. Cela sera quasi impossible », estime Quentin Briand. Par ailleurs, les panneaux photovoltaïques ne devront pas être visibles de l’espace public sur les bâtiments remarquables d’intérêt local 4, à savoir les vieilles maisons de centre-bourg, les anciens chais, moulins, les maisons bourgeoises ou d’inspiration balnéaire.
Tuiles « cassantes » ?
Une autre contrainte, technique cette fois-ci, pourrait venir de la tuile « patrimoniale » de l’île de Ré, à savoir la tige de botte, imposée sur la majorité des constructions, sauf à Rivedoux. L’installation de panneaux en surimposition, qui consiste à fixer des crochets dans les tuiles afin de poser les rails supportant les panneaux ne pose pas de problème insurmontable. Mais les tuiles tige de botte représentent un vrai casse-tête, exprimée à demi-mots par les professionnels. « Ça supporte mal le poids d’un homme de 80 kilos car ce type de tuile casse facilement. Je ne les ai pas encore expérimentées. Je vais bientôt faire un test et je m’adapterai en fonction de l’état des tuiles », explique l’artisan Arnaud Picon. « C’est vrai que ça casse comme des oeufs mais il y a des solutions. Et il y a aussi sur l’île des tuiles tige de botte mécanique, pour lesquelles il n’y a pas de problèmes », rassure Grégory Allaire. Pour les toitures récentes, de moins de dix ans, ce genre d’opération ne devrait pas poser de problème. En revanche, pour les toitures plus anciennes et donc plus fragiles, l’installation de panneaux photovoltaïques s’annonce plus périlleuse. « C’est du cas par cas. Si on juge que ce n’est pas assez solide, on refuse le chantier », explique Arnaud Picon. Du côté de SunTech 17, on ne s’inquiète autre mesure. « C’est un peu plus cassant que les tuiles classiques, donc plus contraignant. On sait par avance qu’on va en casser une dizaine, donc on en ramène toujours un petit stock sur les chantiers pour les remplacer », explique Quentin Briand. Par ailleurs, la présence de nombreuses résidences secondaires, souvent fermées l’hiver, interroge également sur l’avenir solaire de l’île de Ré. « Une maison fermée ne consomme pas », rappelle Pascal Fuertes. Or, le principe des panneaux photovoltaïques repose sur l’autoconsommation de sa production (surtout l’hiver) et la revente du surplus non-consommé (l’été) à un prix relativement bas5. Le retour sur investissement d’une telle installation se fait donc surtout l’hiver, lorsqu’on consomme le plus…
Comme c’est souvent le cas, c’est à l’usage que se dessinera l’avenir « solaire » de l’île de Ré. Mais tout porte à croire que le contexte îlien est favorable, et pas uniquement en raison de l’envolée des prix de l’électricité et d’une population qui a « les moyens » de s’équiper de panneaux photovoltaïques. « Il y a une conscience écologique très forte ici, bien plus qu’à La Rochelle par exemple, confie Quentin Briand. Je rencontre des gens très intéressés par l’image d’une énergie propre ».
1 – La moyenne nationale est de 2005 heures d’ensoleillement.
2 – Notamment la Directive européenne sur les énergies renouvelables de 2018 ou la Loi Climat et Résilience de 2021.
3 – Cela correspond aux abords des monuments historiques (code du Patrimoine, dans un rayon de 500 mètres) avec co-visibilité, essentiellement sur les communes d’Ars en Ré et un peu Saint-Clément-des- Baleines. Pour les sites classés, l’avis de l’ABF est « simple » mais celui-ci est suivi d’un arrêté d’autorisation préfectoral ou ministériel qui sera obligatoirement repris dans l’arrêté d’autorisation du maire.
4 – Appelées « typologies architecturales ».
5 – Le surplus est racheté aujourd’hui 13 centimes le kiloWatt/h, alors que l’électricité coûte 23 centimes le kiloWatt/h.
Des fermes solaires sur l’île de Ré ?
Pour favoriser le développement des énergies renouvelables sur son territoire, la CdC de l’île de Ré a créé en janvier 2022 un groupe de travail pour proposer une stratégie à long terme. Dans un souci d’efficacité, les élus se sont concentrés, dans un premier temps, sur la thématique du « solaire ». Les travaux du groupe de travail ont abouti le 6 octobre 2022 à l’adoption par le Conseil communautaire d’une feuille de route « photovoltaïque » avec un plan de 15 actions à entreprendre d’ici la fin de la mandature en 2026. Coanimé par Gisèle Vergnon et Patrick Salez, ce groupe de travail « énergies renouvelables » (composé de 9 membres) a déjà bien avancé sur les premières actions. Il travaille notamment à l’élaboration d’une liste d’artisans compétents et sérieux et d’une charte d’engagement des entreprises « retenues », au recrutement d’une personne dédiée au « photovoltaïque » à la CdC (validé le 5 octobre dernier) ainsi qu’à la rédaction d’un guide pratique à destination des artisans, professionnels et particuliers. « Cela recensera les contraintes techniques, les différentes aides de l’Etat, les réglementations ainsi que la liste des artisans », explique Patrick Salez.
Par ailleurs, la loi du 10 mars 2023, en plus d’assouplir les modifications de PLUi, pourrait offrir d’autres opportunités en matière d’énergie solaire sur l’île de Ré. En effet, elle donne des dérogations à la loi Littoral pour l’installation de fermes solaires (sans continuité urbanistique). Un décret avec la liste des friches autorisées devrait prochainement être publié par la préfecture, mais les sites de la déchèterie des Gâchettes et du Centre de transfert des déchets sont pressentis pour accueillir à terme des petits parcs solaires de 2 à 3 hectares. Par ailleurs, la loi rend obligatoire, d’ici 2026, l’installation d’ombrières solaires sur les parkings de plus de 1500 m2 (à hauteur de 50% de la surface du parking), ce qui pourrait concerner certaines enseignes commerciales sur l’île.
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