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L’île de Ré pointée du doigt, Uniré réagit fermement
C’est avec stupéfaction que les agriculteurs rétais ont découvert via un article de Sud-Ouest Charente-Maritime la carte Solagro* sur l’utilisation des pesticides, pointant du doigt – entre autres – les pratiques culturales sur l’île de Ré. Alors que la Coopérative Uniré et ses adhérents sont engagés depuis plusieurs années dans une démarche environnementale**, les résultats sont très surprenants. Ré à la Hune a interrogé Uniré, qui apporte de nombreux éléments factuels révélant la faiblesse de la démarche méthodologique de cette « entreprise associative ».
Certes, on le sait, la culture de la vigne demande plus de traitements que d’autres cultures. On sait aussi que la pomme de terre primeur en exige beaucoup moins que la pomme de terre dite « de consommation ». Mais la méthodologie employée par Solagro laisse songeur.
« Cet indicateur national ne reflète en aucun cas les pratiques locales de nos producteurs ». En appui de cette affirmation, Jérôme Poulard, responsable technique de la coopérative des vignerons et des maraîchers de l’île de Ré, et Christophe Barthère, directeur général d’Uniré, expliquent assez simplement des éléments de méthodologie qui pourraient de prime abord paraître complexes à un non initié.
Des surfaces agricoles sous estimées
Solagro a créé un nouveau niveau d’indicateur : l’Indice de fréquence de traitement (IFT) communal, alors que celui-ci est d’habitude calculé par exploitation et ensuite agrégé pour l’ensemble d’Uniré.
Cet IFT communal est calculé ainsi par Solagro :
Somme culture de la commune (surface x IFT de référence régional) / Surface agricole utile de la commune (ha)
Première limite de la méthodologie proposée par cet organisme : le calcul de cet IFT communal est basé sur des Surfaces agricoles utiles de chaque commune. L’assolement est ainsi calculé à partir du Registre parcellaire graphique (RPG) qui est une base de données géographiques servant de référence à l’instruction des aides de la politique agricole commune (PAC). « Or sur l’île de Ré nous n’avons pas tellement besoin pour la vigne de faire de telles déclarations utiles uniquement pour obtenir des subventions, et les maraîchers en pomme de terre ne sont pas éligibles » nous explique Uniré. Ce que confirme noir sur blanc dans un mail la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime : « Les parcelles en vignes et maraîchage ou pépinières ne sont pas nécessairement déclarées à la PAC. » Ainsi estimé à 1538 hectares, le dénominateur du ratio est fortement sous-estimé, grossissant d’autant le montant du ratio.
Un IFT moyen régional (16,8) plus du double de celui d’Uniré (7,37)
Autre limite extrêmement surprenante, le calcul se fait avec un IFT moyen régional et non pas un IFT local. Alors que l’IFT moyen pour la région Cognac en viticulture (source Agreste 2021) est de 16,8, l’IFT moyen pondéré par surface d’Uniré pour la viticulture est de 7,37 pour cette même année 2021, soit moins de 44 % de la moyenne régionale, qui sert de base au calcul de Solagro !
En outre, l’évolution de la fréquence de traitement pour les viticulteurs rétais traduit la politique environnementale mise en place depuis 2016 notamment, l’IFT viticulture Uniré étant passé de 14,11 en 2016 à 7,37 en 2021, avec encore une baisse de 1,40 point entre 2020 et 2021.
L’IFT moyen de la pomme de terre en France Agreste 2019 était de 18,27, alors que l’IFT moyen des maraîchers Uniré était de 4,21 pour cette même année et est même descendu à 3,05 en 2021.
Christophe Barthère dénonce aussi une échelle de la carte Solagro mal proportionnée : « On a 4 ou 5 tranches en vert et après on franchit une nouvelle tranche tellement vite qu’on n’a aucune chance de ne pas être dans le rouge pour la viticulture, qui demande forcément une certaine fréquence de traitement », explique-t-il.
Exemple concret : Sainte-Marie de Ré
Sur la carte de Solagro, Sainte-Marie de Ré apparaît en « rouge écarlate » avec un IFT calculé donc selon la méthodologie énoncée ci-dessus à 13,06. Or le calcul par Uniré pour cette commune, basé sur la moyenne des IFT des 14 exploitations viticoles de la commune aboutit à un ratio de 8,08, très en-deçà donc de l’indicateur Solagro. Sainte-Marie de Ré représentant la plus grande surface à usage agricole de l’île, on voit bien que les résultats globaux sont déjà impactés par l’erreur sur cette commune, erreur du même ordre de grandeur sur les autres principales communes
Contrôles et démarche Environnementale
Certes, mais qui dit que les exploitants ne minorent pas les quantités de pesticides utilisées ? « Impossible », nous expliquent Jérôme Poulard et Christophe Barthère. « D’une part leurs achats d’intrants se font via la coopérative Uniré, qui suit de près les utilisations, les stocks, les fréquences de traitement, en plus de la compilation de données via Géofolia. Nous matchons les stocks avec la consommation. Et un audit externe est effectué par la Chambre d’Agriculture. Nous ne nous amuserions pas à cela, les conséquences seraient trop graves. On est à la pointe en matière de pratiques dans la région, on traite à bon escient, avec un suivi rigoureux, nous avons développé la méthode de la confusion sexuelle depuis de nombreuses années, l’utilisation de pulvérisateurs confinés permet de cibler l’épandage (ils permettent en début de campagne de récupérer jusqu’à 80 % du produit et en fin de saison environ 20 %) et avons implanté nos 4 aires de lavage (3 sont déjà opérationnelles, celle du Bois-Plage le sera à l’automne 2022). Les fonds de cuve sont récupérés, transformés en boues inertes et retraités par des entreprises spécialisées. »
« Nous sommes dans l’objectif de la labellisation HVE 3 (Haute valeur environnementale niveau 3) d’Uniré en 2025 et dans la Certification Environnementale Cognac**, ce qui suppose que d’ici là 100 % de nos viticulteurs devront avoir été individuellement labellisés, nous les accompagnons dans cette démarche. Pour les plus petites exploitations, qui ne peuvent investir dans un pulvérisateur confiné, Uniré assurera la prestation ou mettra à disposition du matériel mutualisé ». « Nous adaptons au mieux et au plus près nos pratiques, nous traitons à bon escient. »
« Le Conseil d’Administration d’Uniré a aussi pris la décision depuis 3 ans de ne plus utiliser de produits CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) en viticulture, il s‘agit d’une décision forte. » concluent les deux responsables d’Uniré.
Agribashing
Abasourdis par une telle démarche Christophe Barthère et Jérôme Poulard la qualifient d’ « Agribashing ». « A force de pédagogie, nous avions convaincu depuis quelques années de notre démarche environnementale, un tel article sans aucune contradiction ni vérification de la méthodologie employée nous fait énormément de mal. Nos adhérents sont pris à partie dans les vignes, au quotidien, et se font agresser ». Ils ne décolèrent pas d’une telle légèreté, lourde de conséquences pour leur profession.
Nathalie Vauchez
*Solagro est née en 1981 à Toulouse et a fait le choix depuis 2009 du statut d’entreprise associative, afin de conforter son positionnement. Elle souhaite apporter aux agriculteurs, coopératives et collectivités territoriales : « Une expertise innovante au service des transitions énergétique, agroécologique et alimentaire ».
**Lire notre article : Les exploitants d’Uniré engagés dans des démarches environnementales – Ré à la Hune (realahune.fr)
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