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L’île aux Livres – Prix
Prix France Bleu du Festival L’ île aux Livres
De L’Usage du monde à L’usure d’un monde…
François Henri Désérable nous propose une traversée de l’Iran sur les pas de Nicolas Bouvier et nous livre le récit poignant d’un peuple en mouvement.
Il s’était promis de passer la moitié de sa vie à découvrir le monde, l’autre à l’écrire… Durant l’hiver 1953, l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier et son ami peintre Thierry Vernet entreprennent de sillonner la Perse à bord d’une Fiat Topolino. De ce périple, les deux jeunes Suisses tireront un carnet de voyage illustré, émaillé de rencontres, de descriptions de moeurs et de coutumes. Publié en 1963 à compte d’auteur, L’Usage du monde est devenu un livre mythique. Soixante-dix ans se sont écoulés depuis et c’est en suivant leur exact itinéraire que François-Henri Désérable nous dépeint cette fois la peur : « compagne de chaque instant, la moitié fidèle d’une vie ». Et pourtant…
Quand la peur s’efface au profit du courage : « Jusqu’à présent nous vivions dans l’angoisse, désormais nous vivrons dans l’espoir »
Le départ, prévu de longue date, fut d’abord ajourné. En cause : les assignations à résidence qui signent les années « Covid ». C’est donc fin 2022, au coeur de la répression qui a suivi l’assassinat de Mahsa Amini que François-Henri Désérable boucle sa ceinture à bord d’un vol pour Téhéran en dépit des avertissements de la cellule de crise du ministère des Affaires étrangères qui, en vain, tente de le dissuader d’engager ce road trip. Dans l’avion, il est le seul occidental, et si Bouvier décrivait l’hospitalité et la chaleur d’un peuple : la prudence est de mise. Dès l’arrivée à l’auberge, Saeid qui tient absolument à partager sa platée de spaghettis bolognaises fait montre d’une curiosité insatiable. Serait-il un bassidji ? Ces sbires au service de Khamenei et des gardiens de la révolution qui se noient dans la population pour mieux la surveiller et la réprimer ? Comment savoir qui est qui ? Mais les Iraniennes, héroïnes de la liberté ne se résignent pas. Niloofar les mains en cornet hurle dans la nuit « Marg bar dictator ! » (Mort au dictateur !) repris en écho dans tout le quartier ici d’une fenêtre, là d’une voiture dans une répétition élastique. Firouzeh, une jeune rebelle de 19 ans rencontrée sur le mont Soffeh à Ispahan lui demande de prendre une vidéo d’elle criant le slogan « Zan, Zendegi, Azadi » (Femmes, vie, liberté). Craignant davantage la prison, ses viols et ses tortures que la mort, elle s’y prépare en apprenant par coeur des centaines de poèmes. Autant de beauté qu’on ne pourra lui dérober.
Le sujet est grave, le ton léger, drôle même comme pour confondre l’ignominie dans sa bêtise
Aluk un mollah croisé à Yazd, pratique le sigheh : un mariage temporaire qui autorise les relations extraconjugales avec date de péremption. Une formalité dont il s’affranchit volontiers aussi souvent que nécessaire en sa qualité de gardien de la morale chiite. Au fil des rencontres se dresse une galerie de portraits aussi pimentés les uns que les autres. L’Allemand Marek, 22 ans, éconduit par sa jeune épouse qui lui a annoncé en aimer un autre pédale à travers le monde pour estomper sa peine. Dans chaque pays traversé il espère trouver un exemplaire du Petit Prince dans la langue. Habib le bodybuilder Afghan est en attente d’un visa pour l’Australie et apprend l’allemand avec un indien qui rêve de gagner la Grèce. Et puis il y a encore Roman, Ilona, Manuel… Et la question récurrente de savoir si l’auteur connaît personnellement Kylian MBappé. À Saqqez (qui grouille de flics en civil), Désérable aurait aimé se recueillir sur la tombe de Mahsa Amini. Mais c’est sur un agent de la République islamique, un Pasdaran aux allures de conseiller BNP Paribas qu’il tombe ! Après un interrogatoire dans un garage des bas fonds, l’auteur qui s’est fait passer pour un « love novelist » en vadrouille s’en sort bien et se voit sommé de quitter le Kurdistan et le pays dans les vingt-quatre heures. Sur le retour, les montagnes de Téhéran, la beauté de la lumière derrière les dunes du désert de Lout, le bleu des Mosquées d’Ispahan, le bazar de Chiraz, le cyprès d’Abarkouh vieux de quatre mille cinq cent ans défilent. Et l’écho continue de résonner, car « derrière chaque personne qui meurt, battent mille autres coeurs »…
Marie-Victoire Vergnaud
Prix Ré à la Hune du Festival L’île aux Livres
Éclairer la pénombre
Nous sommes en l’année 1753. Camille Lemonnier, une jeune femme de vingt ans, propriétaire d’une boulangerie à Saint- Martin de Ré et du Café Alexandrine à La Rochelle monte à Paris pour soutenir ses ambitions commerciales et obtenir une patente autorisant son café à servir trois plats raffinés par jour au lieu des deux autorisés par la loi. Elle est également à la recherche de nouvelles saveurs pour son établissement. Inconsciemment, elle cherche aussi à revoir Jan Hendrick Van Lynden, le bel Hollandais avec qui elle a passé une nuit restée sans suite.
Petite-fille de Mme de Tencin, la scandaleuse baronne de l’île de Ré, elle est invitée à dîner dès son arrivée à Paris par Mme Geoffrin, héritière mondaine de la baronne, un de ces dîners typiques du XVIIIe siècle où se côtoient noblesse et bourgeoisie, écrivains et artistes. Comme il fallait s’y attendre Jan est présent. Entre ses anciennes connaissances et de nouvelles rencontres, Camille vivra dangereusement durant son séjour à Paris, mêlée malgré elle, sur fond d’affaire de l’Hôpital général de Paris, à des disparitions d’enfants et à la maltraitance de miséreux. Le sens de la justice de l’héroïne l’entraînera parfois dans des situations dangereuses, mais elle y gagnera en maturité.
On retrouve là, la notion de parcours initiatique ; de jeune fille, l’héroïne ayant traversé avec succès nombre de pièges et parcourus de dangereux méandres deviendra une femme à la fin du livre. L’ouvrage se lit d’un seul trait, l’intrigue est bien construite et l’on suit avec plaisir le rythme soutenu de l’action à travers ses 445 pages.
Le roman est ancré dans le XVIIIe siècle qui a fait l’objet d’une approche très sérieuse de la part de l’auteur : mode de vie, événements historiques… tout a été étudié de très près. Un certain nombre de problèmes actuels y sont cependant traités comme les violences conjugales. Marie-Béatrice Gauvin signe ici un deuxième roman dont l’intrigue est un peu plus policière que le précédent.
Catherine Bréjat
Eclairer la pénombre
Marie-Béatrice Gauvin – Les Moissons
445 p – Prix public 20€
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