L’Europe, entre manque de communication et déficit démocratique
À l’approche des élections européennes, qui se dérouleront le 26 mai prochain, Patrick Salez, nous a remis en mémoire les bases de cette énorme machine qu’est l’Europe.
Samedi 9 mars, à l’invitation de Jacques Mazaleyra, de la Bibliothèque Pour Tous de La Flotte, Patrick Salez conseiller municipal à La Flotte, enseignant, européen convaincu, membre d’une commission européenne pendant dix-sept ans et conférencier au sein du réseau Team Europe, a tenu sa conférence devant une salle comble. Au cours d’une analyse critique, il a exposé les points forts et les insuffisances de Bruxelles puis à répondu aux questions des auditeurs.
L’Europe : un ensemble de valeurs fortes
Au sortir de la seconde guerre mondiale, Robert Schuman, ministre des affaires étrangères, appelle, le 9 mai 1950, à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de France et d’Allemagne afin d’organiser une paix durable sur notre continent ainsi qu’une entente commerciale, qu’il prévoyait déjà ouverte aux autres pays européens. L’idée de l’Europe Unie était née, consolidée en mars 1957 par le traité de Rome. Mais, bien avant Schuman, l’Europe, terre des droits de l’homme, avait essaimé les idées libérales du siècle des lumières, vu naître la démocratie, la liberté politique et l’ouverture culturelle à la diversité.
Un manque de communication avéré
De nos jours, en dépit de symboles communs – fête, drapeau européen, hymne à la joie – et de valeurs communes – respect des droits de l’homme, libre circulation des personnes et des marchandises – il existe un véritable déficit démocratique en Europe et les sondages attestent que le sentiment de l’identité européenne fait largement défaut. Malgré cela, les attentes des Européens s’avèrent très fortes, notamment sur des questions sociétales ou sécuritaires (chômage des jeunes, immigration, terrorisme). L’Europe, tout d’abord organisée dans une optique de paix et de prospérité économique, n’a pas su s’investir dans une politique sociale efficiente et les citoyens pensent ne pas être suffisamment représentés à Bruxelles et que leurs voix ne comptent pas. L’Europe est beaucoup critiquée de l’intérieur, on la trouve lointaine, non protectrice, on lui reproche de ne pas s’occuper des vrais problèmes comme le blanchiment d’argent ou les paradis fiscaux, mais elle est très enviée de l’extérieur. En faute, un manque de lisibilité et d’information, peutêtre également une méconnaissance générale de son fonctionnement : Qui connaît le nom du président actuel du parlement européen ? Il existe pourtant des outils à disposition des Européens tels les consultations et les dialogues citoyens ou l’ICE (droit de pétition européen).
Trois institutions, huit groupes politiques et cinquante mille fonctionnaires
L’Europe est constituée de trois institutions :
– Un parlement, dont la prochaine législature comprendra 701 députés après Brexit, (contre 751 aujourd’hui avec la Grande-Bretagne) dont 79 pour la France, ils sont élus au suffrage proportionnel sur des listes de 79 candidats ; le nombre de listes n’est pas encore connu puisqu’elles doivent être déposées au ministère de l’intérieur avant le 3 mai 2019. Le parlement vote le budget.
– Un Conseil européen qui réunit les dirigeants des États membres, présidents ou ministres. C’est lui qui prend les décisions.
– Des commissions : les députés sont répartis dans un certains nombres de commissions qui font un travail préparatoire aux séances plénières et gèrent les budgets.
Huit groupes politiques
Pour exister un groupe politique doit être composé d’au minimum vingt-cinq membres issus d’au moins un tiers des États membres. On compte aujourd’hui : le Groupe du parti populaire européen, le Groupe de l’alliance Progressiste des socialistes et démocrates, Les Conservateurs et réformistes européens, le Groupe alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, le Groupe confédéral de la gauche unitaire européenne/ gauche verte nordique, le Groupe des verts/ alliance libre européenne, Le Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe et enfin l’Europe des nations et des libertés. L’union européenne emploie cinquante mille fonctionnaires (le même nombre que pour la seule ville de Paris) et gère un budget de 160 milliards d’euros par an. 38% du budget sont attribués à la PAC, 35% aux fonds de cohésion territoriaux, 5% à son propre fonctionnement, le reste à la justice, la recherche, l’environnement, etc. La France, pour sa part, contribue au budget à hauteur de 7 milliards d’euros (20 milliards moins 13 milliards reversés).
Mais à quoi sert l’Europe ?
Ses compétences couvrent 90% des sujets, elle gère notamment l’agriculture (la Pac), la politique régionale, la politique maritime, la politique environnementale et climatique, la politique de protection civile, l’alimentation (les labels), le droit des personnes, la solidarité (soit 40% des budgets des Restos du Coeur), la formation ou encore l’échanges de procédés avec les autres pays (en matière de PPRN par exemple).
Plus près de nous, l’extension du grand port maritime (GPM) de La Rochelle découle d’une décision de Bruxelles et a été financée par le Feder (fonds européens de développement régional). L’Europe soutient aussi l’aquaculture et les groupements locaux en attribuant des budgets mais les demandes des régions sont rares et méconnues, là encore le manque d’information est avéré.
La remise en cause de la démocratie libérale
Avec une prévision d’abstention de de vote de l’ordre de 57%, notamment de la part des jeunes qui s’en désintéressent, l’attention se porte douloureusement sur la fulgurante ascension des souverainismes un peu partout en Europe. Un abstentionnisme important pourrait entraîner un manque de majorité dans les deux grands partis jusque là représentatifs.
La paix, qui règne depuis soixante dix ans au sein de l’Europe se voit chaque jour menacée par le discours de partis ou de chefs d’État absolutistes qui, au nom de la sécurité basée sur la peur de l’autre, veulent faire de leurs pays des états forteresses, barrières physiques, politiques ou commerciales. Un peu partout dans le monde, on constate une résurgence des autocraties, en Italie, en France, en Autriche, en Hongrie, en Pologne mais aussi aux États-Unis, en Russie, etc. Dans cette inquiétude, le philosophe Bernard- Henri Lévy lançait, en janvier 2019, un appel aux intellectuels des États membres pour alerter contre la montée du nationalisme en Europe et de ses dangers menaçant de faire basculer, à nouveau, l’Histoire dans la noirceur des despotismes.
Beaucoup de choses restent à faire
En conclusion, même si elle n’est pas parfaite et qu’elle doit encore évoluer, l’Europe reste la meilleure échelle face aux défis contemporains. L’avenir de l’Europe passe par la relance de la zone Euro, l’augmentation de l’investissement dans les outils technologiques et dans la transition énergétique. Dans un avenir proche, elle devra résoudre certaines questions primordiales comme l’harmonisation de la fiscalité entre les états (Hongrie : 9%, France : 35%), renforcer sa politique de défense face au démantèlement de l’Otan et envisager un armement commun, protéger l’Europe du dumping chinois, penser un impôt européen, mutualiser la dette des États, mieux gérer la sécurité aux frontières, créer un ministère pour la zone Euro…
Pour défendre les valeurs culturelles et humanistes de l’Europe, rendez-vous aux urnes le 26 mai prochain.
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