Lettre ouverte du président de la Coopérative des Sauniers
« Monsieur de la Fouchardière,
C’est avec intérêt que j’ai découvert et écouté l’interview que vous avez donnée au journaliste de Radio île de Ré, Stéphane Nadouce. Vous y évoquez, notamment, notre profession en général et la Coopérative, que j’ai l’honneur de présider, en particulier. Vos propos sont empreints d’une certaine ignorance que les personnes qui vous ont renseigné sur nous n’ont visiblement pas été en mesure de lever. Je me propose donc de combler cette lacune en éclairant votre lanterne afin de dissiper ce qui ne peut être qu’un malentendu.
Tout d’abord il convient de rappeler ce qu’est une Coopérative agricole : une société dont les actionnaires sont des agriculteurs qui produisent la même denrée et se regroupent pour mutualiser leurs moyens afin de commercialiser leur production. Dans ces moyens on recense, bien sûr, du matériel et des bâtiments mais aussi du personnel régenté, la plupart du temps par un Directeur(trice) qui en fait partie. La gestion politique et stratégique est réservée au Conseil d’Administration composé uniquement de producteurs élus par leurs paires, les sauniers donc chez nous. Ce Conseil élit à son tour un Bureau : Président, Trésorier, Secrétaire et Vices le cas échéant.
Ce petit préambule, un peu fastidieux j’en conviens, n’a pour but que de vous faire remarquer que si, d’après vous, « la Coopérative ne fait pas son job» ce sont vos « amis sauniers » qui en seraient responsables.
Dans ce travail, on y trouve, entre autres, la définition d’une politique de stockage qui est directement liée à notre politique commerciale. Ce stockage s’effectue, en principe, dans l’enceinte de la Coopérative dans des silos couverts de bâches. Le sel n’y « pourrit » pas plus lors de ses, environ, trois ans d’attente que sur les bosses de marais où nous avons pris la décision de l’y laisser pour partie cet hiver. Du reste, le sel est un bactériostatique naturel encore utilisé pour conserver certaines denrées alimentaires (viande, poisson). Je peux aussi vous donnez l’exemple des anciens qui protégeaient leur pilot sur leur bosse, avant l’arrivée de bâches plastiques, avec de la paille recouverte d’argile ou de vase, qu’il fallait restaurer après chaque tempête ou forte pluie.
Cette décision de maintenir notre production sur bosse est liée à l’insuffisance temporaire de notre surface de stockage que les tensions sur le marché du foncier et de l’immobilier que vous n’ignorez pas, renforcées par des contraintes d’urbanisme sévères, rendent compliqué à combler. En outre, nous avons accepté, il y a quelques années de ça, de céder un bout de terrain de notre Coopérative à la municipalité pour faciliter la construction d’une salle omnisport, nous amputant ainsi de futures capacités de stockage. Nous avons toujours souhaité nous inscrire dans une dimension collective qui dépasse notre propre cadre coopératif.
Une restructuration a alors été entreprise en début d’automne qui nous aurait permis de rentrer à la Coopérative le reste de notre production 2020 si la météo ne nous avait rendu les bosses impraticables depuis. On peut aussi citer le cas de nos collègues dits indépendants, puisque ne faisant pas partie de notre collectif, qui n’ont bien souvent d’autre choix que de maintenir leur tas de sel sur leur marais et ce depuis de nombreuses années et qui le gèrent très bien. Cette culture professionnelle semble vous être étrangère puisque résident au sud de l’île et n’étant certainement pas présent ici depuis assez longtemps.
Mais si la place nous manque, cher Monsieur, c’est aussi que nos volumes de vente, en forte augmentation, font augmenter en proportion notre stock de sécurité que nous établissons, en Conseil d’Administration, à trois ans de commercialisation au minimum. Car, voyez-vous, l’expérience d’un passé pas si lointain, nous a appris que la météo est une dame fort capricieuse qui peut bouder durant plusieurs années consécutives… Ce stock, pour contraignant qu’il soit pour nous puisqu’il nous oblige à immobiliser plusieurs années de revenu, constitue notre police d’assurance pour continuer à livrer nos clients sans discontinuité, maintenir et rémunérer notre personnel à la Coopérative, assumer nos investissements et enfin, nous rémunérer régulièrement, nous sauniers.
Loin, donc, de la « surproduction » que vous évoquez, les pilots sur les bosses, qui semblent vous choquer, nous réjouissent et sont le fruit à la fois du travail acharné de vos « amis sauniers » aidés par une météo propice mais aussi d’une politique de stockage prudente et « rationnelle » face à un avenir météorologique incertain. Du reste, nos anciens évoquent encore certaines années où la Coopérative ne disposait plus d’un seul grain de sel…
Par ailleurs, j’aimerais connaître tous « ces sauniers qui ferment » dont vous parlez car nous avons validé deux installations de jeunes producteurs en 2019 et trois pour cette année. En outre, nos surfaces de production sont en augmentation avec de nouveaux marais en cours de restauration et d’autres qui retournent dans le giron de la Coopérative après avoir été indépendants.
Comme vous le constatez, Monsieur de la Fouchardière, le problème et un tantinet plus complexe qu’il n’y paraît et les choses ne sont pas toujours ce qu’on croit qu’elles sont. Mais foin de vaines polémiques, il me serait agréable de vous accueillir dans notre Coopérative pour vous inviter à la visiter afin de parfaire votre information et d’échanger sur l’avenir de notre filière et celui de l’île de Ré qui sont, vous le soulignez avec justesse, indubitablement liés.
Dans l’attente, veuillez accepter, Monsieur de la Fouchardière, l’expression de mes plus sincères salutations.
Loïc ABISSET, Saunier à Ars en Ré
Président du Conseil d’Administration de la Coopérative des Sauniers de l’île de Ré
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