- Environnement & Patrimoine
- Débat public - Réunion CNDP du 5 octobre 2021 à Sainte-Marie de Ré
Les Rétais très inquiets et dubitatifs sur l’opportunité du projet éolien off-shore
Près de 250 personnes sont venues participer à la première réunion publique sur l’île de Ré, animée par la Commission Particulière du Débat Public (CPDP)*, présidée par Francis Beaucire. Après une présentation rapide du projet et de sa finalité, par Pierre-Emmanuel Vos, Directeur du Projet à la DREAL** Nouvelle Aquitaine et Aurore Gillmann, Chargée de concertation environnementale à RTE Ouest, les questions et interventions fournies du public rétais ont confirmé ses fortes inquiétudes quant à ce projet.
Cette réunion dont l’objet était « le partage des connaissances de tous les publics » sera suivie d’un « approfondissement des sujets » remontés lors de ces échanges et « la recherche des améliorations possibles du projet », à partir de novembre. Des ateliers thématiques sont prévus. Suivront « la mise en perspective du projet au regard de l’objectif de neutralité carbone et du mix énergétique en 2050 », ainsi qu’un partage autour d’un « Festival Energies & Océan » du 13 au 15 janvier 2022 à La Rochelle et Oléron.
Décision de l’Etat au plus tard fin juin 2022
Après cette phase de débat public (30 septembre 2021 au 30 janvier 2022), la CNDP rendra son rapport dans les deux mois, puis le Maître d’Ouvrage (l’Etat) aura trois mois pour dire ce qu’il a l’intention de faire. Une décision devra donc être prise d’ici la fin juin 2022.
« Nous sommes là pour vous informer, entendre vos arguments, recueillir vos questions, recommandations et alternatives au projet, conformément au Code de l’Environnement, puis nous synthétiserons les avis et propositions dans un compte-rendu, auquel l’Etat a obligation de répondre dans les trois mois » ont insisté les membres de la CPDP.
Pierre-Emmanuel Vos a contextualisé le projet d’éolien en mer, dans le cadre de l’objectif de la neutralité carbone en 2050. L’énergie fossile, qui représente 70 % de notre mix énergétique, est amenée à disparaître à cet horizon, au profit des énergies renouvelables. Dans ce scénario de l’Etat, l’éolien en mer doit être privilégié à plusieurs titres : il permet une importante production d’électricité, à des prix compétitifs, décarbonée, grâce à une technologie mature, bénéficiant d’un important retour d’expérience en Europe.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit jusqu’à 6200 MW d’installations éoliennes en mer en 2028. Le projet Sud-Atlantique recouvre 500 à 1000 MW attribués en 2022 et jusqu’à 1000 MW supplémentaires d’ici à 2024.
Trois questions posées à la population
Pourquoi l’Etat vient à la rencontre des publics Charentais-Maritimes à travers ces débats ? Pour avoir leurs réponses aux trois questions suivantes : Est-il opportun de développer un projet éolien au large des côtes Sud-Atlantique ? Au sein d’une zone de 300 km2, où poser un premier parc d’une puissance comprise entre 500 MW et 1000 MW pour une entrée en production à l’horizon 2030 ? A partir de 2024, peut-on envisager un deuxième parc posé, d’une puissance de 1000 MW maximum, dont le raccordement pourrait être commun avec le premier parc ?
Les principaux impacts environnementaux, objets de toutes les inquiétudes, ont à peine été effleurés avant de présenter succinctement le projet envisagé : la zone d’étude d’implantation possible du premier parc (500 à 1000 MW) est de 300 km2 « au large de l’île d’Oléron » avec son raccordement par le nord de l’île ou par le sud. Un « éventuel » deuxième parc (jusqu’à 1000 MW), situé à proximité du premier, pourrait être implanté « à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone d’étude de 300 km2 et son raccordement pourrait être mutualisé avec celui du premier parc.»
A titre d’exemple, un parc d’une puissance de 1000 MW comprendrait 66 éoliennes réparties sur 100 à 130 km2.
Après une présentation très technique d’Aurore Gillmann (RTE) sur les différents types de raccordements possibles et leur mutualisation, la parole a été donnée au public.
De nombreuses réactions et questions….
Une question a porté sur la responsabilité juridique : l’industriel concessionnaire est responsable de tout ce qu’il se passe dans et autour du parc, en lien étroit avec le Préfet Maritime, et doit prévoir un Plan d’intervention maritime par ses propres moyens, avant de faire appel à la SNSM ou le CROSS, a répondu Mr Vos.
Patrick Salez, élu minoritaire de La Flotte et délégué à la CdC, a regretté que tous les éléments chiffrés du PPE s’arrêtent à 2028, appelant de ses vœux un travail prospectif jusqu’en 2050. Il a aussi interrogé sur la possibilité d’intégrer les retours d’expérience des projets déjà existants dans la note de synthèse et appelé de ses vœux à une association des citoyens au projet, au-delà de la phase du débat public. RTE a, en effet, pour mission de produire différents scénarios prospectifs visant à éclairer les choix dans le cadre d’une feuille de route de la transition énergétique à horizon 2050. Avec deux scénarios : l’un qui prévoit 100 % d’énergies renouvelables en 2050, ce qui veut dire beaucoup d’éolien en mer, de l’ordre de 60 GW ! Le second scénario « bas carbone » prévoit un mix 50 % énergie nucléaire et 50 % énergies renouvelables, soit environ 20 GW d’éolien. Ces scénarios vont être rendus publics très prochainement. Concernant l’association citoyenne au projet, la CNDP l’a recommandée au Maître d’Ouvrage dans un précédent débat, notamment pour l’élaboration du cahier des charges.
Mr Maillard a évoqué « les doutes sérieux de climatologues et physiciens sur la propension de l’énergie éolienne à lutter contre l’effet de serre », faisant référence au livre d’André Berger qui parle « d’ineptie totale ».
Des réponses partielles
Christine Masson, du Comité régional de pêche de Nouvelle Aquitaine a tenu à préciser que les pêcheurs n’ont pas du tout été consultés quant au choix de la zone potentielle de 300 km2 et a déploré que ne soient abordés tous les impacts sur la ressource halieutique. Elle a aussi évoqué la phase de démantèlement, « pas du tout documentée dans le dossier du Maître d’Ouvrage. » A plusieurs reprises, Pierre-Emmanuel Vos a évoqué « le groupe de travail regroupant pêcheurs, industriels et représentants de l’Etat autour du projet de Saint-Nazaire, qui fonctionne très bien. »
Sylvain Berjon a lui abordé « le mythe de l’éolien infini », faisant référence à une étude menée en 2004 aux Etats-Unis qui révélerait l’impact non négligeable de l’éolien à grande échelle sur le climat. Ainsi qu’une étude allemande datant de juin 2021, émanant de producteurs en Mer du Nord, allant dans le même sens. « Cet impact de l’éolien à grande échelle va-t-il être étudié, avant de se lancer dans des projets à hauteur de 60 GW ? » a-t-il interrogé. Un groupe de travail « Ecume » a été mis en place, au niveau du Ministère, afin d’étudier l’effet cumulé des parcs en termes de biodiversité, à partir des retours d’expérience étrangers, lui a répondu le représentant de la DREAL.
La Conseillère départementale, et citoyenne, Véronique Richez-Lerouge, s’est interrogée sur la durée de vie d’une éolienne, et sur ce qu’il se passe ensuite. Elle a aussi souhaité savoir si des études d’impact sont faites en préventif concernant les tuyaux de raccordement en sous-sol. Enfin, elle a souhaité évoquer la taille des éoliennes, proche de celle de la Tour Eiffel : « Petit à petit, sur toute la façade Atlantique, nous aurons des Tours Eiffel. », a t-elle regretté
Beaucoup d’inquiétudes
Philippe Chevrier, ancien vice-président du Comité régional de pêche et patron-pêcheur de l’île de Ré, a rappelé ce qu’il se passait à Saint-Brieuc, où les pêcheurs n’ont pas été écoutés. « Depuis dix ans les pêcheurs perdent des zones de pêche, on a sacrifié les bateaux, les pêcheurs sont en danger et on détruit la ressource. La production de pêche française a diminué de 70% ces vingt dernières années.» Il lui a été répondu qu’une réunion thématique était prévue sur la pêche et qu’il était possible de « fabriquer le parc ensemble, en prévoyant des couloirs de navigation pour la pêche, qui continue à être autorisée dans les parcs éoliens, même pendant leur construction.»
Dominique Chevillon, président de Ré Nature Environnement, a souhaité relever trois inexactitudes : « La durée de vie d’une éolienne n’est pas de 30 ans mais de 15 à 20 ans », « le coût de l’énergie éolienne est évolutif et non prévisible dans les 5 à 6 ans », et enfin « L’Etat n’a pas dit en 2015-2017 que la zone était propice, l’AMP a dit le contraire ». « Comment expliquer ce revirement de l’Etat ? » a-t-il interrogé. Mr Vos a rappelé que « d’un point de vue réglementaire il n’y a pas d’opposition entre un Parc Naturel Marin et une zone Natura 2000 et des activités humaines, prévues dans le plan de gestion. »
Citoyenne maritaise, Catherine Pouzoulet estime que « ce projet est très inquiétant pour les citoyens ordinaires » et évoque « trois types de problèmes : la localisation et la monstruosité du projet, les avantages de l’éolien tels qu’ils sont présentés ne sont pas convaincants, enfin quelle est la véritable rationalité économique de ces éoliennes, ainsi que leur impact écologique ». Mr Vos a contesté la qualification de « projet monstrueux ».
Bernard Plisson s’est notamment interrogé : « En cas de non réalisation de ce projet éolien, quelles alternatives s’offrent au territoire, qui est très vulnérable au changement climatique, comme l’a montré l’évènement Xynthia ? ». Parmi les réponses apportées, Mr Vos a rappelé qu’à l’échelle de la région Nouvelle Aquitaine, dans le cadre du projet Néo Terra, l’énergie nucléaire est absente, la volonté de développement de l’éolien et d’autres énergies alternatives est, elle, très présente.
Une citoyenne est intervenue pour affirmer que le coût de l’éolien évolue à la baisse, mais aussi pour interroger : « Si le second parc éolien est situé à l’extérieur de la zone, que cela veut-il dire, une étude de RTE est nécessaire pour définir la cible, en vue du raccordement des deux parcs, il manque une bonne vision de ce que l’on veut faire. »
Isabelle Vétois, présidente de Ré Avenir, a évoqué le point de blocage lié à la zone Natura 2000 et du Parc Naturel Marin, estimant qu’ « il serait utile de verser au débat les études scientifiques et nombreux retours d’expérience dont on dispose désormais, puisque la 1ère éolienne a été construite il y a 30 ans au Danemark ». Elle a aussi demandé s’il était possible d’avoir une simulation de l’impact visuel à 10 à 30 km d’Oléron, en intégrant l’impact visuel des éoliennes de la Tranche-sur-Mer qu’on voit depuis Ré.
Didier Guyon, élu minoritaire de Sainte-Marie et délégué communautaire, est intervenu en toute fin de réunion : « Je demande à être convaincu sur la question du bilan carbone d’une éolienne, est-il positif et à quelle échéance ? » « Il est positif au bout de 4 à 5 ans, pour une durée de vie de 30 ans, il est donc absolument positif » a répondu Mr Vos.
D’autres mains se sont levées, qui n’ont pu être satisfaites, le cadre des deux heures de débat ayant été dépassé.
Francis Beaucire a ainsi conclu : « Ces réunions publiques servent à faire émerger des questions dont on va s’emparer afin de les approfondir. Certaines questions sont identiques dans les différentes réunions, d’autres sont spécifiques. Nous avons relevé ce soir qu’émerge la question de l’opportunité de ce projet éolien. Il faut éviter d’aboutir à un grand écart entre le sujet du changement climatique et les questions profondes sur l’opportunité des énergies renouvelables pour y faire face. »
*Débat public décidé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP)
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