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Les Rétais au XVIIIe siècle : des gens de la mer
Albert-Michel Luc est un homme remarquable à plus d’un titre. Passionné d’histoire depuis toujours, il a ressenti l’envie, la retraite venue, de s’attaquer à une licence d’histoire qu’il complétera par un DEA. S’offrir le plaisir d’une deuxième vie, tout aussi intéressante que la première, n’est pas donné à tout le monde ! C’est dans le cadre de ses nouvelles études qu’il rédigea et publia sa thèse sur « Gens de Ré au XVIIIe siècle, marins d’une terre, terriens de la mer », qui reste un ouvrage de référence
Au service de l’Éducation Nationale où il a rempli les fonctions d’instituteur à inspecteur en Poitou-Charentes pour finir sa carrière à La Rochelle qui intégrait l’île de Ré dans sa circonscription, Albert- Michel Luc connaît bien la région dont il dit être « un pur produit » et a publié des ouvrages, soit collectifs, soit personnels sur son histoire. Il a notamment contribué à la rédaction de l’Histoire des Deux-Sèvres et de l’Histoire de la Charente-Maritime dans le cadre de la publication de « l’Histoire des départements français de la préhistoire à nos jours ». Il a rédigé avec Jean Combes, historien et ancien maire de Saint-Jean d’Angely, « La Charente-Maritime dans la guerre de 1939- 1945 ». Il a également édité en tant que directeur de la publication sous le titre « Le journal d’un Rochelais sous l’occupation » les notes de Marcel Delafosse.
Il a fondé l’AHGPA (association histoire-géographie en Pays aunisien) à travers laquelle il poursuit son activité d’information du grand public en éditant chaque année une brochure sur un nouveau thème historique ou géographique. Son travail a été récompensé en 2010, date à laquelle il reçoit le prix de l’académie de marine, prix remis à Paris, le 3 octobre de la même année.
Les gens de Ré
Son livre « Gens de Ré au XVIIIe siècle », constitue un document de qualité auquel on continue de se référer. Dans les années 1995, tout un courant de l’historiographie mettait l’accent sur les populations du littoral. C’est ainsi qu’Albert-Michel Luc a travaillé sur les populations insulaires et plus spécialement sur les Rétais. Cette thèse, « Gens de Ré au XVIII° siècle » qu’il a mis huit ans à finaliser à Poitiers, alors qu’elle se faisait plutôt en cinq ans, mais il n’y avait pas d’université à La Rochelle à l’époque et il devait se rendre chaque semaine à Poitiers. Soutenue en 2005, cette thèse paraîtra en 2008 aux éditions Le Croît Vif. Elle couvre la période 1681 à 1790. Albert- Michel Luc considère que le siècle de Louis XIV a été le creuset dans lequel s’est forgé l’identité de l’île à travers les activités et les aventures de ses 17 000 habitants.
Il nous fait connaître les grandes familles comme les Dechézeaux, les Baudin, mais nous fait également découvrir les anonymes que sont laboureurs, sauniers-matelots, paysans- vignerons et maîtres de barques. Selon Albert-Michel Luc, les Rétais étaient « des gens de la mer et non des gens de mer ». L’île était un monde plus terrien que marin, contraint néanmoins à vivre « avec les embruns, les caprices et les flots de la mer océane ». C’est bien là, la spécificité du monde rétais, cette identité plurielle terrienne dans son essence et maritime dans son existence. Cependant, la communauté des gens de la mer représente à peine 5%, toutes catégories sociales confondues, de cette population. Ce sont eux qui portèrent les couleurs rétaises vers les rivages du nouveau-monde, de Terre-Neuve, Saint- Domingue, des côtes africaines ou de l’Inde et des îles Bourbon et de France.
L’insularité et la situation de l’île, poste avancé dans le golfe des Pictons, favorisent le cabotage qui s’impose et nourrira nombre de familles. Albert Michel Luc consacre un chapitre entier à cette activité dont il dit qu’elle est « l’épicerie du littoral » et qui voit les Rétais naviguer le long du golfe de Gascogne, de Bretagne, de la Manche et de la mer du Nord. La forme du cabotage diffère selon les marchandises embarquées : à Ars, c’est le sel, à Saint-Martin, ce sont les hommes de troupe à destination de l’Amérique, à La Flotte, c’est le poisson frais… Les maîtres de barque, nombreux, souvent issus de mêmes familles, ont une connaissance empirique de la mer et constituent le noyau des navigants de l’île.
Le XVIIIe siècle verra la politique centralisatrice de Louis XIV renforcer le pouvoir royal à travers une présence militaire plus forte et de nouveaux impôts que les Rétais apprécient peu et contestent. Les gens de mer vont bientôt devoir une année sur trois à la marine royale ou sur les navires marchands assurant le ravitaillement et les marins se retrouvent pris entre deux pouvoirs contraignants : le roi et la mer ! C’est également le moment où les privilèges accordés aux Rétais depuis Charles VII vont être remis en question par les Fermiers généraux dont l’emprise ne cesse de croître et qui traquent toute forme de contrebande.
La caractéristique essentielle qu’Albert-Michel Luc retient est cette identité plurielle d’insulaires collant à la terre pour le plus grand nombre, naviguant pour d’autres, mais tous ancrés dans leur paroisse, attachés à leur indépendance et contestant volontiers tout ce qui ne leur convient pas. Comportements que, selon lui, on retrouve encore aujourd’hui chez les Rétais.
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