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Les PPRL des dix communes devront être approuvés pour fin 2017
Le Préfet, accompagné de la DDTM, a tenu les 6 et 8 mars deux réunions publiques de présentation des projets de documents réglementaires du Plan de Prévention des Risques (PPR) sur l’île de Ré, très suivies par la population, notamment sur le Nord.
Le Préfet a introduit les deux réunions publiques du Bois- Plage et d’Ars en Ré, en expliquant qu’après le constat du phénomène de risque et sa traduction en cartes d’aléas en 2014, l’objet de ces nouvelles réunions était d’expliquer comment on passe de la carte d’aléa à sa traduction très concrète en termes réglementaires, c’est-à-dire son impact en droit de la constructibilité.
Le principe des PPRN est double : ne pas augmenter le risque global, tout en permettant à des bâtiments existants des aménagements à la marge, qui ne vont pas accroître leur capacité d’accueil ; et imposer des prescriptions particulières à ces bâtiments existants. Il est aussi possible de travailler en démolition/ reconstruction, en y améliorant les conditions de sécurité.
L’objectif des services de l’Etat (DDTM) était de montrer comment ils ont travaillé et de permettre aux habitants d’interpréter les projets de cartes réglementaires et de règlements, désormais consultables dans chaque mairie, assortis de cahiers de remarques.
Après ces réunions publiques qui se sont étalées sur les deux îles de Ré et d’Oléron entre le 3 et le 9 mars, la population peut ainsi encore réagir dans les mairies. Le Préfet va saisir officiellement les maires et les personnes publiques associées pour recueillir leur avis formel, sachant que ces documents seront à nouveau débattus au sein des conseils municipaux, avant d’être soumis à enquête publique dans chaque commune, en allant dans le détail, prescription par prescription, point par point de la carte de zonage.
Ces enquêtes publiques auront lieu durant l’été, afin que résidents permanents et secondaires puissent réagir, le but étant de toucher le plus de résidents possible, pour ne pas être retoqué par le juge sur un défaut de consultation et sur sa représentativité.
Le commissaire enquêteur fera ensuite des allers-retours de questions réponses avec les services de l’Etat, avant de rendre son avis. L’objectif du Préfet est que les premiers PRN soient approuvés à la fin de 2017 ou tout au début 2018. La DDTM a ensuite fait une présentation très technique dont les principaux points sont retranscrits ci-dessous.
L’articulation PPRN / PAPI
Le Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN), concernant la prévention donc, relève de la compétence de l’Etat, tandis que le Programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) concernant la protection est une compétence des Collectivités.
La prise en compte des ouvrages de protection dans les PPRN repose sur le principe qu’un ouvrage ne peut pas être considéré comme infaillible (la fameuse circulaire de juillet 2011), qu’il est pris dans sa configuration existante (état, altimétrie, etc…), au moment de l’approbation du PPRN.
Sont considérés le dimensionnement des ouvrages PAPI (système et niveaux de protection définis par le porteur du PAPI), la réalisation d’études techniques ou de dangers définissant le comportement des ouvrages face un événement de référence, et les critères de validation par la Commission Mixte Inondation : l’impératif de protection des populations existantes, l’analyse multicritères (coûts / bénéfices). Le principe d’actualisation de prise en compte des ouvrages de protection au regard des travaux PAPI repose sur l’intégration des hypothèses de défaillance des ouvrages conformes aux éléments et conclusions des études techniques et de dangers réalisées par les maîtres d’ouvrage, ou à défaut sur la mise en application d’hypothèses forfaitaires de défaillance.
Si sur l’île d’Oléron l’application de ce principe ne semble pas interpeller les élus, il n’en est pas de même sur l’île de Ré où le président de la CdC suivi par tous les maires, qui ont tous signé une lettre ouverte aux Rétais, conteste vigoureusement la méthodologie qu’il juge « arbitraire ». En effet, les scénarii de défaillance ne sont pas cumulatifs aux yeux du Département et de la CdC, qui dénoncent le fait que l’Etat n’hésite pas à cumuler par exemple deux ou trois hypothèses de défaillance, ce qui changerait tout (lire encadré). Le Préfet a prévu deux cas d’actualisation en fonction du calendrier des travaux PAPI : si les travaux sont d’ores et déjà réalisés ou en voie d’achèvement au regard du calendrier d’approbation des PPRN, ils seront directement intégrés. Si les calendriers de fin d’achèvement des travaux et d’approbation des PPRL ne sont pas compatibles, l’Etat réalise des « cartes informatives PAPI ».
Celles-ci permettent aux élus et à la population d’avoir d’ores et déjà une vision de l’impact des ouvrages de protection sur le zonage réglementaire des PPRL une fois l’ensemble des ouvrages du système de protection réalisé. En outre, la mise en révision des PPRL pourra ainsi être optimisée au regard de la date prévisionnelle de fin d’achèvement des travaux.
Détermination des enjeux
Les enjeux sont constitués par l’ensemble des personnes, des biens, du patrimoine, des activités, des axes routiers… Ils ont été identifiés lors de réunions bilatérales avec chaque commune.
Des types de zones ont été définis : Zones naturelles et agricoles, zones ostréicoles, zones de tourisme, loisirs et sports, zones à vocation économique et industrielle, zones urbanisées, en distinguant deux types : secteur urbain fortement urbanisé et autres secteurs urbanisés. Les projets d’aménagement ont été identifiés par commune.
Le zonage réglementaire des risques littoraux
Il se construit par croisement entre la nature de l’occupation du sol et le niveau d’aléa : faible, modéré, fort, ou très fort. Les zones constructibles sont les ZU (Zones urbanisées) en aléa faible, les ZUf en aléa modéré, des zones uniquement soumises à un aléa long terme (tout niveau d’aléa pour les ZU et faible pour les ZN).
Pour les zones inconstructibles, il y a une graduation de l’inconstructibilité selon l’importance de l’aléa : Les ZU en aléa modéré et fort, les ZU et ZN en aléa très fort, des zones naturelles devant rester exemptes de toute urbanisation quel que soit le niveau d’aléa, la bande de précaution et la zone d’érosion.
La rédaction du projet de règlement
Il y a un règlement par commune qui permet d’intégrer des réflexions sur des enjeux particuliers. Si les principes du porter à connaissance (PAC) sont repris, ils intègrent des évolutions comme par exemple : Le principe de démolition reconstruction, la superficie des extensions de certaines catégories de projets, le cumul des mesures de réduction de la vulnérabilité, une adaptation de la constructibilité en aléa modéré en zone fortement urbanisée.
La structure du règlement
Elle se présente sous forme d’une trame de cinq grands thèmes déclinés dans chaque zonage réglementaire : Habitat, activités liées à la conchyliculture, activités nécessitant la proximité immédiate de l’eau, activités liées à l’agriculture et à l’exploitation forestière, autres activités et aménagements (bâtiments d’activités et leurs aménagements extérieurs ; les terrains de camping ; les activités de plein air ; les infrastructures liées aux déplacements, transports et stationnements ; les infrastructures liées aux réseaux ; les obstacles aux écoulements).
Le règlement du PPRN ne s’appliquera qu’aux constructions futures. Il n’imposera aucun changement aux constructions existantes, même en zone à risque fort, dont il permet l’entretien, ainsi que les extensions et les réhabilitations en les encadrant selon la nature et l’intensité du risque.
Pour la démolition reconstruction suite à un sinistre accidentel autre que les risques traités par le PPRN (hors zone d’érosion côtière), la reconstruction à l’identique sera possible avec recommandation de mise hors d’eau des premiers planchers. Quand il s’agit d’une réduction volontaire de la vulnérabilité (hors zone d’érosion côtière, de bande de précaution et d’aléa très fort), la reconstruction sera possible à l’identique avec une cote plancher à long terme (Xynthia + 60 cm). Dans ces deux cas il sera possible d’assortir la reconstruction des extensions au sol et/ou par surélévation dans les conditions fixées dans chaque zonage réglementaire, et de prévoir une implantation différente de l’initiale dans un secteur moins exposé aux aléas.
Le zonage réglementaire
Pour les habitats et activités en zone fortement urbanisée, en aléa modéré, une adaptation réglementaire est prévue pour les dents creuses : Nouveaux logements autorisés avec cote plancher long terme et garage court terme, et en cas d’impossibilité technique : logement et pièces de vie à l’étage (cote long terme), hall d’entrée et atelier ou autres au rezde- chaussée (cote court terme) et garage au RDC au niveau du TN+.
Sur les parcelles vierges en aléa modéré identifiées par les communes, de nouveaux logements sont autorisés avec une cote plancher long terme.
L’adaptation générale des constructions aux risques
En zone de submersion marine l’objectif est de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens par la mise hors d’eau (remblai au droit de la construction, vide sanitaire, pilotis, etc.) à la cote court ou long terme selon la nature des projets et de limiter l’impact sur l’écoulement des eaux. Evidemment ces mesures ne valent que pour les zones où les projets sont admissibles au regard du règlement. En revanche, la mise en oeuvre de ces moyens ne permet pas de soustraire à la règle d’inconstructibilité. A cet égard, la Loi Littoral se superpose aux mesures du PPRL.
A l’issue de cette présentation, identique dans toutes les réunions, sur les deux îles et ailleurs, le public rétais ainsi que le président de la CdC, et plusieurs Maires rétais sont longuement et parfois vivement montés au créneau pour demander au Préfet de revoir notamment les hypothèses retenues pour le bréchage des digues et le sensibiliser au fort renforcement du déséquilibre entre le Nord et le Sud que va inévitablement créer le PPRL.
Après s’être montré inflexible, le Préfet – sous la pression de Lionel Quillet, soutenu par Dominique Bussereau – a accepté en toute fin de séance qu’une réunion soit organisée entre les services de l’Etat, ceux du Département et ceux de la CdC, en présence des élus, afin que puisse être expliquée la méthode utilisée par la DDTM pour élaborer les cartes présentées et que Département et CdC puissent mieux échanger avec la Préfecture sur l’interprétation des données départementales.
Plan de prévention des risques littoraux
Une part d’arbitraire qui fragilise la position de l’Etat ?
Lors des deux réunions publiques au Bois-Plage et à Ars-en-Ré, Lionel Quillet a mis en évidence une importante faille dans la méthode d’élaboration des PPRL par la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM). Explications.
Pour chaque système d’endiguement le Département doit fournir une Etude de Dangers (EDD) exposant plusieurs scenarios de défaillance et pondérant leur probabilité. Ceux-ci ont été souvent complétés à la demande de l’Etat dans un sens défavorable.
La perspicacité de l’analyse de la CdC
Ce n’est que très peu de temps avant les réunions publiques de l’île de Ré que Lionel Quillet, président de la CdC, et Florence Durand, directrice générale des services de la CdC, ont pris conscience que, pour établir les cartes de submersion, la DDTM a utilisé les hypothèses de défaillance des digues issues des EDD réalisées par le Département dans le cadre du Plan Digues (PAPI). Ceci sans demander d’explication ou d’interprétation auprès du Département. Les cartes d’aléas de l’Etat ne sont complétées par aucune explication sur la méthode et les critères de prise en compte. Ils se sont rendus compte que cette approche est maximaliste, car elle cumule des scénarios de défaillance bien distincts, et intègrent certains d’entre eux jugés comme improbables dans les EDD. Ainsi les cartes actualisées présentent peu d’assouplissements au regard des travaux réalisés et vont même parfois jusqu’à étendre les zones submersibles. Dans certains cas particuliers, l’absence de digue réduirait même le risque théorique de submersion.
« Dominique Bussereau était très en colère », selon Lionel Quillet
Le président du Département, Dominique Bussereau, et le président de la CdC de l’île de Ré, également président de la Mission Littoral, Lionel Quillet, l’ont d’autant moins bien pris que cette démarche discrédite la pertinence des investissements en matière de protection, alors même que la Charente-Maritime est le premier chantier de France en terme de protection à la mer.
La DDTM a publiquement reconnu en réunions publiques avoir cumulé plusieurs scénarios, ce qui risque de fragiliser fortement le PPRL. Pourquoi ces scénarios plutôt que les autres ? Pourquoi les cumuler, alors qu’ils ne sont pas cumulatifs et que leur probabilité d’occurrence est différenciée d’un scénario à l’autre ? Faut-il prendre le scenario le plus grave mais qui a la probabilité la plus faible ? Ou le scénario le plus réaliste, dont l’occurrence est la plus élevée ? En réunion publique, Lionel Quillet a martelé l’exemple de La Flotte, où n’a pas été retenu le scénario le plus dangereux, celui où la porte du port ne se referme pas complètement. « C’est pourtant de loin techniquement le risque le plus grand à l’échelle de tout le département. Tant mieux pour La Flotte, a-t-il dit, qui a un PPRL très avantageux, mais pourquoi deux poids et deux mesures ? La part d’arbitraire, de discrétionnaire est très importante et ce n’est pas acceptable ».
Si le Préfet a fait bloc derrière ses services et a invoqué la circulaire, il n’en a pas moins été quelque peu déstabilisé. C’est en tout cas l’impression qu’il a donnée, avant de rétorquer qu’il fallait bien choisir une méthode de travail. Lionel Quillet a alors enfoncé le clou : « Vous prenez une décision, vous arbitrez. Vous avez le pouvoir de revenir là-dessus, la Circulaire ne dit pas que vous devez avoir l’approche la plus maximaliste, les services du Département peuvent vous éclairer sur une méthode cohérente avec les EDD, faites-le, acceptez une réunion » l’a t-il littéralement imploré à plusieurs reprises.
Des Maires dignes et découragés
Plusieurs Maires sont intervenus, très dignement et de façon responsable, pour dire au Préfet leur désarroi, leur incompréhension, leur découragement face à une approche qui condamnerait le Nord de l’île et, par ricochet, déstabiliserait toute la vie permanente de l’île et déséquilibrerait ses équilibres de développement. Gilles Duval a crié son désespoir, Patrick Rayton explicité ses interrogations, Gisèle Vergnon témoigné de l’indéfectible solidarité entre les dix communes rétaises, Michel Auclair attiré l’attention du Préfet sur le cas du Fier d’Ars, Jean- Louis Olivier fait part de ses doutes quant à la lenteur de la démarche de la DREAL qui freine le processus pour le système de protection du Fier d’Ars… Le Préfet a semblé inflexible.
Lionel Quillet s’est ensuite adressé au Préfet : « Dites aux populations que vous avez fait des choix arbitraires, c’est ce que le juge regardera dans le contentieux, il n’y a pas eu de concertation, il faut de nouveau prendre le scénario de plus réaliste vous pouvez encore le faire avant l’enquête publique, c’est ce que vous demandera aussi Dominique Bussereau lors de la prochaine séance du conseil départemental. Faites-le sinon on va aller au contentieux. Faites-le pour que la population puisse accepter ce PPRL. Sinon à quoi sert le Retour d’Expérience (REX) ? Donnez-nous cette chance, les services du Département peuvent vous proposer une méthode ! »
Le Préfet a accepté le principe d’une réunion
En toute fin de course, le préfet a accepté que se tienne une réunion autour de la méthode de prise en compte des scénarios de défaillance (position reconfirmée lors de la séance du Conseil départemental), mais en prévenant les élus « Je ne décalerai plus le calendrier ».
Bien que satisfait de cette ouverture, Lionel Quillet a témoigné auprès de Ré à la Hune d’un optimisme très modéré. « L’Etat a toujours agi de façon arbitraire, comme il l’a fait au lendemain de Xynthia, comme il le fait dans tous les domaines, sous couvert d’approche technique et rationnelle ».
Le moins que l’on puisse dire est qu’il se bat pour son territoire – les autres territoires de Charente-Maritime n’ont pas réagi lors des réunions publiques – et que la perspicacité de la CdC de l’île de Ré, appuyée par la solidité de l’expertise de Services du Département, et renforcée par le soutien politique fort de Dominique Bussereau, fragilise les PPRL, tels que présentés lors des réunions publiques. A qui profitera in fine le doute qui s’est installé ?
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