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Les Portes vote la majoration de la taxe d’habitation
La taxe d’habitation passe ainsi en 2024 de 7,84 % à 12,54 %. Première commune de l’île de Ré à voter cette majoration, rendue possible par le décret du 25 août 2023 classant les dix communes rétaises en zone tendue, Les Portes pourrait se voir emboîter le pas par Saint-Clément des Baleines. Et d’autres communes y réfléchissent pour 2025.
Il s’agit plus précisément de la majoration de la part communale de la cotisation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale. Sont ainsi concernés au premier chef les résidences secondaires, mais aussi les logements vacants et les maisons louées en saison. Le décret permet d’augmenter de + 10 à + 60 % cette part communale. Aux Portes ce sera donc + 60 %, faisant passer la part communale de la taxe d’habitation de 7,84 % à 12,54 %.
82% de résidences secondaires !
Le décret « zone tendue » a, en effet, étendu le champ d’application de la majoration de la part communale de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à compter de 2024 – sous réserve d’une délibération en conseil municipal avant le 1er octobre – aux communes où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement. Pour ces communes, la tension immobilière est notamment caractérisée par le niveau élevé des loyers ou des prix d’acquisitions des logements anciens, ainsi que par la proportion élevée de logements affectés à autre chose que l’habitation principale au regard du nombre total de logements.
Euphémisme concernant Les Portes qui atteint des sommets avec 1630 résidences secondaires sur 1982 logements imposés en 2022, soit + 82 % !
Les arguments du maire
Le maire des Portes, Alain Pochon, justifie cette décision, votée favorablement par treize conseillers municipaux, deux s’y opposant, par « la nécessité impérative de lancer rapidement un programme de logements en primo-accession en sus du programme de logements sociaux de l’Allée des Peupliers. En effet, la commune souffre actuellement d’un manque cruel d’offres pour les jeunes ménages qui met la vie du village en péril. Il devient impératif aujourd’hui, outre de faire vivre le village hors saison, d’assurer la pérennité de l’école. Un moratoire sur trois ans a été engagé avec l’Education nationale, dans lequel la municipalité s’engage à mettre tout en oeuvre pour accroître le nombre d’élèves. » « La commune se dépeuple depuis vingt ans, dans dix ans elle va mourir si rien n’est fait. », a ajouté le maire. Le Plan de prévention des risques littoraux a considérablement limité la constructibilité et certains projets publics des précédentes municipalités ont été mis à mal.
« De plus, le taux de la taxe d’habitation actuellement en vigueur aux Portes-en-Ré soit 7,84 % de la valeur locative cadastrale, est le plus bas de toutes les communes de l’île de Ré. A titre comparatif, ces dernières appliquent des taux d’une moyenne de 9,75 %, la plus haute étant de 11,35 %. »
En outre, Alain Pochon explique que la commune va devoir contracter un emprunt pour des logements rue du Haut des Treilles. On le sait, en plus des onze logements Habitat 17 prévus en location allée des Peupliers, six logements sont prévus en primo-accession à la propriété au Haut des Treilles. Le maire a aussi révélé étudier un autre projet foncier sur la commune, qui pourrait apporter six à sept nouveaux logements.
Le retard pris sur les logements Habitat 17, dû à une négligence au sujet des fouilles archéologiques (qui n’est pas le fait de la mairie), a entraîné du fait de l’inflation un surcoût du chantier de plus de 750 K€, à la charge de la commune. Alain Pochon a sollicité auprès du président de la CdC une révision de ses statuts portant sur le seuil de la compétence logement intercommunale, seuil actuellement de vingt logements et que le maire proposait d’abaisser à dix, afin que les petites communes puissent plus facilement bénéficier de l’ingénierie et des financements de l’intercommunalité. Si Lionel Quillet n’y était pas personnellement opposé, en étudiant juridiquement la faisabilité avec les services de l’Etat, il semblerait que certains maires d’autres communes, qui ont fait de gros efforts financiers pour leurs logements, se soient positionnés contre.
« La municipalité doit donc contracter un emprunt, cette levée d’impôt supplémentaire permettra de faire face aux échéances de cet emprunt. L’effort demandé aujourd’hui aux résidents secondaires va permettre d’apporter une pierre à l’édifice non négligeable pour qu’à terme le village soit animé au moins 10 mois sur 12 et que les Portingalais puissent bénéfice de commerçants à l’année, d’une école et d’une poste ouverte le matin tôt et le samedi, laquelle sera intégrée à la mairie à la suite des travaux réalisés courant 2024 », a précisé le maire, qui souhaite qu’une ligne budgétaire soit spécifiquement dédiée à la construction de ces logements avec un bilan fait tous les ans sur le remboursement de l’emprunt.
« Ce sera du one shot. Une fois le programme terminé, il n’est pas inenvisageable de revoir notre position sur la fiscalité », explique le maire, qui espère que cette démarche sera comprise par les résidents concernés par cette augmentation, pour que la dynamique lancée par l’équipe municipale porte ses fruits.
Deux oppositions fermes
Michel Oger s’est déclaré opposé par principe à toute augmentation de l’impôt : « Je constate que les recettes de la commune n’ont jamais été aussi importantes, du fait notamment des droits de mutation. On peut trouver des recettes en annulant certains projets et ne pas imposer plus les résidents secondaires. » Xavier de Boissard s’est dit en accord avec son collègue élu : « A chaque vote budgétaire on a le même débat, je tire la sonnette d’alarme sur l’aggravation de la pression fiscale et l’endettement. 3 M€ pour la salle du Marais de la Prée, 200 K€ pour un parking, pas de baisse des charges de fonctionnement, il y avait des réserves, il n’y en a plus. C’est regrettable qu’on n’ait plus d’argent pour les logements et faire porter la charge sur les résidents secondaires me paraît de la discrimination, et c’est absurde de taxer des retraités ou habitants qui louent en saison un ou deux logements pour avoir des revenus complémentaires. Je vote contre. »
« Je suis le Plan pluriannuel d’investissement, nous aurons des réserves en fin de mandat. Pour le parking, j’ai demandé que le projet soit revu à la baisse. Il faut donner un avenir à notre commune, quitte à prendre des décisions difficiles et pas électoralistes. Le législateur a mis cette solution en place. On construit 15 logements dont certains en primo-accession, cela libérera aussi de la place dans les locations. Nous sommes tout seuls. Pour le 3ème projet, j’attends la réponse des Domaines, on pourrait monter avec les trois projets à 25 logements dont 8 en accession. » a simplement répondu le maire.
Elisabeth Régreny a rappelé que la commune des Portes avait jusqu’ici le plus bas taux d’imposition et que « si on ne fait rien on n’aura plus d’école dans deux ans. »
Les premières simulations permettraient d’estimer à 82 K€ par an la manne supplémentaire, les taxes passant de 138 325 € à 221 247 €. Rapporté à 1600 résidents secondaires, le montant par résident reste marginal.
L’ACNIR entre dans la danse
Elisabeth Régreny a lu le message de Marie-Françoise Penaud, s’insurgeant contre le courrier envoyé par l’ACNIR* aux élus municipaux, avant ce conseil, leur conseillant en substance de « juger de l’opportunité de vous abstenir ou de voter contre la délibération » en question. « Il est insupportable qu’une association nous dise comment voter, comme si nous n’étions pas capables de réfléchir par nous-mêmes et de prendre nos décisions tout seuls, nous sommes au plus près du terrain ».
Loïc Bahuet, président de l’association de contribuables argue dans son courrier que « les politiques à même de favoriser l’installation de résidents permanents (ainsi que des professionnels) … peuvent être financées par des hausses d’impôts locaux sous de strictes conditions », notamment la gestion au plus près des dépenses de fonctionnement, le non ciblage sur une catégorie de la population, des plans d’investissement clairement établis… conditions non réunies à son sens. Après le conseil municipal, auquel il a assisté, il a envoyé une lettre recommandée au maire des Portes, faisant une demande d’informations complémentaires sur plusieurs points, parmi lesquels le budget annexe évoqué par le maire pour gérer les recettes liées à la majoration de la taxe d’habitation.
Le président de l’ACNIR rappelle aussi l’évolution de la taxe additionnelle sur les droits de mutation aux Portes, passée de 567 K€ en 2019 à 821 K€ en 2022, autant d’argent qui devrait être affecté exclusivement au développement du logement permanent, selon lui. Loïc Bahuet interroge ainsi le maire sur l’opportunité de rénover la salle des fêtes pour 1,5 à 2 M€ alors que la salle du Godinand toute proche (St Clément) est sous-employée. Au sujet du taux de la taxe d’habitation, s’il convient qu’il est depuis plus de vingt ans le plus bas de l’île de Ré, il rappelle qu’il a aussi connu l’augmentation proportionnelle la plus élevée entre 2002 et 2022.
« Symboliquement ce n’est pas bon »
Le président de la CdC, qui a sollicité le Député afin de soutenir la demande des dix communes de l’île de Ré d’accéder au statut de « Zone tendue », obtenu via l’arrêté du 25 août 2023, se désespère de cette décision. « Ce n’est pas l’esprit de la démarche que nous avons initiée. Il s’agit de mieux connaître et encadrer les locations de type Airbnb, pas d’établir une sorte de discrimination. Les résidents dits secondaires contribuent déjà largement à la vie permanente, la TEOM** qu’ils paient à l’année alors qu’ils ne sont là que quelques mois en est un parfait exemple. Ils souhaitent être considérés comme des Rétais. Symboliquement ce n’est pas bon du tout, c’est de nature à susciter de vives réactions de leur part, non pas tant pour le montant qui reste faible mais pour le principe. Les équilibres de l’île de Ré peuvent être fragilisés par une telle décision que je comprends d’autant moins aux Portes, qui touche plus de 800 K€ de droits de mutation, le montant de loin le plus élevé de toute l’île. »
Il a tenté de convaincre Alain Pochon d’y renoncer, sans succès, tout comme Lina Besnier, maire de Saint-Clément, qui s’apprête à proposer à son conseil municipal du 28 septembre la même décision : « Je vais également proposer une augmentation de 60 %, l’objectif est aussi d’inciter les Rétais qui ont 2 ou 3 maisons à en louer une à l’année, cette mesure ne concerne pas que les résidents secondaires. Vu le prix de l’immobilier et les difficultés rencontrées, on n’a plus de terrain, je ne sais pas si Les Ouches pourront se faire. La commune achète des petites maisons qu’elle rénove avec des subventions. Sur 1360 résidences, nous avons 970 résidences secondaires. Nos simulations permettent d’estimer à 200 K€ par an le produit financier de cette majoration de taxe, cela nous permettra de lancer un emprunt et de rembourser les annuités. Pour notre part, les droits de mutation se sont élevés à 280 K€ et le budget de Saint-Clément est très modeste. Je pense que d’autres maires vont suivre l’année prochaine, ils préfèrent prendre le temps d’approfondir. » Ainsi, à La Flotte (lire page 22) le débat a été ouvert, même si le maire n’est à ce stade pas favorable à une telle décision, le Conseil municipal se donne le temps de la réflexion, tout comme à Sainte-Marie.
Du temps que n’ont pas forcément certaines communes du nord de l’île, sur lesquelles pèse l’épée de Damoclès de la fermeture d’école – la rentrée 2023 a mis la pression sur les maires – et de la désertification consécutive du village.
Majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale est loin d’être sociologiquement neutre, cela peut changer les perceptions et raviver les tensions entre les différents types de population de l’île, qui avaient tendance à s’estomper. On peut toutefois comprendre que les maires saisissent toutes les opportunités qui s’offrent à eux pour sauver leur commune de la désertification qui les menace. Le débat est éternel, l’île de Ré, et particulièrement les communes du nord, a été largement plébiscitée depuis 60 ans par les résidents secondaires. Avec toutes les conséquences positives et négatives portées par cette « balnéarisation ».
*ACNIR : Association des contribuables du nord de l’île de Ré
**TEOM : Taxe d’enlèvement des ordures ménagères
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