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Les meilleurs experts au chevet de l’île de Ré
Vendredi 22 novembre, devant un public très fourni évalué à 450 personnes, soit plus que ne peut en recevoir la Salle Vauban de Saint-Martin de Ré, les experts juridique, scientifique et ingénierie se sont largement expliqués sur le travail qu’ils mènent aux côtés de la Communauté de Communes de l’île de Ré pour infléchir les positions de l’Etat et l’amener à l’élaboration d’un PPRL raisonné et raisonnable.
Ces experts – les meilleurs en France voire dans le monde dans leur domaine – ont avec brio et pédagogie expliqué à des Rétais parfois amusés mais le plus souvent médusés comment l’Etat peut en arriver à de telles incohérences au nom du principe de précaution et pour fuir toute responsabilité.
Les mêmes messages maintes et maintes fois répétés par le Président Lionel Quillet depuis l’été 2012 – en matière de communication on connaît la nécessité de marteler les messages pour être entendu – mais délivrés de nouveau par des experts extérieurs à l’île de Ré ont permis d’enfoncer le clou et de convaincre ceux qui pouvaient encore penser que « nos élus rétais exagèrent ! »…
Leur mise en perspective a aussi apporté une certaine hauteur de vue par rapport à une situation réto-rétaise et confirmé une vraie stratégie d’Etat développée depuis des années en France.
Les digues n’appartiennent à personne
Après avoir rappelé que l’île de Ré est dotée de 108 km de côtes, dont 66 de digues maçonnées, d’enrochements, de levées en terre ou encore de gabions, 19 km de dunes, 11 km de falaises et 2 kms de cordons de galets Lionel Quillet a aussi précisé que la quasi-totalité des protections ne sont propriété de personne.
C’est le cas des 32 km de protections naturelles (dunes et falaises) et des 43 km d’ouvrages « hors PAPI » et hors classement, mais aussi des 37 km des digues « PAPI » qui malgré les 45 millions de travaux ne sont à personne même si le Conseil général et la Communauté de Communes maître d’ouvrage et gestionnaire ont in fine une responsabilité sur les digues de 1er et de 2è rang. Les 9,5 km de digues pérennes sont dans le même cas, la CdC en ayant la responsabilité au titre progressif de leur gestion. Au final seul le 1,45 km de digues classées dont la CdC est gestionnaire lui appartient en propre.
Avant de donner la parole aux experts, il a tenu à rappeler les moyens mise en œuvre depuis deux ans : 32 courriers officiels depuis 2012 à tous les officiels depuis le Président de la République à la Préfète, en passant par les ministres successifs de l’Ecologie…, 8 réunions publiques, une cellule digue à la CdC avec 5 personnes dédiées peu ou prou au dossier, trois cabinets d’avocats, le bureau d’études d’ingénierie Casagec et l’expert digues Van Der Meer, sans oublier une très forte médiatisation locale et nationale puisqu’il a « recensé » 180 articles sur ce sujet rétais depuis 2011 !
En termes d’actions menées rappelons – outre les rendez-vous avec les ministres Nathalie Kosciusko-Morizet, Delphine Batho, Philippe Martin – le lancement de la révision du PPRL en février 2012 par la Préfecture, la labellisation du PAPI de l’île de Ré pour 45 millions d’€ en juillet 2012 et la signature de la convention PAPI en novembre 2012, la Mission d’appui interministérielle « Pitié/Hélias » en avril 2013 (audit du territoire de l’île de Ré), le lancement par la CdC des travaux du Boutillon (10 millions d’€) en mai, la validation par le CG 17 du financement individualisé de 9 projets pour 35 millions d’€ en juin 2013, la présentation par la Préfète des cartes de niveaux d’eau N° 1 également en juin 2013 puis l’ensemble des feux et contrefeux allumés depuis juin : pétition, digue des Rétais, vote de la motion ANEL, rendez-vous au Ministère, en Préfecture de Région, sans oublier en novembre 2013 la mission d’audit de E. Ledenvic pour l’ensemble de la Charente-Maritime, avec une approche très constructive selon Lionel Quillet.
Les faits ont précédé de loin le droit
Très attendue, l’intervention de Maître Février – Avocat de droit public au Barreau de Paris, spécialiste en responsabilités administrative et pénale digues et PPRL – est allée crescendo, puisque partant de l’identification juridique de la digue, il a exploré les arcanes des politiques étatiques en passant par la responsabilité de la digue pour atterrir sur les problématiques d’urbanisation derrière les digues et du principe de mitigation qui fit fortement réagir les Rétais, pourtant déjà au parfum puisque realahune.fr et Ré à la Hune avaient dévoilé fin octobre les quelques mauvaises surprises à venir à ce sujet.
Comme souvent les faits ont précédé de très loin le droit : ainsi les digues existent elles depuis des siècles, à l’origine pour un usage essentiellement agricole avant que l’urbanisation ne se développe derrière les digues, et que les premières défaillances de celles-ci concernent les zones fluviales, puis les submersions marines.
Jusque-là le droit ne connaissait pas les digues : ce n’est que le 11 décembre 2007 qu’une vraie réglementation digues fait son apparition dans le code civil, du fait de leur intérêt en termes de sécurité civile. Pour le coup, on a confondu vitesse et précipitation, en réglant cet enjeu majeur par une réglementation. La définition de la digue s’est affinée progressivement et ce n’est que très récemment, par une jurisprudence rendue il y a un mois à Marseille, que la finalité des ouvrages a été intégrée dans la définition des digues.
Les digues relèvent du Code de l’Environnement
A partir du moment où la digue a une existence juridique, il y a obligation de l’identifier. Ainsi, avec le code de l’environnement, les digues sont-elles classées en classe D (+ 1 mètre de hauteur), C (protègent plus de 10 personnes), B (plus de 1000 personnes) ou A (+ 50000 personnes). S’il y a un tronc commun de réglementation, des spécificités existent pour chaque classe. Dans tous les cas le propriétaire ou l’exploitant doit surveiller et entretenir la digue, tenir à jour le dossier de l’ouvrage, assurer des visites techniques approfondies et adresser un rapport de surveillance au Préfet. Celui-ci doit identifier les ouvrages existants et demander que soient faites ces visites techniques.
En théorie, pour les digues de classe A, la date limite pour remettre les rapports était fixée au 31 décembre 2012, et pour celles de classe B et C au 31 décembre 2014. En pratique, il existe 9000 km de digues en France et très peu d’études de danger ont été faites.
L’enjeu sous-jacent est de taille puisqu’il s’agit – pour définir la responsabilité des digues – d’identifier les propriétaires de ces ouvrages. Or, selon le code de l’environnement, est responsable le propriétaire du sol sur lequel est implanté la digue ou son exploitant. Avec un problème inédit pour les ouvrages linéaires qui impactent plusieurs propriétés, sans compter les très nombreux cas en France où l’on ne sait pas qui est propriétaire. Ce sont ainsi plus de 3000 km de digues qui sont « orphelines », pour lesquelles tout le monde cherche à transmettre la responsabilité, avec des enjeux importants de sécurité publique et financiers…
Les collectivités territoriales se voient contraintes d’intervenir
L’Etat ne se préoccupe pas de ces digues orphelines, et compte tenu des enjeux de sécurité les élus territoriaux, en prise directe avec les attentes des populations, sont contraints de gérer ces ouvrages. Il existe toutefois une « boîte à outils en droit », des procédés qui permettent aux collectivités territoriales de négocier avec l’Etat et d’éviter de prendre « la patate chaude », autrement dit d’amener l’Etat à prendre ses responsabilités.
L’autre responsable potentiel est le gestionnaire, ie l’exploitant qui agit pour le compte du propriétaire dans le cadre d’un contrat. Or aujourd’hui ce sont les collectivités territoriales qui interviennent dans des cadres juridiques incertains. Et la procédure L 211-7, trop lourde pour elles, n’est pas toujours respectée. Il n’en reste pas moins que le gestionnaire devient intégralement responsable des travaux qu’il a réalisés et que les collectivités vont être garantes de la solidité des ouvrages et donc des obligations d’indemnisation en cas de défaillance d’ouvrages.
Depuis la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais et censée défendre les propriétés privées contre les inondations et bien qu’il n’existe aucune obligation pour les collectivités en matière de défense des côtes, l’Etat joue sans scrupules sur le volontarisme des élus locaux dans le contexte de déshérence généralisé des digues.
Les labellisations PAPI sont la parfaite illustration de cette « stratégie menée avec une constance remarquable partout en France par Etat », puisqu’elles consistent à dire « si vous voulez de l’argent, écrivez-nous que vous êtes gestionnaire de l’ouvrage » ! selon Jean-Marc Février.
Car les responsabilités sont lourdes, avec des régimes très favorables aux victimes, si bien qu’un certain nombre d’EPIC, syndicats mixtes ou de collectivités territoriales chargés de la gestion des digues se sont retrouvés dans des situations financières plus que critiques, à l’instar du CIMADREN (Syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du Delta du Rhône et de la Mer) en Camargue…avec des dizaines ou des centaines de millions d’€ de dommages de personnes et de biens.
La responsabilité pénale de l’élu allant jusqu’à l’homicide involontaire est également engagée, sans oublier celle de l’Etat qui autorise les digues, ce qui explique que partout en France l’Etat ne veut pas de nouvelles digues, ni de rehaussement des digues existantes, alors qu’il accepte les confortements de digues. Il s’agit d’un vrai enjeu, alors que rien juridiquement ne justifie cela. L’Etat a tellement peur d’être piégé en autorisant des ouvrages très importants alors qu’il serait incapable d’interdire l’urbanisation derrière ces ouvrages, qu’il freine les processus d’élaboration des digues…
Le PPRL, outil de gestion de l’urbanisation par l’Etat
Aussi, toujours selon Maître Février, il prend tous les prétextes possibles, et notamment la protection de l’environnement, pour ne pas accepter les rehaussements de digues : « la doctrine de l’Etat repose sur une volonté politique, qui peut être combattue par une volonté politique supérieure ». La gestion de l’urbanisation est assurée avec le PPRL, selon Maître Février, et à ce sujet l’on se rappelle une déclaration des Services de l’Etat qui avaient – lors d’une réunion aux Portes en Ré – affirmé qu’ils géreraient l’urbanisation et la fréquentation sur l’île de Ré en se servant du PPRL, ce qui avait beaucoup choqué le Maire Christian Bourgne, son adjointe Anne Deniel et le Président de la CdC Lionel Quillet qui n’ont eu des cesse depuis deux ans de dénoncer cette approche.
Pour Maître Février, après le PPRL de 2002, la nouvelle évaluation des niveaux d’eau qui a fait l’objet d’un porter à connaissance (PAC) auprès des élus rétais en juin 2013 illustre parfaitement le principe de parapluie de l’Etat qui, en faisant une analyse maximale du risque dans l’incertain et en l’absence d’études poussées, se protège. Car en attendant les études ultérieures, les documents locaux d’urbanisme doivent tenir compte du risque tel qu’évalué et communiqué dans le PAC. Si les élus ne le font pas, les PLU sont déférés par le Préfet auprès du tribunal administratif.
Les collectivités peuvent faire leurs propres évaluations du risque
Les collectivités locales ne seraient toutefois pas pieds et poings liés face à ces évaluations de l’Etat, les juges demandant que les évaluations soient faites sur la base des connaissances techniques et scientifiques les plus appropriées. Les collectivités territoriales peuvent s’appuyer sur leurs propres études et démontrer que leurs évaluations sont mieux faites, et ainsi réaliser leurs zonages d’urbanisme, à leurs risques et périls, ce qui suppose un volontarisme politique fort face aux contentieux.
C’est quelque part la démarche menée intuitivement par le Maire des Portes Christian Bourgne, qui malgré les avis négatifs de l’Etat continue de signer des permis dans les zones qu’il estime sans risque, comme par exemple en centre-bourg. C’est le seul Maire rétais pour le moment à prendre ainsi à bras le corps de telles responsabilités et il estime que ses collègues « devraient faire de même plutôt que d’inciter leurs administrés à retarder leurs dépôts de permis, car une fois les PPRL établis, les Maires n’auront plus cette marge de manœuvre ». Le Juge lui a déjà donné plusieurs fois raisons sur les permis ainsi signés malgré les avis négatifs des services d’instruction de l’Etat. C’est aussi évidemment le cheminement du Président de la CdC qui entend lui s’appuyer sur des analyses techniques poussées des ouvrages, et sur ses propres cartes d’aléas in fine.
Maître Février a poussé encore plus loin son raisonnement, en rappelant ce qu’est un PPRL : « ce mécanisme est né du constat que les élus locaux ne prennent pas toujours suffisamment en compte leurs risques. L’Etat impose ainsi sa vision, estimant qu’il est le plus à même de résister aux pressions locales.
Principe de précaution et mesures de « mitigation » à hauteur de 10 % de la valeur vénale des biens
Le premier problème est qu’il surévalue fortement le risque en prenant des marges très confortables par rapport aux aléas de référence et en anticipant le changement climatique. Le second problème est que si les digues relèvent pourtant de la sécurité publique et que la circulaire du 27 juillet 2011 prévoit leur prise en compte et leur intégrité, l’Etat estime qu’elles ne sont pas fiables et qu’elles ont toutes vocation à être ruinées ou bréchées, autrement dit elles deviennent « transparentes ». Alors que paradoxalement il tient compte de ces digues quand elles peuvent provoquer un « sur-aléa » avec un effet de déferlement !
Selon Maître Février, suivant un principe quasi-absolu, l’Etat peut pourtant prendre en compte certaines digues, celles qui résistent à l’aléa de référence, ceci en fonction de leur classement.
Et si les PPRL bouleversent le jeu politique local, la suite va certainement déstabiliser les propriétaires ou locataires. Car suivant l’article L 562-1 du Code de l’Environnement, dans les zones de digues et selon le principe de précaution l’Etat fixe des mesures à la charge des propriétaires de constructions existantes, dites « mesures de mitigation ». Elles existent depuis 20 ans mais n’ont pas encore été mises en œuvre. Toutefois elles risquent fort de l’être avec l’arrivée de la seconde génération des PPRL. Par ces mesures, l’Etat impose aux propriétaires et aux locataires l’obligation de dépenser 10 % de la valeur vénale de l’immeuble en mesures de prévention : création d’un niveau hors d’eau, mise en place de batardeaux, mise en sécurité du réseau électrique, matérialisation des piscines, ancrage des cuves de gaz… Propriétaires ou locataires – selon le côté où on se situe – ont tout intérêt à bien « verrouiller » leurs baux de location.
Ils doivent réaliser un audit/autodiagnostic puis ont l’obligation de mettre en place des mesures prévues dans le catalogue PPRL. Les services de l’Etat ne viendront pas forcément contrôler, il n’en reste pas moins que la non réalisation de ces travaux est un délit avec des conséquences potentielles importantes, a fortiori en cas de sinistre. Si les compagnies d’assurances ont l’obligation d’assurer les citoyens et de prendre en charge les sinistres au titre des catastrophes naturelles, elles n’y sont plus contraintes si les assurés ne sont pas en règle avec le PPRL, elles peuvent appliquer une tarification spéciale et attribuer des indemnités nettement moindres en cas de sinistres.
Au-delà des enjeux en termes de responsabilité en cas de problème et surtout de sécurité publique, le vrai enjeu consiste à parvenir à une analyse crédible du risque et à une discussion avec l’Etat qui ne s’établisse pas sur la base d’une doctrine dogmatique mais d’une adaptation empirique efficace en matière de gestion des risques.
Analyse, diagnostic et modélisation approfondis pour un PPRL au plus près des risques encourus
Didier Rihouey, Président de Casagec Ingénierie, a ensuite rappelé les objectifs du marché confié au groupement Casagec – Van der Meer – Adamas qui comporte quatre phases. La phase 1 concerne la modélisation selon les paramètres du projet de révision du PPRL de l’île de Ré présenté par l’Etat. La seconde est l’analyse de la circulaire et la mise en place d’une méthodologie au plus près des risques réels encourus, puis la modélisation selon celle-ci en phase 3. Conditionnelle, la phase 4 consiste en la redéfinition et la modélisation des paramètres du projet de révision du PPRL de l’île de Ré présenté par l’Etat.
En avance sur le planning initial, le groupement va réaliser pour la mi-janvier 2014 une 1ère carte d’aléa Xynthia + 20 cm, selon un scénario de défaillance des ouvrages identique à Xynthia, puis à la mi-mars 2014 une carte d’aléa Xynthia + 20 cm finalisée selon un scénario « Casagec / Van der Meer » de défaillance des ouvrages.
Rappelant la cadre méthodologique de la circulaire du 27 juillet 2011 (référence Xynthia, modélisation de la submersion en l’absence d’ouvrage à titre pédagogique annexé au PPRL, scénario de défaillance des ouvrages selon la méthode forfaitaire en l’absence d’étude de danger, modélisation de la submersion avec un scénario de défaillance du système de protection), le cabinet s’est attaché à démontrer les incohérences techniques de la modélisation de l’Etat qui intègre 59 ruines de digues (35463 m), 36 brèches (4050 m) et 70 ouvrages pérennes soient 39513 mètres de digues effacés de la modélisation PPRL, qui conduit à 4700 hectares impactés. Ceci, alors que Xynthia avait conduit à aucune ruine, à 5800 mètres de brèches et à 2400 hectares impactés. La carte de l’aléa naturel telle que présentée par l’Etat est équivalente à la projection de la zone inondée en cas d’absence d’ouvrage. Parmi les incohérences relevées par Didier Rihouey figure la ruine instantanée des digues une heure avant la pleine mer, phénomène physique impossible dans la réalité ou encore des brèches dans des digues neuves « PAPI ».
Un diagnostic complet du système de protection rétais est en cours pour définir les correctifs à apporter pour un PPRL au plus près du risque réel encouru. Levé topographique intégrant la typologie des tronçons, diagnostic visuel de l’état de l’ouvrage et de son niveau d’entretien, et un calcul des sollicitations hydrauliques dues à la surcote et à l’attaque des vagues, avec aussi calcul des surverses et franchissements sont en cours. Viendront ensuite les modélisations océanique (marées, tempêtes, houle, surcote…) et de submersion à terre (scénario de défaillance des ouvrages, test de sensibilité, cartographie des aléas).
S’appuyer sur un retour d’expérience dans le monde entier pour définir une vraie stratégie de défense de l’île de Ré
Expert international digues, Docteur en génie côtier et spécialiste impact des vagues sur les structures, JW Van der Meer a fait part de son retour d’expérience sur la submersion marine et son avis sur la stratégie de défense de l’île de Ré. Son pays d’origine, les Pays-Bas dont 70 % du territoire est sous le niveau de la surcote (50 % du territoire de l’île de Ré), soient 12 millions de personnes dans la zone de risque, constitue évidemment un terrain d’observation privilégié, mais aussi l’Angleterre, la Belgique, l’Allemagne ou encore l’Ouragan Katarina de 2005 dans le Golfe du Mexique.
Aux Pays-Bas, suite aux inondations de 1953 qui ont causé 1800 décès, a été engagée une véritable politique de protection des personnes et de leurs biens par la mise en place d’un programme de défense des côtes sur 30 ans (1953 à 1985), avec une meilleure protection (digues plus hautes et plus robustes pour protéger 70 % de la surface du pays), un financement pris en charge à 100 % par l’Etat hollandais et la création des « Water Boards », établissements publics indépendants financés par l’impôt en charge de la protection contre les attaques marines et la gestion des eaux pluviales et de la qualité des eaux.
En 2008, le gouvernement hollandais a adopté une politique de défense basée sur la nécessité d’études face à l’élévation du niveau de la mer avec adoption de solutions innovantes si besoin, sur l’’intégration de la sécurité dans le plan local d’urbanisme en cas d’inondation et sur la mise en œuvre d’un plan d’évacuation et d’information de la population.
Il s’est ensuite attaché à donner des exemples sur l’île de Ré de protections efficaces ou insuffisantes, en fonction de son premier diagnostic.
Car la stratégie de défense de l’île de Ré qu’il va préconiser reposera sur l’analyse des leçons du passé (hauteurs des vagues, vitesses du vent, etc…), l’évaluation de la résistance des digues et dans quelle situation elles peuvent faillir, à l’instar du travail réalisé aux Pays-Bas.
Un calendrier chargé pour 2014 et des demandes précises à l’Etat
Le Président Lionel Quillet a conclu avec un rappel du calendrier à venir : 1ère carte d’aléas réalisée par Casagec – Van der Meer – Adamas en janvier 2014, carte d’aléas finalisée en mars, instruction des permis de construire par la CdC à partir d’avril (transfert de compétence de l’Etat), construction des digues des Doreaux (St Clément), La Flotte et Loix 1 dans le cadre des procédures simplifiées digues en avril 2014.
2015 sera l’année de la construction des autres digues dans 9 communes (seul Le Bois-Plage n’est pas concerné) mais aussi de l’approbation du PPRL. Le PAPI 2 (50 millions d’€) concernera la période 2016 – 2020.
Rappelant que les élus rétais ont bloqué les périmètres de construction et demandent des digues non pas pour construire à l’extérieur de ces périmètres mais pour protéger l’existant, il a précisé qu’il a fait une demande à l’Etat d’avoir des PPRL spécifiques pour les îles qui ont des risques différents, Ré, Oléron, Noirmoutier ou Aix… ayant les mêmes problématiques. Il s’agit notamment de trouver une « porte de sortie » pour l’Etat et de ne pas forcément généraliser une « jurisprudence îlienne » à l’ensemble du territoire français.
A ce jour, dans le cadre du PAPI 2, l’Etat n’ayant pas donné son accord pour le rehaussement des digues, Lionel Quillet a fait trois demandes : un PPRL adapté et raisonnable, des digues qui correspondant aux risques et la prise en compte des dunes et des falaises dans la modélisation.
Pour le PPRL en cours de révision, tout se joue sur le 1er trimestre 2014, « ce qui n’est pas la meilleure période compte tenu des élections », et « l’Etat joue gros, car si nous avons raison, alors il devra faire évoluer sa doctrine. Cela lui coûterait 30 milliards d’€ pour refaire toutes les digues de France (la protection des Pays-Bas a coûté 1 milliard d’€) ». Il a aussi annoncé avoir contacté le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls, puisque le PPRL et les digues concernent la sécurité des personnes.
Des Rétais très concernés
Les questions du public furent l’occasion pour les intervenants d’enfoncer encore le clou. Le cloisonnement des PPRL (et de la gestion de l’urbanisation) d’un côté et de la gestion des digues de l’autre mais aussi l’approche fractionnée et non pas au travers d’un plan national de l’Etat qui l’obligerait à s’engager sont délibérés de sa part. Mais aussi, à partir de mi ou fin 2014 la CdC se retirera du jeu et les particuliers seront seuls face à la machine de l’Etat et à un PPRL technique et juridique. La nécessité d’avoir une approche globale de la sécurité des personnes en France a été soulignée, puisque ce sont 18 millions de personnes qui vivent en zones inondables… Contrairement à ce qui a été annoncé par les services de l’Etat, il est selon Maître Février impossible d’avoir une approche PPRL parcellaire, quant à la carte « pédagogique » elle sert de référence pour refuser 130 documents d’urbanisme alors qu’elle n’est pas fiable. La carte à la parcelle est selon lui une « approche parapluie » car évidemment le PPRL n’a pas à suivre les parcelles mais s’élabore en fonction du risque, qui peut ne pas être le même en différents points d’un même terrain. Pire une parcelle peut-être hors zone PPRL mais inconstructible si son accès est en « zone rouge ».
Très pédagogique et informative, cette réunion a manifestement répondu aux attentes des Rétais toujours dans l’expectative, avec des enjeux forts à la clé, et a eu le mérite de mettre en perspective de façon plus large un débat jusque-là très réta-rétais.
Voir la vidéo de la réunion publique consacrée aux digues
Voir notre article évoquant une possible sortie de crise début 2014 sur le dossier du PPRL rétais
Voir la position de la CdC de l’île de Ré qui va réaliser des cartes d’aléas
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