Les lignes semblent bouger selon les élus
Après notre rencontre avec le préfet, la réunion publique du Bois-plage, la diffusion de l’avis des commissaires enquêteurs et le courrier adressé par le préfet à Patrick Rayton, mais aussi le courrier signé par 9 Maires et envoyé au président de la république, nous avons interrogé différents élus.
Tous estiment que si le ton est monté haut, et si les messages ont été très alarmistes, c’était sans doute nécessaire pour être entendus, informer la population en amont, et faire évoluer les choses. Ils prônent l’apaisement et un travail en commun avec les services de l’État, mais restent choqués qu’ « on » les ait traités de menteurs…
Jean-Pierre Gaillard, Maire du Bois-Plage
« Nous avons mené ces actions d’information et de sensibilisation pour :
– y voir plus clair au regard des enjeux énormes,
– alerter la population avant qu’il ne soit trop tard, il n’y a rien de pire que l’inconnu.
Mais nous sommes bien sûr prêts à nous asseoir autour d’une table, pour qu’un dialogue s’instaure entre élus du territoire et services de l’État, nous sommes complémentaires.
Et il nous faudra ensuite expliquer aux administrés quelles sont les zones à risque, définies en commun entre élus et services de l’État, au cas par cas, et que sans doute au final l’inconstructibilité totale ne pourrait concerner que 5 % des terrains urbanisés ou urbanisables… Mais c’était nécessaire, pour se faire entendre, de frapper fort ».
Léon Gendre, Maire de La Flotte
Alors que les 9 autres Maires de l’île de Ré ont participé aux deux réunions publiques d’Ars et du Bois-Plage, il est le seul Maire à s’être « désolidarisé » après avoir pourtant annoncé qu’il ralliait l’ « union sacrée » décrétée entre les Maires lors du Conseil Communautaire du 14 juin dernier.
« Je n’aime pas ces réunions poujadistes ! L’État défend les biens et les personnes, il est partie prenante dans la défense des côtes, et il faudra examiner au cas par cas les nouvelles cotes Xynthia + 20 cm et + 60 cm. Le PPRL de Vendée a été signé hier (NDLR : le 2 août), moi je souhaite travailler aux côtés de l’État et de ses services, je soutiens les ministres concernées par le dossier, pour atteindre un objectif commun : défendre et protéger l’île de Ré dans le cadre du SCOT et du PPRN, comme je l’ai toujours fait depuis 1977 (NDLR : date du 1er mandat de Léon Gendre) et dans la ligne de mon opus “La Mort d’une île”. »
Patrick Rayton, Maire de La couarde
Il est le 1er élu de l’île de Ré à être monté au créneau, en écrivant au Préfet, au Député, au 1er Ministre et en organisant une réunion publique puis une pétition. C’est aussi lui qui est à l’origine de la transformation dans le projet du SCOT de la fameuse prescription concernant le résiduel constructible en simple préconisation, car il a posé le sujet en termes juridiques pour constater – et à cet égard l’État ne lui a pas apporté d’éléments de preuve contraires – qu’il n’est légalement pas possible pour un Maire de refuser sur la base d’une prescription du SCOT un nouveau permis de construire, alors qu’il pense plus gérable de maîtriser la densification et la division parcellaire.
Il a reçu le 31 juillet dernier, soit deux mois après avoir écrit à la Préfète lui demandant sur quelle base juridique il devait argumenter les refus de délivrance de permis de construire « proposés » par les Services de l’État, un courrier dans lequel elle énonce clairement que certains cas ayant fait l’objet d’un refus sont en train d’être réexaminés notamment en prenant en compte des actes d’urbanisme (Certificats d’urbanisme positifs par exemple) qui ont semble-t-il été occultés dans l’instruction par les services de l’État comme le concède à demi-mots Serge Alioua, le Directeur des Services instructeurs (DDTM).
Même s’il entrevoit une lueur d’espoir, Patrick Rayton regrette sur le fond de ne pas avoir reçu de réponse pendant deux mois, devant piloter à vue, alors que l’ « on défend la même chose évidemment, la sécurité des gens, mais notre chemin n’est pas le même et ne nous semble pas négociable. Sur les zones qui posent problème, il faut une analyse au cas par cas. Ce dialogue n’a pas eu lieu ces derniers mois, engendrant des situations humainement et financièrement très difficiles. Je ne suis pas certain que le Préfet ait bien mesuré ce que les gens vivent sur le terrain et mon incapacité pendant deux mois à leur apporter une lueur d’espoir. Il y a des solutions techniques à élaborer, dont la compatibilité architecturale sera à vérifier, pourquoi pas par exemple des dalles un peu plus hautes dans les zones submersibles et aussi bien sûr des zones à l’étage pour la nuit, servant de refuges en cas de submersion ».
Il semble que pour la Préfète certaines surélévations soient possibles en centre urbain, mais en aucun cas pour la création de nouveaux logements, ce qui laisse supposer au Maire que la construction d’étages serait possible, dans les habitations existantes.
Dans son courrier elle précise que la défense des côtes sera prise en compte pour la définition des aléas, mais en parlant des « ouvrages existants » et les incertitudes sur ce qu’il est possible de faire en matière de réhabilitation ou restauration restent entières aux yeux de Patrick Rayton, qui estime que dans bien des cas de maisons très anciennes les propriétaires doivent raser totalement leur habitation pour en construire une nouvelle, quid de ces nombreux cas ?
Enfin, il semble qu’entre les relevés topographiques réalisés par les experts-géomètres sur le terrain et ceux sur lesquels se basent les services de l’État (relevés satellitaires), il y ait de sérieuses différences, pouvant à tort « condamner » certains sites et que l’État doive à cet égard intégrer les relevés de terrain. Il souhaite donc que le nouveau PPRL soit pragmatique, sachant que l’objectif de sécurité est commun à tous avec :
– une définition claire de la notion de risque,
– comment on fait pour se protéger de ce risque, quelles solutions techniques sont adoptées,
– au final s’il y a constat de carence et que sur certains sites on ne peut se prémunir contre le risque, alors on prend la décision qui s’impose, en commun.
Il attend donc des services de l’État le même travail qui a été fait entre 1999 et 2002, visant à l’élaboration du PPRN de 2002, travail commun aux services de l’État, à la CAUE et à l’Architecte des bâtiments de France et à la Commune. Olivier Falorni, Député Il a rencontré le Préfet puis les 10 Maires rétais, afin d’écouter les positions des uns et des autres. Il entend rester dans son « rôle politique de médiateur et le cas échéant législatif si une proposition de loi ou d’amendement » était nécessaire. Cette réserve ne l’empêche toutefois pas aussi de faire passer un certain nombre de messages via son réseau relationnel, puisqu’il connaît bien plusieurs Ministres en place. Devant « un antagonisme et une crispation très forts, ma fonction est de créer des passerelles, tout en restant au carrefour des courants ».
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Réunion d’information des amis de l’île de Ré
Le mercredi 18 juillet, après une introduction du Maire Léon Gendre, revenant sur la nécessité d’une union totale avec l’État quant aux actions touchant à l’avenir de l’Île de Ré, et déplorant les propos désobligeants tenus envers diverses instances, eut lieu à La Flotte la réunion d’information des Amis de l’Île de Ré. Pierre Bot, président de l’association, après une brève entrée en matière autour du SCoT, approuve volontiers plusieurs des initiatives de la Communauté de Communes. Le CREZH, le CREZB, le PAPI, le 80/20 de la loi de Pareto, le projet de logements sociaux, le label Pays d’Art et d’Histoire, le renforcement des moyens de transport en commun, ainsi que la rénovation après Xynthia des pistes cyclables, sont autant de projets applaudis par l’A.I.R., et qui ne prêtent pas à discussion selon eux.
Toutefois, d’autres posent problème. Un des principaux points d’accroche de l’association avec Lionel Quillet, président de la CdC, concerne le 80/20. Bien que la loi statistique bénéficie d’un consensus, la discussion porte sur l’utilisation de ces 20% urbanisables. En effet, M. Bot reproche à Lionel Quillet d’avoir changé en préconisation, suite éventuellement à des pressions émanant d’autres élus, la prescription inscrite au mois d’octobre dans le D.O.O., touchant à la surface du résiduel constructible. L’A.I.R. s’attache à ce que ce dernier soit maintenu à 53 ha, soit 1000 constructions en raison de la loi littoral, et qu’il soit réparti par communes, s’inscrivant ainsi dans le sillage du courrier de la préfecture du 12 mars 2012.
Pierre Bot en appelle aux experts internationaux et met l’accent sur la nécessité de « faire une étude sérieuse » concernant la fréquence de répétition du phénomène Xynthia, et une analyse sur le long terme par les marégraphes concernant l’évolution du zéro topographique de l’I.G.N. (Institut Géographique National). Il conclura la réunion en espérant que le dialogue reprenne car avant qu’il ne se rompe « il était très bon ».
L’Assemblée Générale de l’A.I.R. s’est tenue le 7 août 2012, après notre bouclage.
LP
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Un avis favorable des commissaires-enquêteurs
La Commission d’Enquête sur le projet de SCoT de l’île de Ré a émis en date du 30 juillet 2012 un avis favorable à l’unanimité de ses trois membres. Relevant le « réel souci de transparence du Maître d’Ouvrage (NDLR : la CdC), sans jamais réfuter les limites du projet » et notant « sa volonté de compléter la liste des outils de prescription en matière d’urbanisme (minima parcellaire, espaces boisés classés, aires de mises en valeur de l’architecture et du patrimoine) ».
Ceci « sous réserve qu’un accord soit trouvé avec les professionnels du tourisme, en particulier les exploitants de terrains de campings, du fait de dispositions réglementaires actuelles qui ne correspondant plus aux réalités du terrain et que les secteurs repérés dans le DOO pour l’implantation de bâtiments agricoles mutualisés soit revus ».
La Commission va même au-delà des positions du SCoT puisque « si elle se félicite de la décision prise par la CdC de la mise en place d’une nomenclature commune des PLU, elle demande également :
– Qu’une réflexion soit conduite à l’échelle du territoire par l’ensemble des élus sur les zones naturelles enclavées au sein des zones construites,
– Qu’un inventaire précis des offres foncières soit établi.
Ces réflexions pouvant atténuer les conséquences attendues de l’application du PPRN ».
Une pierre donc dans le jardin des opposants au SCOT. Pourtant les réactions récentes de l’ASSIP (lettre du 1er août) : « sur la question précise du résiduel constructible, notre position, partagée par les autres associations de l’Île n’a pas varié » ou de Patrick Salez à la réunion publique du Bois-Plage montrent que certains « environnementalistes » n’entendent pas se ranger à l’avis de la Commission d’Enquête…
Il est d’ailleurs intéressant de noter que parmi les très nombreuses observations, seulement 5,7 % émanent des défenseurs d’une prescription pour le résiduel constructible.
Lionel Quillet a d’ores et déjà annoncé qu’il entend aussi apporter des améliorations au SCOT en prenant en compte certaines observations recueillies par les enquêteurs, comme par exemple celles concernant le le secteur ostréicole ou le secteur de l’hôtellerie de plein air.
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