Les gardes champêtres au coeur des espaces naturels
Kévin Mouëllic et Frédéric Guyonvarch ont rejoint il y a près d’un an le poste de police municipal de La Flotte. Ils évoquent pour nous les enjeux de leur mission de garde champêtre, notamment son volet environnemental.
Nombreux sont ceux qui l’ignorent, mais les prérogatives d’un garde-champêtre sont très larges et plus étendues que celles d’un policier municipal, puisque, au terme de l’article 24 du Code de procédure pénale, il a notamment le pouvoir d’enquêter, en lien direct avec le procureur de la République, de convoquer et d’auditionner, de perquisitionner et il bénéficie du droit de suite, autrement dit il peut quitter sa commune pour poursuivre les délinquants et perquisitionner sur d’autres communes.
Le garde champêtre a un large pouvoir
Nommé par le maire, agréé par le procureur de la République et assermenté, le garde-champêtre a cent cinquante domaines de compétences qui vont de la police des campagnes, de la forêt, de l’environnement et des ressources naturelles à celle des baignades et des eaux territoriales, en passant par la police de la route, de la circulation – y compris celle des véhicules à moteur dans les espaces naturels – des déchets, de l’urbanisme, sans oublier la pêche et la chasse…
Évidemment, le volet environnemental de sa fonction est essentiel et l’objectif du maire de La Flotte en recrutant deux gardes champêtres est de porter une attention accrue à l’ensemble de ses espaces naturels sensibles, auxquels il attache une importance égale à sa partie urbaine. Ils représentent d’ailleurs 37 % de la surface de la commune.
Depuis leur arrivée à La Flotte en septembre 2023, Kévin Mouëllic et Frédéric Guyonvarch ont eu le temps de bien appréhender leur terrain d’intervention.
Un métier de terrain, proche de la Nature
Âgé de 42 ans, ayant officié vingt ans à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris et à la sécurité civile, dont trois ans au centre spatial en Guyane, Kévin Mouëllic souhaitait rejoindre sa Charente-Maritime – il a grandi à La Ronde et passé ses vacances à l’île de Ré. Avant qu’il ne rejoigne La Flotte, la mairie du Bois-Plage lui a permis d’assouvir ce souhait géographique ainsi que celui de reconversion. Après une formation de trois mois à la fonction, il est en effet devenu le premier gardechampêtre – des temps actuels – de l’île de Ré, oeuvrant durant deux ans et demi en police rurale, en complémentarité de la police municipale. Ses missions y étaient déjà très centrées sur les espaces naturels, les zones boisées, le littoral, avec pour objectif de renforcer la sécurité, de limiter les dépôts sauvages ou encore la circulation d’engins motorisés. Il a ainsi pu installer des pièges photographiques permettant d’identifier les contrevenants, faire de la pédagogie auprès des campeurs sur parcelle privée ou encore remettre aux normes les chenaux traversiers.
A La Flotte, il remplit depuis début septembre 2023 la fonction de chef de poste, supervisant l’ensemble de la police municipale et rurale et organisant le temps de travail de l’équipe. Il a été rejoint courant septembre 2023 par Frédéric Guyonvarch, dont il connaissait « le professionnalisme, la rigueur et l’investissement », puisqu’ils avaient déjà travaillé plusieurs années ensemble. Souhaitant lui aussi rejoindre la police rurale et ainsi contribuer à la prévention environnementale de La Flotte, âgé de 41 ans et originaire de Franche-Comté, Frédéric Guyonvarch a également été durant vingt ans sapeurpompier de Paris et détaché pendant trois ans à Kourou en Guyane, avant d’exercer en tant que responsable d’un organisme de formation. Aspirant à renouer avec un métier de terrain, en contact avec la population, et à forte dimension environnementale, cette fonction de garde-champêtre était toute trouvée. Il vient de terminer sa formation de garde champêtre, suivie depuis son arrivée.
Le recrutement d’un troisième garde champêtre est en cours, qui viendra renforcer la brigade équestre, aussi des candidats maîtrisant déjà bien l’équitation seront privilégiés.
Entre dépôts sauvages, risques de feu et contrôle des cyclistes
Dans leur feuille de route, figurent la lutte contre l’usage du feu, contre les dépôts sauvages et contre la prolifération des espèces exotiques envahissantes (en collaboration avec les écogardes de la CdC), le contrôle des pratiques de camping sur parcelles privées, sans oublier les gros dossiers de la remise en état de l’ancienne déposante Chevalier et de la réutilisation des eaux traitées. Ils doivent patrouiller régulièrement sur les sentiers littoraux, pour y faire respecter les arrêtés municipaux et contribuer à une cohabitation apaisée des usagers.
« Il y a 130 km de pistes cyclables sur l’île de Ré, la moindre des choses est que les cyclistes respectent le caractère piétonnier du sentier littoral. Nous sommes avant tout dans la sensibilisation mais certains nous prennent de haut, dans ces cas-là nous verbalisons (135 € d’amende). Pour ce qui concerne les dépôts sauvages, de mauvaises habitudes ont été prises par certains. La Loi s’applique aussi sur l’île de Ré. Les dépôts sauvages de végétaux – heureusement ici les dépôts de gravats et produits électroménagers sont marginaux contrairement au sud-est de la France – constituent une catastrophe pour l’écosystème endogène, avec des espèces envahissantes qui prolifèrent à partir de ceux-ci, comme l’ailante globuleux ou le yucca. Cela accentue aussi le risque feu de forêt. Nous sommes en zone à risque au niveau du PPRN*. Aussi nous avons l’autorisation du procureur d’utiliser des pièges photographiques mobiles, connectés, que nous positionnons sur des sites de dépôts sauvages ou encore de rassemblement de fêtards l’été, qui font des feux de camp. Nous pouvons ainsi intervenir très rapidement, de jour comme de nuit. »
Camping sur parcelle privée et camping-cars
Concernant le camping sur parcelle privée, les gardes champêtres peuvent intervenir par voie judiciaire – PV transmis au procureur de la République qui décide ou non d’une sanction pénale -, ou par voie administrative, avec des astreintes journalières prévues dans le code de l’urbanisme se montant à 500 € par jour, avec un plafond de 25 000 € par an. « Nous avons pris contact avec les campeurs sur parcelles privées l’an passé pour les informer sur la réglementation en vigueur et sur notre pouvoir de verbalisation étendu, nous avons envoyé une quarantaine de courriers. Force est de constater que la pratique diminue, les parcelles sont de moins en moins entretenues et les nouvelles générations recherchent plus de confort, mais on a constaté cette année – la saison n’est pas terminée – une vingtaine de parcelles campées. Les propriétaires peuvent jouir de leur terrain la journée, mais il est interdit d’y camper. »
Qu’en est-il du stationnement des campings cars en bord de mer et sur des sites naturels ? « Le sujet est sensible. Nous sommes en train d’étudier comment les restreindre lors de la saison prochaine, nous souhaitons faire cela correctement, sur la base d’un travail de fond. Un camping-car est légalement considéré comme un véhicule, tant qu’il ne sort pas de table ou autre installation… »
Concernant la circulation des vélos sur le sentier piétonnier sur toute la façade maritime de La Flotte : « Le sentier littoral est exclusivement réservé aux piétons. La prévention ne porte plus ses fruits, nous appliquons désormais la tolérance zéro et sommes dans la répression vis-à-vis des cyclistes et des engins électriques. Que ce soient les touristes ou les locaux, ils sont interloqués de cette verbalisation, sur la base du code de la route, soit 135 € d’amende. Il s’agit pourtant de la sécurité des piétons. » Et aussi des vélos eux-mêmes, qu’on voit trop souvent pédaler en bord de falaise et qu’un simple écart de chien pourrait précipiter dans le vide…
Au sujet du point sensible de la piste cyclable, à hauteur de la rue de la Maladrerie, où de plus en plus de vélos circulent sur la RD et à contresens pour éviter la chicane installée en 2023 : « Nous devons faire évoluer ce site, nous réfléchissons à des solutions à mettre en place. »
Un contrôle actif des pratiques de chasse
Sujet bientôt d’actualité, le respect de la réglementation sur la chasse fera l’objet de toute leur vigilance. « Il existe deux réglementations : celle de niveau national qui se décline sous forme d’arrêté préfectoral départemental, sur laquelle nous sommes compétents. Protection de la faune et sécurité seront les deux axes essentiels de notre surveillance, l’île de Ré n’est pas – a priori – concernée par le braconnage. Les chasseurs nous verront très régulièrement en 2024/2025, y compris et notamment le dimanche. Concernant le second niveau, le règlement intérieur de l’ACCA*, sur lequel nous ne sommes pas compétents, nous n’hésiterons pas à signaler au président de celle-ci toutes les infractions que nous constaterons, à charge pour lui de sanctionner les contrevenants. »
Kévin Mouëllic et Frédéric Guyonvarch souhaitent avant tout sensibiliser au respect de la Nature et dispenser des messages pédagogiques auprès de la population, tout en faisant respecter la loi par tout le monde, dans un souci d’équité.
Une brigade équestre dans les espaces naturels sensibles
Les deux gardes-champêtres constitueront très prochainement une brigade équestre, celle-ci étant en forte cohérence avec la volonté de La Flotte de favoriser la proximité, de « tirer l’environnement vers le haut » et de privilégier les mobilités douces. Un challenge motivant, puisqu’ils ont dû se former à la pratique équestre depuis dix mois, et ont récemment passé leur Galop 5. Ils disposent déjà d’un cheval, acquis par la commune et un second équidé devrait bientôt arriver.
« Cette brigade équestre arpentera uniquement les espaces naturels sensibles, nous n’irons pas en milieu urbain. Les chevaux nous permettront de rentrer au coeur des espaces et de les pénétrer bien plus profondément, sans nous cantonner comme jusqu’ici au bord des chemins. La fonction de médiation du cheval, qui permet aussi de voir les choses de plus haut et donc avec une meilleure perspective et en impose, est essentielle. Les gens sont beaucoup plus à l’écoute en présence d’un cheval. La brigade équestre patrouillera toute l’année, son action va se construire avec le temps. »
Une convention de mutualisation partielle est en cours d’élaboration avec la commune de Rivedoux, sur laquelle la brigade équestre de La Flotte interviendra, le temps ainsi passé étant facturé à la commune voisine.
Oscillant entre sensibilisation et répression, les gardes champêtres doivent trouver la juste mesure. Ils sont trop souvent confrontés à certains Rétais qui ont un sentiment d’impunité au nom des sempiternels « Cela fait 50 ans que l’on fait cela… On est ici sur l’île de Ré », et à certains touristes se croyant au-dessus de tout, d’autant plus qu’ils sont en vacances, et les prennent de haut, méconnaissant le rôle et le pouvoir des gardes champêtres.
*PPRN : Plan de prévention des risques naturels / ACCA : Association communale de chasse agréée.
La Police municipale à La Flotte
Hors saison elle est composée deux gardes champêtres, de deux policiers municipaux, d’un ASVP titulaire en cours de concours de PM et d’une agente administrative. En haute saison, l’équipe est renforcée par quatre saisonniers, deux sur six mois et deux sur deux mois.
Un nouveau garde champêtre est en cours de recrutement, qui viendra étoffer la brigade équestre.
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