- Patrimoine
- Conférence - Musée Ernest Cognacq
Les épidémies dans l’île du Moyen-Age au XIXe siècle
Lors de cette première conférence de l’année au musée Ernest Cognacq, l’historien Jacques Boucard a abordé les épidémies dans l’île de Ré du Moyen Age au XIXe siècle et leur recul dû à la vaccination et une amélioration de l’état sanitaire du territoire.
Avant le Moyen-Age, les écrits concernant les épidémies sont rares. Quant aux archives de l’état-civil, elles ne renseignent qu’à partir de la fin du XVIe siècle. Précédemment ce sont les registres des paroisses qui fournissaient des indications. C’est ainsi que certaines grandes épidémies du Moyen-Age et de la Renaissance ne laissèrent pas de trace dans l’île alors qu’elles y sévirent très probablement. Les premiers éléments d’informations fiables concernent les épidémies liées aux déplacements et aux séjours des militaires, ce fut notamment le cas lors de la guerre de Cent ans (1337-1453). Or, la situation géographique de l’île, ouverte sur le large, facilitait les agressions extérieures engendrant la venue de défenseurs !
A chaque événement impliquant la présence de troupes françaises ou étrangères, avec souvent logement chez l’habitant, on constate le développement d’épidémies. Il en va de même avec la propagation de la peste et du choléra due aux allées et venues des marins basés dans le port de Saint-Martin et voyageant à l’international. La peste fera rage durant tout le Moyen-Age, mais aucune de ses manifestations n’atteindra l’ampleur de la « peste noire » ou « grande peste » qui sévit dans notre région de 1347 à 1350.
Ce n’est qu’à la fin du XVIe qu’apparaissent des descriptions précises de ces pandémies, le pouvoir royal s’intéressant à ces crises qui, en décimant la population, perturbaient énormément l’économie locale. Le journal du notaire Nicolas Herpin installé à Saint-Martin (1581-1604), fait référence aux périodes durant lesquelles la peste s’est répandue dans l’île et cite entre autres 1583- 1584, année terrible où 4 000 Rétais périrent, soit entre un tiers et la moitié des habitants. A partir du XVIIe la documentation dont nous disposons nous informe des grandes épidémies qui s’épanouissent d’autant plus facilement que les conditions sanitaires et l’hygiène sont absolument déplorables dans l’île.
Au XIXe siècle, une nouveauté salvatrice : le vaccin
Le XIXe expérimente la vaccination contre la variole, qui est pra-tiquée dès 1811 dans l’île de Ré. C’est aussi le siècle où Robert Koch, médecin allemand isole la bactérie Vibrio Cholerae (1883) et, à partir de cette découverte, mettra au point des sérums et des vaccins. Mais la notion de vaccin, (deux siècles avant les réactions au vaccin contre la Covid !), n’est pas facilement acceptée par la population et mettra cinquante ans avant d’être adoptée. Si bien que les maladies persistent et continuent à tuer en particulier les jeunes. En 1810, face à une épidémie de variole touchant les enfants, le maire d’Ars avait organisé une campagne de vaccination, mais les parents refusèrent de présenter leurs enfants. De même, en 1821, un médecin fut chargé de vacciner les enfants de la commune d’Ars, mais l’injonction du maire « tout enfant qui n’aura pas été vacciné ne peut être admis à aucune école » resta lettre morte. Une nouvelle épidémie de variole fera à Ars 116 décès en 1828 et 112 en 1829. Le maire et le curé s’épaulèrent pour convaincre les parents de la nécessité de vacciner leurs enfants, mais sans succès. Il faudra attendre 1830 pour que les mentalités changent et que la mortalité infantile commence à baisser et soit divisée par deux au début du XXe siècle.
Bien que l’on commence à être mieux armé contre la maladie, c’est au XIXe qu’auront lieu « les grands pics de mortalité ». En 1809, un débarquement de troupes portugaises dans la conche des Baleines est la cause de la mort du tiers de la population du Gillieux. Heureusement, l’épidémie ne s’étendra pas au reste de l’île. L’autorité militaire avait l’habitude d’envoyer à Saint-Martin des conscrits réfractaires. En 1810, ils seront jusqu’à 12 000 entassés dans la commune. Le Dr Kemmerer écrira « la mortalité fut épouvantable en 1812. » De grandes fosses avaient été creusées au pied du mur du cimetière de Saint-Martin qui accueillirent chacune 1 200 et 1 800 cadavres qui furent recouverts de chaux vive.
Cependant ce sont les épidémies de choléra qui marquèrent le plus les esprits. Le 8 juillet 1832, un navire, le Castor, débarque à Saint-Martin deux malades du choléra. L’épidémie se répand rapidement et fait 120 morts. « Le grand choléra », ainsi nommé par les Rétais éclate en 1834, s’étend à toute l’île et tue 974 personnes. Enfin, en 1854, une nouvelle épidémie touche l’île qui se révèle moins dévastatrice que celle de 1834.
Le siècle se terminera avec la suette militaire (fin 1854-1855), une mystérieuse maladie disparue aujourd’hui qui se concentrera sur Loix et le Bois-Plage et provoquera 66 décès.
L’administration indiquera que c’est l’île de Ré qui proportionnellement a payé le plus lourd tribut aux épidémies à l’échelle du Département. Ce n’est qu’au XXe siècle que l’espérance de vie moyenne fera une progression spectaculaire, passant de 48 ans en 1900 à 79 ans en 2000, femmes et hommes inclus. Ce bond résulte essentiellement des progrès de la médecine et de l’amélioration des conditions sanitaires
Le lecteur pourra se reporter à :
1 – Communication de Jacques Bucard « La
vie quotidienne sur Ré à la fin du XVIe siècle
au travers du journal de Nicolas Herpin » –
Archives historiques de la Saintonge et de
l’Aunis – 2017.
2 – « Les épidémies du Ré du Moyen-Age au
XIXe siècle » dans La Santé du premier cri au
dernier souffle – Histoire de, Saint-Martin de
Ré, Communauté de communes –Juin 2022.
3 – « L’état sanitaire dans l’île de Ré de la fin
du XVIe siècle à la fin du XIXe siècle » – Cahiers
de la Mémoire N°46 – Groupement d’Etudes
Rétaises.
4 – « Vingt siècles d’épidémies », article
publié le 25 juin 2020 dans Ré à la Hune.
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