- Politique
- Territoire Île de Ré
- Littoral Atlantique
Les enjeux fonciers au coeur des stratégies intercommunales de long terme
Lors des Journées nationales d’études de l’ANEL (1) le 17 octobre à Anglet, et du Forum organisé par l’Association « Les CESER de l’Atlantique (2) » aux Sables d’Olonne le 28 octobre, le Rétais Dominique Chevillon, Membre du CESER Poitou-Charentes (3) et Président du Comité de travail « Populations et activités sur le littoral atlantique : Enjeux fonciers – Quelle gouvernance avec quels outils » a présenté les constats et recommandations contenus dans un rapport fort intéressant de près de 180 pages, daté de mai 2013, résultat de 18 mois de travail.
En effet, sur des sujets communs, les quatre CESER des Régions Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine travaillent ensemble : après des études sur le nautisme et en 2012 sur l’avenir de l’ostréiculture, c’est donc sur le foncier qu’ils se sont auto-saisis.
Des pressions démographiques fortes
Ces régions, bordées par la même façade maritime, sont caractérisées depuis les années 1980 par un « tropisme atlantique » : littoral, qualité de vie et dynamique de ses villes font qu’elles bénéficient d’une forte attractivité démographique. La forte concentration des populations et des activités y est source de nombreux enjeux d’aménagement des territoires. Ainsi entre 1999 et 2006, la population des communes littorales de la façade atlantique a augmenté de + 5,7 %, et la densité de population a elle augmenté de + 10,5 %. Ce sont 290 000 habitants de plus, qui s’expliquent pour 80 % par les flux migratoires. Mais les migrations qui caractérisent ces territoires littoraux sont aussi saisonnières, liées au tourisme : ainsi, en 2004, le rapport entre la population minimale et maximale présente dans les départements littoraux de la façade atlantique était de 29,5 %, contre 16,6 % pour l’ensemble du littoral métropolitain. Cette amplitude est la plus importante en France.
Les CESER présentent les enjeux propres à chaque usage et fonction du foncier sur le littoral atlantique. Ainsi, activités primaires incontournables, la conchyliculture et l’agriculture littorale sont-elles menacées par la pression de l’urbanisation, et l’accès à l’espace est un enjeu majeur pour les professionnels. La pression du foncier est même identifiée comme la contrainte majeure pour l’agriculture, avec une surface agricole utilisée qui n’a cessé de régresser (- 31 % de 1970 à 2010 en Charente-Maritime), tandis que le prix des terres n’a cessé de progresser. Ce coût du foncier littoral est un frein au développement, à la transmission et à la reprise des installations.
Mais certains segments du tourisme, tels les centres d’hébergement à vocation de tourisme social (par exemple 30 à 40 % des colonies de vacances ont fermé) et l’hôtellerie de plein air pâtissent aussi de la pression foncière, mettant à mal une certaine mixité sociale et générationnelle du tourisme balnéaire atlantique.
Logement et développement économique au coeur de la pression foncière
Il s’agissait bien pour le CESER d’aller au-delà de la simple logique de foncier lié au logement, puisque l’ensemble des activités économiques sont non seulement consommatrices de foncier mais aussi parties prenantes dans les dynamiques d’urbanisation. Les enjeux des marges de manoeuvre foncière tant sur les ports de commerce que sur les ports de plaisance sont aussi évoqués.
L’enjeu est bien de concilier développement économique et gestion économe de l’espace, mais aussi de permettre à toutes les catégories de populations littorales, permanentes et saisonnières, de se loger à un coût abordable tout en maîtrisant la consommation d’espace liée à l’habitat. Les tensions liées aux logements sont dues notamment à la forte proportion de maisons individuelles (69 % sur le littoral atlantique contre 62 % en France hors l’Ile de France), à la propriété très développée (69 % des logements sur le littoral, 62 % en France) et le « desserrement des ménages » c’est à dire la réduction du nombre de personnes par ménage. Sans oublier la proportion importante de résidences secondaires, dont 3 millions de Français jouissent, soit douze fois plus que les Allemands par exemple… et qui crée une vraie compétition entre le marché des résidences principales et celui des secondaires.
Rétablir une certaine mixité sociale par le logement est donc un enjeu majeur et pour ce faire le levier foncier est incontournable et un réel engagement politique des élus indispensable, tout comme travailler à l’acceptabilité sociale de ces logements auprès des citoyens.
L’étude rappelle aussi que – en lien avec le logement – les infrastructures de transports et les équipements collectifs sont également consommateurs de foncier. Et que les projections démographiques – par exemple + 42 % pour la zone d’emploi de La Rochelle soit + 57 000 habitants entre 2009 et 2042 – auront de fortes conséquences sur la typologie des logements et sur les services nécessaires liés au vieillissement des populations littorales.
Faisant écho à l’actualité, les CESER précisent que prévention des risques naturels et adaptation au changement climatique interagissent fortement avec les enjeux fonciers, avec plusieurs stratégies possibles de gestion des risques.
Recensant l’ensemble des outils et acteurs contribuant à la maîtrise des pressions qui s’exercent sur le foncier sur le littoral atlantique – depuis les EPF en passant par les SCOT sans oublier le Conservatoire du Littoral et pléthore d’autres outils –, le rapport souligne leur manque de convergence et de cohérence et insiste très fortement sur l’utilité de l’évaluation de la capacité d’accueil – soit le niveau maximum des pressions exercées par les populations et les activités que peut supporter le capital de ressources d’un territoire sans remettre en cause ses spécificités –, outil essentiel d’aide à la décision vis à vis de l’attractivité d’un territoire et de ses conséquences.
Développer des stratégies foncières de long terme
Mais le plus intéressant réside dans les préconisations des CESER de l’Atlantique. Développer des stratégies foncières de long terme défendues par un portage politique fort, au service des projets de territoire en est la pierre angulaire. Placer la notion de capacité d’accueil au coeur des stratégies foncières, anticiper le vieillissement de la population et adapter la typologie des logements, mieux prendre en compte les risques littoraux font partie des autres recommandations.
Les CESER préconisent que l’intercommunalité joue un rôle clé, appelant de ses voeux des PPRL à l’échelle intercommunale et non plus communale et plus encore que les politiques foncières soient de niveau intercommunal et non pas communal, du fait non seulement des pressions exercées par les administrés sur les élus communaux, mais aussi que les communes ne disposent pas toujours de l’ingénierie nécessaire à l’élaboration de stratégies foncières de long terme, sans oublier l’insécurité juridique dans laquelle elles se trouvent bien souvent.
Autre « pavé dans la mare » les CESER souhaitent favoriser la densification avant d’ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation, et promouvoir des formes urbaines alternatives économes en foncier, soit revaloriser l’image de l’habitat collectif, renouer avec l’habitat en bande (maisons mitoyennes), promouvoir l’habitat partagé et expérimenter la division parcellaire. Ils aimeraient voir monter en puissance les Établissements Publiques Fonciers et que s’affirme le rôle de stratège des régions.
Renforcer la culture du risque au sein de la population littorale et replacer le foncier au coeur d’un débat de société pour proposer une réforme du modèle actuel du droit de propriété – en redonnant à l’État une certaine souveraineté foncière en matière de contrôle de l’espace au nom de l’utilité publique – font aussi partie des préconisations audacieuses des CESER Atlantique.
Autant dire que nos élus rétais ont apprécié diversement cette étude : ainsi si Lionel Quillet a souligné la forte convergence de ses préconisations avec la politique prônée par la CdC de l’île de Ré – rôle prééminent de l’intercommunalité, densification, culture du risque, etc. –, Léon Gendre qui s’est aux Sables d’Olonne présenté comme « un adepte de l’expropriation pour garantir la protection environnementale » a lui plutôt retenu la proposition de concevoir des documents de planification plus ambitieux et prescriptifs en matière d’économies foncières et plus cohérents entre eux. Mais n’a pas approuvé celle encourageant à la gestion du foncier par l’intercommunalité… On s’en serait douté.
1. Association nationale des élus du littoral.
2. Association des Conseils économiques sociaux et environnementaux de l’Atlantique, créée en 1993.
3. Dominique Chevillon vient d’être reconfirmé pour un nouveau mandat lors des élections de renouvellement avec une responsabilité de vice-président au CESER Poitou-Charentes. Dirigeant d’un grand groupe d’assurances, Président de Ré Nature Environnement, il est Rochelais depuis 1585.
Lire aussi
-
Politique
Signalétique des voies cyclables, où en est-on ?
On en entend parler depuis un moment mais la situation a-t-elle changé ?
-
Politique
Département : « Tout ce qui a été voté sera fait »
Alors que la dernière séance pleinière du Conseil départemental a confirmé l’état très préoccupant des finances du Département de la Charente-Maritime, les conseillers départementaux de l’île de Ré ont tenté de rassurer, relativisant quelque peu le discours de la présidente.
-
Politique
Séance municipale animée au Bois-Plage
La pugnacité des débats n’est pas chose extraordinaire au Bois-Plage, mais il aura fallu quand même près de trois heures pour mener à terme l’ordre du jour du 25 septembre.
Je souhaite réagir à cet article