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Les constructions montent, les recours se multiplient
Le PLUi* de l’île de Ré, qui s’applique depuis un peu plus de trois ans, entraîne une évolution architecturale et paysagère inévitable des villages rétais. Densification rime forcément avec élévation, au grand dam de certains. Explications.
Alerté par des propriétaires fort mécontents des projets de construction de leurs voisins, Ré à la Hune a interrogé Patrick Rayton, 1er vice-président de la CdC en charge de l’urbanisme, Lionel Quillet, président de la CdC, Lionel Coutier, Architecte dirigeant de Ré Team Design, pour y voir plus clair.
Le cadre général
La loi du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, dite loi Voynet, et la Loi ALUR (Loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) du 24 mars 2014, dite Loi Duflot II, ont entraîné une densification urbaine partout où le besoin en logements se fait cruellement sentir. La Loi ALUR a conduit à La suppression du COS*, entraînant la naissance de nouvelles règles sur l’emprise au sol, la hauteur des bâtiments, l’implantation de constructions, etc.
L’arrivée des PLU et PLU intercommunaux, qui se substituent aux POS*, a introduit la disparition du minimum parcellaire, c’est à dire la surface minimale des terrains requise pour construire. Naturellement, des constructions apparaissent sur des terrains plus petits et là où auparavant un grand terrain pouvait accueillir une seule construction, la division parcellaire entraîne une taille moyenne de parcelle nettement plus petite. Comme l’explique Lionel Coutier : « Ce que les propriétaires n’ont plus au sol, ils le gagnent en hauteur ». Moins les parcelles sont grandes, plus la promiscuité entre voisins s’accroît et plus l’élévation du bâti avec la création d’étages est susceptible de créer des nuisances pour le voisinage.
Les cas se multiplient
C’est le cas pour cette famille, installée depuis de nombreuses générations dans le centre-bourg de La Flotte dans une maison d’architecture traditionnelle rétaise, de plain-pied, qui a découvert stupéfaite le permis de construire de ses nouveaux voisins et a déposé un recours gracieux auprès du Maire. « Contrairement à ce que nous avait dit notre voisin, qui nous a toujours parlé d’une surélévation d’un mètre, la consultation des plans de son permis de construire montre que son mur monte à plus de six mètres. Ce mur mitoyen est aujourd’hui à 3,75 m, ce qui fait une surélévation entre 2,50 m et 2,95 m ! », s’égosille l’un de ses membres. « Cette surélévation a pour conséquence directe de nous enlever de la luminosité. En plus, dans le cadre de cette construction en R+1, une grande verrière est prévue à l’étage, donnant directement sur notre jardin et notre SPA ». Bonjour l’intimité ! D’autres problèmes pourraient se juxtaposer dans ce dossier, selon la famille, puisque ces maisons sont situées dans un « périmètre historique ».
Autre commune, autre sujet, pour là encore une très désagréable surprise. Au Bois-Plage, au Morinand, ce couple, installé depuis très longtemps dans le quartier, est propriétaire d’une maison de plain-pied donnant sur un petit jardin. De l’autre côté de l’étroite rue (contrairement à ce que laisse supposer la demande de permis de construire sur lequel est dessinée une très large route), un propriétaire, qui fait essentiellement de la location saisonnière, a décidé, pour éclaircir son galetas (pièce sous les combles) qui fait office de chambres, de créer une fenêtre double sur pignon aveugle, à l’étage, sur la façade qui surplombe directement la rue… ainsi que le jardin et la maison en question. Le couple est d’autant plus dépité que ce même propriétaire écrivait dans le cadre de l’enquête PLUi : « Interdire les maisons à étage préjudiciables pour tous les propriétaires… et prévoir une superficie minimale de terrain. » Là encore un recours gracieux a été déposé, mais les voisins n’ont pas les moyens d’aller plus loin…
Voilà deux exemples parmi beaucoup d’autres.
PLUi, PPRL et ZAN*
« Ce premier PLUi de l’île de Ré a été très difficile à élaborer » explique Patrick Rayton, « il nous a fallu nous mettre d’accord sur des règles identiques pour les dix communes rétaises, qui ont des spécificités locales. C’était la première expérience de la collectivité en la matière, il a fallu adapter tant que faire se peut la réglementation aux particularités de certaines communes. En outre, le Nord de l’île est très impacté par le PPRL, qui conduit à construire en R+1, or ce PPRL s’impose au PLUi. Le PADD* est aussi un élément incontournable du PLUi et il va nous falloir imaginer une architecture résiliente au regard du risque de submersion. Tout cela va amener une vision nouvelle de l’Architecture de l’île de Ré. Les Ouches, à Saint-Clément, est un bon exemple de la surélévation induite par le PPRL. Enfin, la démarche de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols qui demande aux collectivités de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020, va avoir un impact important. Si en 2030 on constate qu’on a consommé plus que ces 50 % il faudra rendre des espaces ! Cela va se gérer au niveau régional, dans le cadre de la Loi Climat et Résilience, certaines Régions étant susceptibles d’aller au-delà de ces 50 %. Cette ZAN* va compliquer encore les choses. »
« Sur l’île de Ré trois communes – La Flotte, Sainte-Marie et Saint-Martin – sont soumises à l’avis conforme de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), ainsi que celle d’Ars dans un périmètre de 500 m autour de son église, alors que les autres communes reçoivent un avis simple. Le cas que vous citez de La Flotte en est un très bon exemple, en l’occurrence l’ABF a rendu un avis conforme. » Patrick Rayton admet sans peine que les Maires voient les recours se multiplier : pour ce premier PLUi les élus rétais ont eu tendance à vouloir y faire rentrer les POS de chaque commune, ce qui n’était pas possible, et il a fallu trouver des règlements pouvant s’appliquer dans toutes les communes. « La révision du PLUi sera lancée avant la fin de ce mandat (2026), il faut quatre ans pour la mener à bien, on peut espérer doter l’île de Ré d’un PLUi affiné pour 2029. »
Plus de hauteur dans les centres-bourgs
L’Architecte Lionel Coutier, qui mène régulièrement des chantiers sur l’île de Ré, le confirme : « La densification se constate partout en France, d’un côté on a une population qui augmente et un besoin de logements croissant, de l’autre côté on a des terres agricoles à préserver, les surfaces disponibles se raréfient. Ce que l’on ne peut faire en emprise au sol, on le fait en hauteur. Sur l’île de Ré, les centres-bourgs sont historiquement souvent bâtis en R+1, alors que les extérieurs sont construits de plain-pied, on respecte une trame architecturale, le bâti monte progressivement des extérieurs vers les centres. Le PLUi de l’île permet de monter, il est cependant extrêmement contraignant et définit beaucoup de choses. Parfois il faut lire entre les lignes, chacun a son interprétation. Si on discute beaucoup avec les services urbanisme des communes, on n’a pas du tout accès aux services d’instruction de l’urbanisme de la CdC, pouvoir dialoguer en amont nous permettrait d’éviter de déposer plusieurs permis de suite, cela désengorgerait le service instructeur et nous ferait gagner du temps, à tous. »
Lui aussi admet que « Cela monte de partout, c’est un changement difficile à accepter, mais il vaut toujours mieux dialoguer avec ses voisins que déposer des recours, surtout quand leur permis est conforme. Les gens achètent un potentiel, qu’ils entendent exploiter au mieux, souvent la régulation est imposée par les coûts de construction qui explosent, donc le budget qu’ils peuvent allouer au projet. »
« Le Maire a un vrai pouvoir d’appréciation »
Président de la CdC, Lionel Quillet reconnaît aisément : « Ce sujet de l’élévation du bâti est un vrai sujet depuis longtemps. Dans le Sud de l’île, certaines communes comme La Flotte ou Saint- Martin ont traditionnellement beaucoup de constructions à étages, et dans le Nord de l’île le PPRL entraîne des obligations de surélévation. Les Services de l’Etat nous poussent globalement à densifier. » Le même, sous sa casquette de Maire de Loix, explique : « Ces évolutions, on les a vues venir. En 30 ans sur le millier de permis de construire que j’ai eu à signer à Loix je n’ai pas suivi pour un quart d’entre eux l’instruction faite par les services dédiés, à la préfecture puis à la CdC et/ ou l’avis de l’ABF. L’aspect paysager par rapport à l’environnement est une notion importante, quand un projet ne s’intègre pas dans l’ensemble, le Maire peut toujours le refuser, sur la base de l’article R111-47 du Code de l’Urbanisme. De même, chaque Maire peut échanger avec l’ABF pour argumenter et essayer de le convaincre. Parfois, quand je refuse un permis, les porteurs du projet reviennent me voir avec un projet modifié, qui tient compte de mes arguments, d’autres fois j’ai des recours, le processus est long et pendant ce temps les projets ne se font pas… »
« Dans la prochaine modification du PLUi (2023), nous allons essayer de renforcer ce pouvoir d’appréciation des Maires. Celle-ci est certes subjective, mais souvent le juge m’a suivi. Comme toujours, il y a le cadre de la loi, l’esprit de la loi, et son appréciation subjective. »
*PLUi : Plan Local d’Urbanisme intercommunal – POS : Plan d’Occupation des Sols – COS : Coefficient d’Occupation des sols – PPRL : Plan de Prévention des Risques Littoraux – PADD : Plan d’Aménagement et de Développement Durable. ZAN : Zéro Artificialisation Nette.
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