Les chambres de commerce des Charentes lourdement mises à contribution
Dans le cadre du fameux plan de 50 milliards d’économies 2015-2017, le nouveau Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, a annoncé le 18 septembre aux 145 présidents de chambres de commerce et d’industrie rassemblés à Paris en assemblée générale extraordinaire que l’Etat puiserait dans les réserves et les recettes des CCI. Après avoir en 2014 ponctionné les fonds de roulement des CCI à hauteur de 170 millions d’€ et diminué leurs ressources de 20 %, le gouvernement entend prélever 500 millions d’€ en 2015 et réduire leurs ressources de fonctionnement de 37 % sur 3 ans…
Il les a exhortés à apprendre à « mieux s’organiser, à travailler différemment, à se regrouper pour faire des économies plutôt que de couper dans leurs investissements », « ne me faites pas un chantage à l’emploi, à l’apprentissage, aux entreprises » leur a-t-il dit en substance en prenant en exemple la CCI Nord de France qui face à une baisse de ses recettes a regroupé 14 CCI du Nord-Pas de Calais en 4 CCI, qui fusionneront en une seule CCI à horizon 2016.
Des clés de répartition entre les CCI non dévoilées par Bercy
Depuis, les présidents des chambres de commerce et d’industrie sont vent debout contre le nouveau ministre. Alors qu’ils avaient annoncé à Bercy que 6000 à 7000 postes sur les 26 000 emplois de ces structures pourraient être supprimés et la pérennité de certains aéroports et centres d’apprentissage menacée si le gouvernement suivait les recommandations du rapport de l’Inspection Générale des Finances (passer de 145 CCI à une par Région d’ici 2017, prélever une partie des 2 milliards d’€ de réserves des CCI, diminuer de 32 % leurs ressources fiscales affectées…), ils espéraient que le successeur d’Arnaud Montebourg les avait entendus.
Ils regrettent des « mesures prises à la hussarde » et leur président, André Macron a déclaré « ce n’est rien d’autre qu’un assassinat ».
Le président de la CCI régionale de Poitou-Charentes, Daniel Braud, évoque une « décision inconsciente » compte tenu de ses proportions et estime que 200 personnes sur 660 sont concernées.
Les présidents des CCI de La Rochelle, Robert Butel, et de Rochefort & Saintonge, Jean-Claude Delaune, – dont les fonds de réserve vont être amputés de 13 millions d’€ – dénoncent le côté arbitraire des calculs de Bercy, qui n’a pas souhaité communiquer aux présidents de CCI les clés de répartition, mais a tout juste évoqué que les calculs étaient basés sur les bilans 2012.
C’est ainsi que La CCI de La Rochelle verrait son fonds de roulement ponctionné de 10,5 millions d’€ (soit 95 % de sa trésorerie), la CCI de Rochefort & Saintonge de 2 millions, alors que rien n’est demandé par exemple aux CCI de Niort, de Poitiers, ni même de Nantes ou de Bordeaux et que la CCI de Marseille serait ponctionnée « seulement » de 2 millions, celle de Lyon de 4 millions. A contrario, les CCI de La Rochelle, Angoulême (10 millions d’€) ou encore Morlaix (10 millions d’€) seraient très fortement mises à contribution. Une chambre mise sous tutelle serait même – suivant ce qui a été annoncé – ponctionnée de 2 millions d’€ !
Les présidents des CCI de Charente-Maritime dénoncent également « une alliance objective des entreprises du CAC 40 et nationales pour tomber à bras raccourcis sur les CCI » alors que 85 % des ressources fiscales des CCI sont payées par moins de 10 % des entreprises. Là où un commerçant local est mis à contribution à hauteur d’environ 50 € par an, les grosses entreprises contribuent à hauteur de dizaines voire de centaines de milliers d’€ aux ressources fiscales des CCI. Ces prélèvements servent à soutenir la création et le développement des TPE et PME.
L’économie régionale serait fortement impactée
Les CCI n’ayant pas le droit d’emprunter, sauf autorisation spéciale de Bercy, la CCI de La Rochelle avait constitué un fonds de réserve de 14 millions d’€ pour investir dès 2015 sur l’extension de Sup de Co (projet de 7,5 millions d’€), du Cipecma (1 million), les travaux d’aménagement de l’aéroport, la création d’un port à sec à Chef de Baie. L’ensemble de ces projets seraient anéantis selon les termes du président Robert Butel, qui évoque « un hold-up du gouvernement sur l’argent des entreprises » puisque « les cotisations des entreprises ne seraient pas diminuées d’autant ».
Avec la fermeture inéluctable de l’aéroport La Rochelle-île de Ré (plus de 200 000 passagers en 2013) – sauf à ce qu’un syndicat mixte financé par les collectivités territoriales prenne le relais de la gestion de l’aéroport comme l’a évoqué Dominique Bussereau -, 30 emplois directs seraient menacés mais aussi toutes les entreprises dont les activités sont liées à l’aéroport et les 150 emplois afférents. Quant à l’économie touristique, elle en serait fortement impactée… Enfin, s’il n’y aurait pas de menace immédiate sur les emplois des agents de la CCI, compte-tenu de l’externalisation d’un certain nombre de prestations consulaires, les départs en retraite ne seraient pas remplacés, soient 4 à 5 par an.
Le président de la CCI de Rochefort & Saintonge, Jean-Claude Delaune, évoque lui d’ores et déjà la fermeture des 5 antennes de proximité, l’arrêt des activités de formation au CFA de commerce de Saintes (600 apprentis), à l’IEQT et à l’ISAAP (60 étudiants en alternance) et des stages de formation continue. Compte tenu du poids de la masse salariale qui représente 65 % de son budget de fonctionnement, le licenciement de plus de la moitié des salariés de la CCI de Rochefort & Saintonge serait inévitable d’ici à 2016.
Ils dénoncent en outre l’inefficience de telles mesures d’économies qui n’ont pour seul but que de renflouer immédiatement les caisses de l’Etat mais coûteront infiniment plus cher avec le financement par l’Etat des plans sociaux et le transfert de l’apprentissage. Pour 700 millions d’€, Robert Butel estime à 1,2 à 1,4 milliard d’€ le coût lié à la suppression des emplois.
Les CCI d’Angoulême et de Cognac sont également vent debout contre ces mesures qui avec près de 11 millions d’€ ponctionnés sur leurs fonds propres (dont 10 millions pour Angoulême) impacteraient 70 emplois charentais, remettraient en cause selon Daniel Braud (CCI d’Angoulême) l’apprentissage avec la disparition de filières du CIFOP, ainsi que le soutien via des participations financières au festival de la BD, aux Gastronomades ou encore au Circuit des Remparts, tandis que Claude Maumont (CCI de Cognac) s’inquiète ouvertement pour le projet de Spirit Valley qu’il devait présenter ces jours-ci au BNIC, ainsi que pour les travaux à la Cité de la formation.
La CCI des Deux Sèvres non impactée sur ses réserves, mais sur ses ressources de fonctionnement, envisagerait de son côté la suppression de 40 postes sur les 90 existants ainsi qu’ « un arrêt massif de nombreuses activités »…
Avant même de tenir des conférences de presse, les présidents des CCI ont alerté et reçu le soutien local de parlementaires, de présidents des collectivités territoriales et de maires, tandis que la résistance s’organise au plan national.
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