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L’effet Xynthia, 12 ans après
Douze ans après la tempête Xynthia, le photographe rochelais Benjamin Caillaud et l’historien pictavien Thierry Sauzeau sortent un livre, Xynthia + 10, qui interroge notre rapport au littoral.
Au lendemain de la tempête Xynthia, en mars 2010, le photographe local Benjamin Caillaud avait entamé « un travail photographique sur la transformation plastique des paysages », qui a par la suite donné lieu à de nombreuses publications et expositions. Il a repris ce travail dix ans plus tard, en faisant le tour de l’île d’Oléron à pied. « J’ai commencé en février 2020 pour le 10e anniversaire de la tempête, puis le confinement est arrivé dans la foulée », raconte le photographe. Son travail survient à une période où la Communauté de Communes d’Oléron s’interroge sur la pertinence de ses aménagements. Doit-on ériger des digues ou laisser faire la nature ?, se demande la collectivité. Benjamin Caillaud fait le choix de photographier tour à tour ces aménagements destinés à lutter contre les submersions et les endroits où la nature a repris ses droits, laissant parfois des stigmates dans le paysage comme à la pointe de Gatseau sur Oléron.
Une fois ses clichés réalisés, le photographe est allé chercher Thierry Sauzeau, professeur de l’histoire maritime de la côte atlantique à l’université de Poitiers. « Mon propre propos est artistique, je m’interroge sur les relations renouvelées entre l’océan et les hommes du rivage. Pour prolonger cette expérience, je voulais une expertise de l’histoire du littoral, qui s’inscrit dans un temps long. Je ne voulais pas d’un propos qui illustre les images et inversement. Chacun à son regard sur la thématique, sa puissance d’évocation », explique l’artiste.
La proposition a immédiatement convaincu l’enseignant-chercheur. « Ce qui m’intéressait dans son projet, c’est qu’il voulait sortir de la rhétorique et de l’esthétique de la catastrophe, pour replacer l’événement dans l’ordinaire, le quotidien, loin de l’image médiatique anxiogène habituelle. Notre parti pris, c’est de les présenter comme des choses banales et normales. Car, si sur les dix dernières années, le phénomène de submersion paraît incroyable, c’est la réalité du littoral de manière générale, depuis des siècles », analyse-t-il. Pour le livre, le chercheur a rédigé un texte synthétisant une grande partie de ses publications de ces dix dernières années concernant l’évolution du littoral.
« Mon propos n’est pas tellement les évolutions en dix ans, mais plutôt de replacer ce qu’on vit depuis ces dix dernières années dans une trajectoire historique plus longue. C’est une histoire qui se continue depuis le moment où on a commencé à la documenter, c’est-à-dire depuis le début du XVIIIe siècle », explique le chercheur, pour qui le passage de Xynthia n’est qu’une petite séquence à l’échelle de l’histoire, d’un phénomène au long cours. « Le littoral bouge en permanence depuis des siècles. A l’échelle des derniers, cette mobilité ne se mesure pas en dizaine ou en centaine de mètres, mais en kilomètres ! », explique Thierry Sauzeau. « C’est un phénomène et vivant et éternel. Nous ne sommes pas les premiers à être confrontés aux submersions. Vivre sur le littoral, c’est ça : avoir les pieds dans l’eau régulièrement. »
Le texte est là pour rappeler que « si on se hasarde à construire dans un endroit historiquement inconstant et mobile, c’est s’exposer à voir disparaître ce qu’on a bâti. C’est la leçon tragique de la Faute-sur-Mer (85), notamment », précise le chercheur. Lui se désespère de voir certaines collectivités continuer à artificialiser la côte sans tirer les leçons du passé. « Autant nous, les historiens, avons été très consultés il y a dix ans, juste après Xynthia, autant aujourd’hui, en dehors d’Oléron, nos sociétés sont globalement reparties dans des modes de développement du littoral qui ne tiennent pas compte de ces mises en garde. Il y a une sorte de déni généralisé. »
Benjamin Caillaud, de son côté, n’entend « ni juger, ni expliquer ». « Pour moi, cet ouvrage est une invitation à la pensée, à la réflexion, un cheminement intérieur au temps long, en sortant des schémas habituels » de notre représentation du littoral.
Infos pratiques
Xynthia + 10 : Benjamin Caillaud
et Thierry Sauzeau, Local Editions,
2022, Saint-Pierre d’Oléron,
55 pages. Tarif : 18 euros
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