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- Portrait - Zoé Delabre
« L’écologie n’est pas une contrainte mais une source d’inspiration »
Zoé Delabre est la cheffe du restaurant Matahari à Ars-en-Ré où elle défend une cuisine bio et équitable. Une jeune femme engagée, pour qui l’écologie est un véritable mode de vie.
À seulement 28 ans, Zoé Delabre a déjà une vie bien remplie. Son premier voyage humanitaire en Indonésie était il y a huit ans. Depuis, quand elle n’est pas en cuisine, elle multiplie les missions. Sa dernière en date n’est pas la moindre. Cet hiver, elle a passé un mois en mer du Nord sur le John Paul Dejoria, un bateau de Neptune’s pirates, la nouvelle association de Paul Watson, pour traquer les navires qui pillent les ressources maritimes mondiales. « Ce sont de véritables usines, des énormes bateaux de plus de cent mètres de long, qui, avec leurs filets dérivants, pêchent l’équivalent de la nourriture de trente mille phoques à chaque levée de filet. Et ça cinq fois par jour parfois. J’ai été très choquée de voir ça de mes propres yeux. De nombreux mammifères sont piégés par les filets, des dauphins, des phoques, des tortues dans certaines zones, et rejetés morts à la mer. Ça m’a énormément ébranlée. » Zoé y a assuré le rôle de cheffe. « Je travaillais sept jours sur sept, dix heures par jour, je cuisinais du matin au soir pour nourrir tout l’équipage. La météo et la houle ont été très agitées, parfois j’arrivais en cuisine le matin et une tempête avait tout renversé ! C’était très dur mais j’ai adoré ce challenge de cuisinier au milieu de l’océan. »
Magie et convictions
Si Zoé a été choisie par le militant écologiste pour nourrir son équipage, c’est bien grâce à sa cuisine vegan et engagée, à base de produits bio, locaux et équitables. Si ses inspirations au départ étaient essentiellement indonésiennes, elle se donne aujourd’hui plus de liberté et pioche dans tous ses souvenirs, mais aussi dans ses convictions. « L’écologie, ce n’est pas une contrainte mais une vraie source d’inspiration et c’est un challenge qui peut se faire dans la joie. Tout cela est en fait hyper gai, on est en lien avec les producteurs, on rencontre des gens passionnés. Quand je cuisine je pense aux personnes qui ont fait ces produits, au travail derrière, à l’énergie dépensée pour les produire. C’est magique. » Sa cuisine est à son image : surprenante, innovante et militante.
Le déclic de l’écologie remonte à son premier voyage en Indonésie, alors qu’elle était étudiante à La Rochelle en langues étrangères. « La pollution là-bas m’a profondément choquée et ça m’a rendue très triste. J’en suis revenue plutôt défaitiste sur l’avenir de notre planète. Et finalement, je me suis dit que la seule solution pour que j’arrive à vivre avec ça, c’était d’être dans l’action, et d’être moi-même moteur du changement. J’ai intégré cette donnée à ma vie de tous les jours, et ma cuisine est devenue un outil au service de ce combat. » Peu après, elle se lance dans la création du food-truck Matahari avec son amoureux Félix, et ensemble ils rejoignent l’île de Ré en 2018 pour s’installer sur le site de la Java des Baleines à Saint-Clément. Deux ans plus tard, ils ouvrent Matahari boui-boui, la version resto du foodtruck. Depuis, ils font tourner les deux projets en parallèle.
Engagement politique
Si sa cuisine est son outil quotidien pour lutter contre les incohérences écologiques de notre société, elle ne lâchera pas pour autant les missions en écovolontariat ou dans l’humanitaire. « J’ai le sentiment que je dois utiliser tout mon temps pour faire en sorte que le monde ne brûle pas aussi vite que prévu. Quand je suis rentrée de ma mission avec Paul Watson, j’étais tellement en colère que je suis repartie. J’ai rejoint en Espagne l’ONG Louise Michel qui sauve des migrants en mer Méditerranée. J’y ai passé deux semaines et je le referai car ça me révolte qu’on laisse des gens mourir en mer. Là-bas les garde-côtes repoussent les gens dans l’eau, ils les laissent se noyer. Les politiques européennes ne font pas le bon choix, il faut faire en sorte que ces gens n’aient plus envie de quitter leurs pays, plutôt que de fermer les yeux. »
Avec la montée en puissance du RN et les élections législatives anticipées, Zoé a sauté le pas de la politique et s’est engagée au côté du candidat écologiste Jean-Marc Soubeste. « Ce que font les assos comme Sea Shepherd ou Louise Michel, c’est indispensable, mais ça ne suffit pas. Je me rends compte maintenant que tout passe par la politique. Pour changer les choses, il faut voter les bonnes lois. »
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