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Le tourisme oui, mais pas n’importe quel tourisme
La principale caractéristique de Marie-Noëlle Rimaud est le mouvement. Elle est dans l’impossibilité physique de rester en place. Elle court sans cesse… vers l’eau, la mer en particulier, ou les neiges du Grand Nord qu’elle affectionne. Son esprit suit sans peine cette cadence infernale qu’elle lui inflige également. Portrait d’une aventurière qui ne risque pas de se scléroser.
Enfant, Marie-Noëlle déménageait tous les deux ans, au gré des affectations de son papa. La famille possédait cependant un point d’attache à Saint-Antoine, dans le Haut-Doubs. Le lac de Saint-Point, 3e plan d’eau naturel en France n’est pas loin, et Marie-Noëlle ne tardera pas à obtenir son monitorat de voile. Puis, celui de ski, cela va sans dire. Régatière, elle adorait venir à La Rochelle avec son frère, participer chaque année à la « Semaine de la voile », organisée par la Société des Régates Rochelaises. C’est ainsi qu’elle rencontrera Guy Marchesseau, Président du Cercle nautique de l’île d’Aix, qui la recruta pour donner un second souffle à son école de voile.
A l’origine était le droit
Marie-Noëlle séjournera ensuite longuement au Canada où elle fera son barreau et préparera en même temps un doctorat en droit à l’Université Laval, à Québec. Elle commencera une première carrière d’avocate tournée vers l’arbitrage international. Elle avait fait une spécialisation en droit maritime, mais était encore trop en avance par rapport à la société de l’époque. Elle apprécie ce pays, malheureusement, le séjour canadien est brutalement interrompu en raison de l’état de santé de son papa. Revenue dans notre région, Marie-Noëlle devient directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin alors Président du Conseil Régional de Poitou-Charentes. Son parcours atypique, sa vivacité d’esprit et son dynamisme plaisent à Jean-Pierre Raffarin. Elle restera deux ans à ses côtés. Mais, à Poitiers, elle est loin de la mer.
Le besoin impératif de la mer au quotidien
La question va se poser, lors de la création de l’Aquarium de La Rochelle, de l’engagement de la Région dans cette aventure. Au final, un Espace de Culture Océane du Littoral et de l’Environnement (E.C.O.L.E) sera réalisé, mini centre de culture scientifique au sein de l’Aquarium, destiné à tisser du lien entre un établissement d’enseignement supérieur et l’Aquarium. Marie-Noëlle en prend la direction avec Isabelle Autissier pour présidente. Parallèlement, depuis 2015, Marie-Noëlle enseigne à l’ESC de La Rochelle, d’abord du droit, puis très vite, elle glisse vers le management du tourisme. Au moment où elle intègre l’école, elle dirige un master marketing tourisme où elle abordait déjà le tourisme durable, une préoccupation essentielle devenue désormais son axe majeur de recherche.
Ces nombreuses activités ne l’empêchent pas de s’investir auprès du musée Maritime et de s’intéresser au Festival International du Film d’Aventure (FIFAV), qui véhicule des valeurs qui la touchent et où elle s’occupe des « Rendez-vous de l’aventure » où cinéastes, écrivains, aventuriers se retrouvent pour partager leurs films, leurs livres et leurs expériences.
Le projet Atka
Marie-Noëlle croit à l’enseignement par l’action et a créé, à l’ESC, une structure « Centre de cas », l’étude de cas étant un outil de l’enseignement supérieur à développer notamment dans le champ du tourisme durable et dans les milieux littoraux sensibles comme l’île de Ré où, participant au projet scientifique Interped porté par la Fondation de France et l’Université de Rennes 2, elle a opéré une recherche centrée sur les impacts territoriaux des loisirs pédestres sur le littoral. Il en ressort que les politiques locales doivent adapter leurs actions selon les pratiques et les risques encourus sur le plan environnemental et sécuritaire.
Dans ce cadre, elle a également travaillé sur la mise en tourisme des pôles. A la suite de la rencontre de François Bernard dit « Ben », un aventurier parcourant le monde depuis plus de trente ans et spécialiste de la logistique dans les milieux de plein air, elle s’est rendue au Groenland. A deux reprises, elle a participé en fin d’hivernage, à des expéditions sur le voilier Atka qui la conduiront dans la baie de Disko, à côté de la base de Paul-Émile Victor.
Marie-Noëlle Rimaud au milieu des icebergs dans son kayak. © Sarah Del Ben
La nécessité d’un développement contrôlé du tourisme
Petit par la population (56 500 habitants), immense par la surface, ce pays est une destination désormais en vogue où le tourisme se développe et Marie-Noëlle y étudie l’impact des pratiques touristiques sur un territoire écologiquement sensible. L’étude de ce cas offre une approche originale grâce aux expéditions de Marie-Noëlle, à ses observations complétées par des photos prises in situ ainsi qu’à la création, par Aurélie Calmet, d’une bande dessinée. De plus en plus de bateaux fréquentent ces régions car les aléas climatiques les rendent plus accessibles. Selon Marie-Noëlle, les professionnels du tourisme doivent être sensibilisés à la protection ce des territoires et le tourisme doit absolument intégrer les trois piliers ducales doivent adapter leurs actions selon les pratiques et les risques encourus sur le plan environnemental et sécuritaire. développement durable (l’économie, le social et l’environnement) pour être acceptable. C’est ce qu’elle s’efforce de faire comprendre à ses étudiants.
Possédant un sous-sol riche en ressources minières, les Groenlandais ont cependant décidé de ne pas l’exploiter et d’opter pour le tourisme, mais pas n’importe quel tourisme. Les terres au nord du cercle arctique, lieux d’observation des icebergs, sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO et elles doivent être respectées autant que leur population. Au Groenland, le schéma est le même que dans toutes les zones touristiques : il y a ceux qui sont pour le tourisme parce qu’il leur fait gagner de l’argent et ceux qui sont contre et observent les dégâts qu’il amène dans son sillage. Le salut peut venir pour un territoire du tourisme, mais pas de n’importe quelle forme de tourisme. Un débat intéressant a eu lieu dans lors des Journées de la Mer à Brest à propos du tourisme durable : ce qu’il peut rapporter à un territoire et combien il lui coûte en réalité. Une question que devraient se poser toutes les zones touristiques afin que les choses puissent évoluer demain dans la bonne direction.
Enfin l’approche humaine est décisive. Où que nous allions, il serait bon d’adopter une attitude moins méprisante quant aux autochtones. Et, dans le Grand Nord par exemple, se souvenir que ce sont les populations locales qui ont inventé le kayak avant de leur expliquer comment on les fabrique et comment ils fonctionnent. Ces dégâts-là ne se mesurent pas.
Marie-Noëlle a animé de nombreux « cas » axés sur l’impact des pratiques touristiques et la nécessité d’un comportement responsable de la part des touristes. Toutes les conclusions qu’elle en a tirées l’ont confirmée dans sa démarche de militer pour un tourisme respectueux et durable.
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