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Le peuplement de l’île de Ré
Ré accueille dès le Moyen Âge une population conséquente. Les conditions de vie sont difficiles mais moins que sur le continent et la natalité est qualifiée d’ « exubérante ». Ce niveau de population se maintiendra, traversant quelques variations, jusque dans la première moitié du XIXe, puis baissera inexorablement jusqu’en 1946.
Le millénaire précédant JC est une période de faible peuplement des quatre îlots qui constituent alors l’île de Ré. Du IVe au Xe siècle, l’île reste peu habitée et son peuplement dense ne date vraiment que du Moyen Âge central. Léon Gendre constate (1) que « l’installation des moines cisterciens au XIIe siècle correspond (…) à la véritable naissance de l’île de Ré. » Dès le milieu du XIe, mais surtout aux XIIe et XIIIe, l’île, grâce aux moines, est défrichée ; la vigne remplace progressivement la forêt et les premières salines apparaissent. L’effervescence des différentes activités sur la côte d’Aunis est à l’origine de la création de la ville de La Rochelle, dont l’histoire est indissociable de celle de Ré et tandis que le port grandit, l’île se peuple, répondant au besoin de bras pour cultiver la vigne et récolter le sel
« Ne produire à peu près que du sel et du vin entraîne l’obligation ou suppose la possibilité de les vendre ».(2) Ces productions, largement supérieures aux besoins des Rétais, vont nécessiter l’établissement de relations commerciales extérieures à l’île. Elles s’établiront au XIIe avec le Poitou, la Bretagne et les pays nordiques assurant des revenus substantiels à l’abbaye Notre-Dame de Ré. Nous verrons par la suite qu’à chaque fois que la situation économique prospère, la population de l’île augmente.
La guerre de Cent Ans ralentit le processus d’autant que cette période s’accompagne de grandes épidémies empêchant toute reprise démographique. Avec la paix, après 1470, revient une certaine prospérité économique. On assiste à des travaux considérables de remise en valeur nécessitant une importante main d’oeuvre. Celle-ci demeurera dans l’île et sera à l’origine du développement des hameaux du nord de l’île.
Les guerres de Religion 1568 – 1628
L’île sera touchée par les guerres de Religion et en particulier par la 5e (1574-1576). Le processus reste identique : des hommes d’arme envahissent Ré, s’y battent et la ravagent. Résultat de ces combats et du séjour des troupes chez l’habitant : la peste et autres épidémies déciment les Rétais, ceux qui ne sont pas morts ont tendance à fuir vers des cieux plus cléments, diminuant d’autant la population et faisant péricliter l’économie.
Le règne d’Henri IV, malheureusement trop court, offrira une parenthèse bénéfique durant laquelle la population rétaise augmentera, entre autres avec l’arrivée « d’étrangers » provenant du Poitou et de la Saintonge, si bien que l’on assiste à une reprise des activités dans la dernière décennie du XVIe et au début du XVIIe. Mais l’île va subir les conséquences de l’assassinat d’Henri IV, de l’occupation des troupes anglaises venues soutenir La Rochelle et de l’énorme contrecoup de la défaite de cette dernière en 1628.
De 1630 à la Révolution
Dans les années qui suivent, l’île connaît une immigration catholique qui l’aidera à reconstituer sa population. La prospérité reviendra au début du règne de Louis XIV (1638-1715), dont les dernières années, cependant, verront le départ de bon nombre de protestants avec la révocation de l’Édit de Nantes et ressurgir les difficultés économiques.
À partir de cette période, on dispose de plus d’éléments chiffrés dont le premier dénombrement effectué par les services de l’intendance en 1774, indiquant une population de 16 735 âmes et considéré comme le plus ancien qui soit fiable.
De 1790 à 1815
1790, connait le peuplement le plus élevé de l’Ancien Régime : 17 685 personnes. Les guerres de la Révolution et de l’Empire se révèleront meurtrières pour les Rétais. Le manque de précautions sanitaires de la part des autorités ainsi que le manque d’hygiène publique font que les épidémies et les maladies (entre autres la petite vérole) liées au stationnement des troupes se propagent avec une folle rapidité, faisant d’énormes dégâts. Ré ne compte plus que 15 762 habitants en 1812, soit un millier de moins qu’en 1774. Ce dépeuplement, qui toucha en particulier Saint-Martin et La Flotte, s’est prolongé jusqu’à la fin de l’Empire, date à laquelle des conditions économiques désastreuses sont encore aggravées par le blocage des pertuis par les Anglais, qui met l’île en état de siège. Le peuplement ne reprendra qu’une fois la paix rétablie et après le retour chez eux des survivants des armées napoléoniennes.
De 1815 à 1901
La reprise démographique découle directement de la paix retrouvée (1815) qui relance le grand commerce maritime avec ses exportations de sel et de vin. La population rétaise augmente et atteindra son apogée en 1831 : 17 976 habitants. Mais une épidémie de choléra s’abat sur l’île en 1834 et comme le constate Mickaël Augeron (3) : « Après avoir atteint son apogée dans la première moitié du XIXe, l’île est touchée par un phénomène de dépopulation qui se poursuit jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ».
À partir de 1831, les recensements quinquennaux sont décrétés et permettent de mieux suivre l’évolution de la population. La grande crise salicole de 1841 à 1866, à la suite de la réduction du commerce au long cours rétais et de l’apparition du chemin de fer, associée à la crise du phylloxera qui impacta avec retard et de manière moindre le vignoble rétais, jouent un rôle essentiel dans les variations du peuplement. La population des communes du Bois et de La Flotte continuera à baisser alors que celle de Saint-Martin se maintient.
Les temps modernes, de 1901 à 1990
Un mouvement général de baisse touche toutes les communes. Un dépeuplement a lieu comme l’île n’en a pas connu depuis le XVIe et qui se situe dans le mouvement général de désertion des campagnes françaises à la fin du XIXe, « chaque départ d’individus, chaque fermeture d’exploitation contribuant à enrayer un peu plus la machine économique ».(3) À partir de 1954, la population repart à la hausse, mouvement favorisé par le tourisme et l’amélioration des moyens de transport entre Ré et le continent. Cependant, la croissance est moindre dans le canton d’Ars que dans celui de Saint-Martin. La remontée spectaculaire de la population dans ce dernier entre 1982 et 1990 est due au pont qui facilite l’accès de l’île.
Les autres facteurs intervenant dans l’évolution de la population de l’île à travers les siècles sont les mouvements migratoires et l’apport ou les pertes de population. Les Rétais ont émigré lors de crises économiques ou sécuritaires, comme les guerres de Religion, la guerre de Cent Ans ou encore les persécutions dont les protestants firent l’objet, et l’immigration est intervenue le plus souvent aux moments où il était nécessaire de combler les besoins en main d’oeuvre. Ces flux et reflux ont eu lieu principalement avant les temps modernes, à une époque où la sécurité était inexistante et les épidémies nombreuses. En dehors de ces déplacements de masse à propos desquels nous ne disposons que de peu d’informations, des individus et des familles se sont installés dans l’île sans que cela modifie significativement le rapport immigration/ émigration.
Les rapports entre naissances et décès ont fait évoluer conjointement le peuplement, mais plus lentement. Les auteurs qui se sont intéressés à la démographie rétaise ont tous constaté que la natalité rétaise était « exubérante » ! D’après le Dr Drouineau (4) « la natalité a été probablement supérieure à 40 p mille vers le milieu du XVIIIe, elle était encore de 32 – 34 vers 1850, de 21,1 en 1875 et 1880 et de 17,4 à la fin du XIXe. L’inexistence des dénombrements avant 1774 empêche de connaître les taux antérieurs. Cette natalité « exubérante » est davantage constatée au pays des sauniers et on l’attribue au fait que ceux-ci se nourrissaient de coquillages ainsi qu’au climat sain de Ré !
Les embellies économiques ont toujours été indissociables de l’augmentation de la population. Quelle est la vague de prospérité qui saura répondre au souhait de Lionel Quillet, président de notre CdC, et portera la population de l’île à 20 000 personnes ?
(1) L’île de Ré au coeur – Léon Gendre – Le Croît Vif
(2) Petite histoire de l’île de Ré – Marcel Delafosse – Éditions Rupella
(3) Histoire de l’île de Ré, Michaël Augeron, Jacques Boucard et Pascal Even – Ed Le Croît Vif – GER
(4) Dans sa Géographie médicale de l’île de Ré, le Dr Drouineau donne le taux de natalité et fécondité nuptiale entre 1846 et 1905 pour chacune des communes de l’île.
Bibliographie : Les peuplements de l’île de Ré – Pierre Tardy – Les Cahiers de la Mémoire N°55
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