Le passé et l’avenir de l’île à la Librairie Quillet
La Librairie Quillet consacra la soirée du jeudi 27 octobre à l’île de Ré : exposition rassemblant des documents inédits sur l’histoire de l’île, suivie d’une conférence de Jacques Boucard sur l’histoire du peuplement et un aperçu de la gastronomie rétaise grâce au talent de Daniel Massé.
Les locaux de la Librairie Quillet accueillaient en cette fin de mois d’octobre une exposition qui sera présente jusqu’à fin décembre. Particulièrement intéressante en raison de la rareté et de la qualité des documents qu’elle propose datant du XVe siècle à nos jours, vous y découvrirez de nombreuses cartes et plans de l’île, gravures, courriers et documents officiels, tableaux anciens et livres d’époque qui méritent le détour. L’exposition séduit par sa richesse et aucune manifestation n’a, à ce jour, rassemblé en une seule fois autant de documents historiques concernant l’île. Ce vernissage a été suivi par une conférence menée en binôme par Jacques Boucard pour le passé et Lionel Quillet pour la période contemporaine. L’atelier a été littéralement pris d’assaut par plus de 200 personnes qui ont fini par trouver à peu près toutes de quoi s’asseoir !
Jacques Boucard expliqua la formation de la population rétaise
Après avoir évoqué les chasseurscueilleurs du Paléolithique et du Néolithique, dont l’existence est appréhendée par les résultats de fouilles archéologiques récentes, la rigueur de celles du XIXe laissant trop à désirer pour que l’on en tire des conclusions, Jacques Boucard a également confirmé une forte implantation à l’époque galloromaine, dont la présence d’une petite ferme rurale à Rivedoux comportant déjà une activité vinicole et exportant son vin soit en tonneaux, inventés par les Gaulois, soit en amphores romaines. Les traces d’occupation dans l’île sont alors inégales, mais La Flotte occupe une place importante, comme le montrent les thermes de La Clavette ou la découverte du trésor du port comprenant exclusivement des sesterces. Or, cette monnaie, typique de l’échange commercial, confirme la fréquentation de navires marchands le long des côtes rétaises.
On possède peu d’informations sur le peuplement jusqu’à cette période à laquelle succèderont, à partir du IIIe siècle, les invasions barbares. Durant six siècles, les incursions impitoyables des Vikings, Sarrasins et Normands réduisirent notablement une population qui n’avait pas les moyens de se protéger. L’an 1 000 marque la fin des invasions Vikings et un repeuplement, d’abord timide, s’opère à partir du XIe siècle sous l’égide de Guillaume le Grand, Duc d’Aquitaine et Comte de Poitiers. Celui-ci encouragea la constitution, en bord de mer, de vastes domaines ecclésiastiques dépendants de grandes abbayes. Les abbayes de Cluny, Maillezais et Notre-Dame du Puy s’implantent sur l’île de Ré alors que Saint-Michel-en-l’Herm se concentre sur Ars et Loix, l’archipel rétais étant constitué de trois îles distinctes.
Aux XIIe et XIIIe siècles, les Mauléon et les Thouars, seigneurs rétais, favorisèrent l’exploitation des terres et firent en sorte qu’une population active en provenance du Bas-Poitou s’installe dans l’île. Avec cet afflux de main d’oeuvre en provenance du Bas-Poitou, le défrichement avance, grâce aux moines, la vigne remplace progressivement la forêt et les premières salines sont créées. Très tôt cependant, Ré se retrouve au milieu des conflits avec l’Angleterre. Ceux-ci, connus sous le nom de guerre de Cent ans, vont en fait durer deux siècles (1242-1462) et sont exacerbés par le mariage d’Aliénor d’Aquitaine, qui, ayant « divorcé » du roi de France Louis VII, amène en dot à son second mari, le futur roi d’Angleterre Henri Plantagenet, la Guyenne, la Gascogne, la Saintonge, le Poitou et l’Aquitaine. Ré se retrouve ainsi au milieu d’une situation conflictuelle qui ne prendra fin qu’avec l’expulsion des Anglais d’Aquitaine. Durant toute cette période, elle sera soumise aux razzias et pillages des Britanniques qui prennent également des otages en garantie du paiement des rançons.
Avec la paix, une certaine prospérité économique revient et au début du XVIe, le commerce commence à s’organiser et la population change. On constate l’arrivée d’étrangers, marchands et négociants Flamands, Danois, Hollandais, Allemands, Écossais qui travaillant avec le port de Saint-Martin, finissent par s’y installer définitivement. Saint- Martin deviendra au XVIe un grand port international et le restera pendant trois siècles. L’avènement du protestantisme ne posera aucun problème, mais les conflits reprendront avec les guerres de religion (1568-1628), dont la 5e impactera durement Ré. Le règne d’Henri IV offrira une parenthèse paisible durant laquelle la population augmentera à nouveau. De 1630 à la Révolution, la population rétaise se reconstituera grâce à une immigration catholique, mais les guerres de la Révolution et de l’Empire seront meurtrières. A partir du XVIIIe siècle, on dispose d’éléments chiffrés permettant d’apprécier plus précisément le nombre d’habitants de l’île. Il atteint son apogée en 1831 : 17 976 ha, pour connaître ensuite un phénomène de dépopulation perdurant jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (1946 : 7626 ha) avec une population restant en-dessous de 10 000 âmes jusqu’en 1962.
Qui seront les protecteurs de l’île en 2030 ?
Lionel Quillet s’attaqua ensuite, au pas de course, aux temps modernes, partant de 1988, l’année de la création du pont, époque à laquelle la population était constituée de 13 000 permanents auxquels s’ajoutaient 5 500 résidents secondaires. « Sans la construction du pont, dit-il, nous serions dans une autre histoire » expliquant que le pont avait sauvé la population de l’île car il avait suscité trois phénomènes. Tout d’abord le retour définitif de certains Rétais et, à titre d’exemple, il cita son cas. Ensuite, il a attiré des investisseurs et des hôtels se sont créés favorisant le développement d’un tourisme de qualité. Enfin, le pont a facilité l’épanouissement du nombre de résidences secondaires, phénomène qui a engendré tout une économie de services qu’il serait dangereux de minimiser.
De 1988 à 2008, les individus, élus compris, pensent encore en termes de commune. Ce n’est plus vrai après Xynthia (2010) : à partir de cette date, il n’y a plus que des Rétais et l’intercommunalité se met en place, confortée par le projet de défense des côtes. Tous les maires n’ont alors qu’une idée en tête : remettre l’île en état. Ils font preuve d’une même volonté globale et l’on va commencer à travailler sur le Schéma de cohérence territoriale (SCoT). L’île de Ré a évolué en vingt ans et les mentalités aussi. Les cantons qui scindaient l’île en nord et sud disparaissent en 2014 au profit d’une seule identité et en 2018, l’idée de ne faire qu’une commune est, à un moment, envisagée.
A l’avenir, on peut se demander si la meilleure solution pour les 18 000 Rétais ne serait pas d’intégrer l’agglomération rochelaise. Le débat sur la population a évolué et il est évident que le sud de l’île est orienté vers La Rochelle. Sans oublier le phénomène récent des locations saisonnières qui se multiplient à une trop grande vitesse. Nous avons à faire à une île dortoir dans le sud et à des résidents secondaires qui deviennent semi-permanents. Selon Lionel Quillet, « Le jour où l’écotaxe, dernière taxe environnementale de France, sera amoindrie, l’île intègrera l’agglomération rochelaise. »
Les invités ont ensuite pu apprécier la dégustation proposée par le Chef rétais Daniel Massé autour du bar du café de la Librairie Quillet. Un moment très convivial… et savoureux.
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