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Le harcèlement scolaire, une violence multiforme, miroir de notre société
Début juin, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer dévoilait ses mesures pour lutter contre le harcèlement scolaire. En cette nouvelle rentrée, quel état des lieux dresser de ce fléau qui touche estime t-on un élève sur dix ?
Force est de constater que l’Education Nationale a, depuis quelques années, pris la mesure du harcèlement scolaire. Là où la mission de l’école est d’éduquer l’adulte en devenir en lui apprenant le vivre ensemble, ce sont plus de sept-cent-mille élèves qui sont aujourd’hui encore victimes de ce phénomène en France. Dont la moitié de façon sévère.
Le harcèlement se définit comme une violence volontaire et répétée, donc qui s’inscrit dans le temps. Une violence sourde et multiforme qui semble trouver un terreau de prédilection à l’école, miroir de notre société. Elle peut être physique (coups, même faibles – une simple tape derrière la tête à chaque entrée des classes participe aux mécanismes d’exclusion, violences sexuelles etc.), matérielle (lunettes cassés, vêtements déchirés etc.), psychologique (insultes, intimidations, chantage), et ce sont là souvent, les plus insidieuses qui se révèlent les plus dévastatrices… Entré dans la danse grâce aux nouvelles technologies et les réseaux sociaux si chers aux ados, la recrudescence du cyber harcèlement (photos compromettantes, insultes anonymes) inquiète.
Un profil de victime, un profil de harceleur ?
En préambule, levons l’idée reçue qui voudrait que certains établissements seraient davantage touchés par le phénomène quand d’autres favorisés par leur géographie ou le niveau social des familles qui le fréquentent se verraient épargnés. Deux à trois enfants par classe, sans condition de lieu ou de ressources parentales sont susceptibles d’être identifiés comme victimes de harcèlement (2% au primaire, 10% au collège et environ 4% au lycée, parmi l’ensemble des cas recensés). Rares sont malheureusement les épreuves portées à la connaissance des parents, encore moins des enseignants. Car la peur qui entoure les élèves relève de l’argutie des mécanismes utilisés.
Il s’agit bien d’une dynamique de clan avec une ou deux têtes pensantes dans le noyau dur et des suiveurs aliénés à la menace de compter dans le groupe des harcelés. Dans la plupart des cas en effet, l’élève qui agresse un autre n’est pas le véritable responsable dans la chaîne de maltraitance mise en place. Dans le registre de la manipulation, il n’est pas rare qu’un élève A exerce des pressions psychologiques sur un élève B pour nuire à l’élève C.
Il appartient donc aux équipes encadrantes de mettre en exergue le courage d’en parler, quand les pourfendeurs adoptent le chant lexical de « balance ».
Des signaux
Chance lorsque l’enfant s’en exprime, puisque plus le harcèlement s’inscrit dans la durée plus il est traumatique. Malheureusement, la crainte des représailles installe bien souvent une loi du silence délétère. Parmi les signes à détecter : la boule au ventre à l’idée de rejoindre la classe avec son lot de fausses excuses propres à générer un absentéisme inhabituel voire une réelle phobie scolaire… Tout commence insidieusement. L’enfant s’isole dans un premier temps, fuyant particulièrement les temps de récréation pourtant supposés offrir un espace qui crée le lien. Puis les résultats chutent (la plupart du temps ce sont des élèves assidus et brillants qui sont exclus) entraînant un décrochage, des troubles anxio-dépressifs, voire des conduites suicidaires.
Fin août, Le Parisien révélait l’histoire de cette collégienne des Yvelines harcelée par un garçon et deux de ses « copines » depuis son entrée en sixième. L’adolescent avait fait courir la rumeur qu’elle était une fille facile. Terrorisée, honteuse et impuissante, elle a gardé toute cette affaire enfouie en elle durant trois ans, commençant à s’infliger des scarifications, jusqu’à ce que l’un de ses camarades ait le courage de libérer la parole. Les parents n’avaient rien saisi de la situation, s’en remettant à la pudeur habituelle des filles à ces âges. On le voit, tout changement de comportement, même minime mérite d’être appréhendé avec la plus grande attention.
Cyber harcèlement : soit populaire sinon rien !
On parle souvent d’adolescents en souffrance sans dire un mot sur ce qu’est l’adolescence, c’est-à-dire sur ce qui fait la spécificité psychopathologique de cet âge si particulier. Etre adolescent c’est exercer un métier impossible. C’est faire face à un paradoxe fondamental : alors même que tout change (le corps, les centres d’intérêts, etc.) il faut quand même rester le même. Car si les adolescents se sentent aptes à remettre en cause la loi des adultes, on remarque surtout qu’ils ont une peur phobique du changement. Les victimes du harcèlement sont quasi systématiquement porteuses d’une singuralité (physique ou psychologique), contraints d’affronter l’injonction à la popularité, nouveau paradigme institué par les réseaux sociaux. Or être « populaire », c’est incarner pour les autres élèves ce qui est supposé être la norme, et cela se mesure aujourd’hui « scientifiquement » à l’aide de son nombre d’« amis » sur Instagram, WhatsApp ou Facebook. Le mesure t-on suffisamment ? La violence des réseaux sociaux, dont l’infâme besogne poursuit son oeuvre une fois l’élève rentré chez lui, ne laisse aucun répit à la victime.
Quelles ressources et recours ?
Facile à dire, moins à appliquer, les professionnels du sujet (avocats, psychologues,) conseillent de veiller à ne pas ostraciser l’élève, qu’on aurait tendance logiquement à déplacer. On y pense rarement, mais l’infirmière scolaire peut s’avérer être un bon relai.
Entrer en contact avec les parents du ou des harceleurs ne semble pas une bonne idée selon Valérie Piau, avocate spécialiste du harcèlement qui suggère de s’adresser au proviseur de l’établissement avec recueil de preuves (bleus, captures d’écran…) et relance par mail dans les huit jours qui suivent le rendez-vous. Si aucune suite n’est donnée, une lettre au rectorat peut s’imposer relatant les faits et la non-implication de l’établissement concerné. Car c’est en cela que les lignes bougent, la maltraitance à l’école étant devenue priorité nationale au sein de l’éducation, il est désormais possible de surenchérir face aux simples sanctions disciplinaires parfois tortueusement décidées au sein même des écoles sollicitées.
En somme, passer à l’écrit si l’échange à l’oral n’a pas suffit à changer la situation. Désormais le harcèlement scolaire est classé parmi les infractions, une plainte au commissariat constitue donc un recours efficient lorsque les démarches en amont n’ont pas permis d’obtenir gain de cause.
Et sur l’île de Ré ?
Au collège des Salières, le nouveau principal Monsieur Pierre Dardillac entend bien mener un travail de réflexion commune pour instaurer des mesures préventives adaptées à la localité. « Il faudra prendre du recul pour analyser les besoins de l’établissement. Bien sûr nous organiserons des échanges en classe sur le thème du harcèlement à l’école, même si pour le moment je ne dispose pas d’assez d’éléments pour évaluer l’impact du fléau sur notre territoire ».
Abigeil Andrieux qui y fera sa rentrée en troisième connaît le sujet pour avoir été victime au primaire de maltraitance. En mai dernier, elle remportait un prix au concours d’éloquence organisé par le Département de la Charente-Maritime pour sa prestation qui relatait sa malheureuse expérience.
Beatriz Avelar, désormais étudiante à Poitiers dans l’espoir d’intégrer la 1ère année de médecine, avait quant à elle monté une association, aujourd’hui en sommeil. Élevée entre deux langues, c’est la nationalité étrangère de ses parents et son bon niveau en classe qui lui ont valu d’être longtemps et sournoisement moquée au collège. Ainsi, l’île bien que protégée, n’est pas exempte d’avoir elle aussi à se pencher sur la question du bien être à l’école.
Une question demeure
Bien qu’on ne puisse qu’adhérer aux efforts consentis par l’État pour enrayer la machine infernale du harcèlement à l’école, il est légitime de s’interroger sur le sort des élèves agresseurs. Jusque là sous le joug de vagues sanctions administratives, désormais potentiellement attaquables au pénal (en admettant que les faits puissent être portés à la connaissance des parents et encadrants, puis prouvés) les leaders, « pervers narcissiques en culotte courte » des cours de récréation restent le parent pauvre du programme.
Ne devrait-on partir du point de vue de l’élève qui agresse, s’interroger sur les mécanismes qui président au harcèlement et tenter de comprendre pourquoi certains en sont réduits à faire souffrir leurs pairs pour exister afin d’envisager une issue à ce fléau qui laisse des traces profondes sur les victimes, comme sur les auteurs ?
Les premières études le prouvent, ces derniers parvenus à l’âge adulte persistent dans leurs conduites à risques, peinent à s’inscrire dans la relation amicale, la vie conjugale ou de famille, à trouver un emploi autant qu’ils continuent de provoquer la loi.
Consulter le détail des dix mesures Blanquer au programme de la rentrée : https://www.gouvernement.fr/les-dix-nouvelles-mesures-contrele- harcelement-scolaire
* Numéro gratuit abrégé : 3020. Des psychologues et professionnels de l’éducation sont à l’écoute pour soutenir et aider les victimes, parents et témoins d’une situation de harcèlement.
* Un harceleur risque aujourd’hui jusqu’à dix-huit mois de prison avec circonstances aggravantes dans l’incitation au suicide via les réseaux sociaux induisant sanction pénale et amendes.
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