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Le Conseil de Développement 2002-2004, une expérience forte de démocratie participative
A l’heure où l’on parle beaucoup de démocratie participative et comités consultatifs, Ré à la Hune a interrogé Thierry Poitte, qui fut président du Conseil de Développement de l’île de Ré à son lancement, sur cette expérience unique sur notre territoire
Ré à la Hune : Le Conseil de Développement dans ses deux premières années a été particulièrement dynamique. Cet exercice novateur à l’époque n’est pas forcément connu des nouveaux habitants de l’île et un peu vite oublié par d’autres. Pouvez-vous nous en rappeler la genèse et les principales caractéristiques ?
Thierry Poitte : Sous la présidence de Jean Le Mao et première vice-présidence de Lionel Quillet, la Communauté de Communes de l’île de Ré a mis en place le 28 février 2002 le Conseil de Développement du Pays de l’île de Ré (CdV) et a choisi à l’époque, conformément à l’esprit de la loi, que celui-ci s’organise librement. Bénéficiant d’une grande liberté, les commissions ouvertes à tous, ont désigné des rapporteurs. Le CdV était composé de trente membres : dix élus, dix partenaires économiques, sociaux et culturels, et dix associations et citoyens, et piloté par un Bureau constitué de cinq membres*. La Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire (LOADDT), modifiée par la loi Urbanisme et Habitat, énonçait que le CdV était « associé à l’élaboration de la Charte de Développement du Pays et à son suivi ». Cette charte exprimait le projet commun de développement du territoire selon les recommandations inscrites dans les Agendas 21 locaux.
La participation citoyenne a été remarquable, quelle forme a-t-elle pris ?
450 personnes ont participé très librement pendant près de deux ans aux commissions, qui avaient chacune un rapporteur, chargé des les animer et de recueillir la substance des débats et idées proposées. Et les idées ont fusé, du fait de ce mode d’organisation très libre, sans carcan. Le CdV a permis à des gens qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble de se mettre autour d’une table et d’échanger avec leurs points de vue, parfois très différents.
Certes ce vaste brain-storming avait un côté parfois un peu « brouillon », ce qui est la caractéristique même de ce type d’exercice citoyen. Les rapporteurs puis le Bureau ont fait un énorme travail de recueil, de synthèse et de priorisation de toutes ces idées. Les séances plénières du CdV (ses 30 membres) étaient ouvertes bien évidemment au public et ont été très suivies, parfois par plusieurs centaines de personnes.
Comment s’est concrétisée cette première phase du Conseil de Développement ?
La synthèse des grandes orientations de la Charte de Pays a été validée par l’ensemble des 30 membres en janvier 2004, puis présentée aux élus. Ces orientations avaient pour fil rouge une intercommunalité forte et la volonté de contractualiser des engagements dans le respect de la démarche du Développement Durable. Nous avions écrit en préambule de notre synthèse des huit orientations retenues, remise aux élus : « Largement reprise dans toutes les commissions, l’idée d’une intercommunalité forte repose sur la démonstration suivante : tout transfert de la Commune vers la Communauté peut et doit rendre son exercice plus efficace par une mutualisation des moyens. L’intérêt communautaire, c’est-à-dire du Pays de Ré, est la priorité absolue et n’est pas incompatible avec la préservation de l’identité de chaque Commune… C’est dans cet échelon territorial que peuvent s’exprimer les démarches innovantes, proposées par le CdV notamment au niveau de la maîtrise foncière… »
Nous écrivions aussi qu’« au-delà de l’intéressante mutualisation des moyens, l’intercommunalité permet l’aménagement et le développement local ». Nous étions farouchement opposés à une sanctuarisation du territoire mais préconisions a contrario d’ « envisager la protection de l’environnement sous un mode contractuel nouveau dont les principes fondateurs seraient : Un territoire est d’autant mieux protégé qu’il est entretenu et exploité dans le respect du développement durable. Le maintien d’une population mixte en âge et en activité économique est le moyen de préservation de l’environnement et de la cohésion sociale. » Nous préconisions, au-delà de l’application à notre territoire de la démarche Agenda 21, déclinaison locale du Développement Durable, la recherche d’un statut territorial plus ambitieux, celui de Parc Naturel Régional.
Comment a été accueillie cette synthèse des grandes orientations ?
Très vite (au bout de six mois), Jean Le Mao a cédé sa fonction de président de la CdC et a été remplacé par Léon Gendre, résolument contre ces idées de démocratie participative et opposé au CdV. Ce qui a gêné nos travaux, d’autant plus qu’il ne croyait pas en une intercommunalité forte, aux compétences élargies et critiquait allégrement le CdV, qui soit dit en passant était indispensable pour – via la Charte de Pays – contractualiser avec la Région et obtenir un financement. Cela a été une limite forte, alors que Jean Le Mao et Lionel Quillet avaient joué le jeu.
D’ailleurs Lionel Quillet, passé entre-temps dans l’opposition sous la présidence de Léon Gendre, a suivi de près notre travail et m’a dit par la suite que 80% de son programme électoral pour briguer la présidence de la CdC en 2008 était basé sur les réflexions du CdV. Nous insistions sur la nécessité d’une intercommunalité forte aux compétences très élargies, sur une politique de développement durable avec notamment une maîtrise foncière forte, et sur une participation citoyenne. Autant de sujets brûlants d’actualité, si je m’en réfère à vos articles.
Quand je découvre qu’il dit maintenant qu’il « ne garde pas un souvenir extraordinaire du Conseil de Développement », cette absence de mémoire m’inquiète. Et il aurait eu tout à gagner à reconnaître qu’il s’était approprié une bonne part de nos orientations, je vois mal l’intérêt de ne pas reconnaître la qualité d’un travail collectif, il faut être rigoureux sur les propos que l’on tient. 80% de nos préconisations d’il y a seize ans ont été appliquées. Je n’ai aucune amertume, juste de l’inquiétude, quand l’histoire est réécrite. A mon sens, la première qualité d’un homme politique est de voir l’avenir, en s’appuyant avec vérité sur des expériences collectives. Pour ma part je garde un souvenir extraordinaire de cette expérience.
Les élus communautaires ont décidé de mettre en place un Comité Consultatif Citoyen**, dans le cadre de l’élaboration du Schéma de Développement Durable de l’île de Ré, est-ce pour vous une bonne chose ?
Je m’en réjouis et je leur souhaite d’avoir autant de participation que celle que nous avons eue au sein du CdV avec 450 personnes. Et ce Comité aura la chance, contrairement au CdV, d’avoir l’écoute de la Communauté de Communes et des élus, puisque partie intégrante de l’élaboration du Schéma de DD.
Certains vous ont à l’époque reproché de vous servir du Conseil de Développement comme tremplin pour briguer un mandat de conseiller départemental, pourquoi avoir pris ce risque de critique facile ?
Je me suis rendu compte des limites d’un engagement citoyen sans mandat d’élu. Je souhaitais porter les idées fortes, que nous avions collectivement produites, au niveau du Conseil général. C’est pourquoi je me suis présenté face à Léon Gendre, sur le Canton Sud (à l’époque l’île de Ré était divisée en 2 cantons – NDLR). Sans aucune étiquette ni aucun soutien de parti – je n’en souhaitais pas – je suis arrivé en seconde position derrière Léon Gendre (il y avait plusieurs autres candidats) avec 20 % des votes. Pour une première et sans étiquette je trouve ce score très honorable. Aujourd’hui ma vie est ailleurs, avec le recul je ne suis pas fait pour l’univers politique et je regarde avec bienveillance cette nouvelle initiative de participation citoyenne, à laquelle je souhaite bon vent.
Propos recueillis par Nathalie Vauchez
*Le Bureau était composé de Thierry Poitte (Président), Michel Lardeux (Social), Robert Cuq (Environnement), Gilles Brullon (Activités Primaires) et Nathalie Vauchez (développement économique)
**Lire nos deux articles :
Un Comité consultatif pour confronter les idées entre citoyens et élus – Ré à la Hune (realahune.fr)
Comité consultatif citoyen : 25 habitants tirés au sort – Ré à la Hune (realahune.fr)
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