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« Le combat de l’objectivité des élus » face à « une stratégie de repli de l’État »
On a le sentiment d’un jeu du « chat et de la souris » ou d’une « guerre des nerfs » depuis plus d’un an, entre les services de l’État et les élus rétais. Cela pourrait prêter à sourire, sauf que le sujet est suffisamment grave et impliquant pour l’avenir de l’île de Ré, pour que l’on n’en ait plus guère envie. Il n’empêche qu’il y a de quoi y perdre parfois son latin, et laisser les médias perplexes.
En effet, voilà tout juste un an, les élus communautaires, Lionel Quillet en tête, avaient réussi à mobiliser une bonne partie de la population rétaise permanente et secondaire, vent debout contre les modélisations à venir des services de l’État dans le cadre du futur PPRL. Deux grandes réunions publiques avaient fait le plein, à Ars et au Bois- Plage, au cours desquelles les propriétaires du nord et d’une partie du sud de l’île de Ré avaient découvert avec stupéfaction que jusqu’à 90 % de certaines communes pourraient devenir inconstructibles. Le Maire de La Couarde était le premier monté au créneau – technique auprès de la Préfecture et médiatique via une réunion publique – et avait obtenu quelques dérogations pour certains permis de construire.
Les médias ayant aussi largement contribué à et relayé cette mobilisation, la Préfète avait voulu calmer le jeu et les élus semblaient partiellement rassurés. Mais au sortir de leur réunion à la Préfecture, mardi 11 juin dernier, les mines étaient graves, la sérénité et la confiance n’étant plus du tout de mise.
Ainsi, en préambule du conseil communautaire du 13 juin, Lionel Quillet a tenu à faire une déclaration publique solennelle et « musclée », ensuite relayée lors de la session d’été du Conseil général le 17 juin.
« Nous avons mené plusieurs combats durs depuis Xynthia. On nous a d’abord fait part qu’il était dommage que les digues n’avaient pas été mieux entretenues… Nous avons obtenu des financements immédiats pour les travaux d’urgence de niveau 1. Puis nous avons dû mener un second combat, de loin le plus dur, celui des zones noires. L’analyse de la Cour des Comptes deux ans après nous a donné entièrement raison a posteriori, en dénonçant la “surinterprétation” au nom de la “doctrine” de certains hauts fonctionnaires de l’État ». Cela a coûté 200 millions d’€ qui ont été ainsi gâchés et des drames humains, et ces hauts fonctionnaires sont toujours là. La 3ème étape, celle de la construction des digues, nous a amenés à créer la Mission Littorale. Nous avons été contraints par des PAPI très lourds, les élus ont réussi à faire labelliser leurs projets de digues en 2012, beaucoup plus rapidement que prévu. Mais ces procédures n’étant pas encore suffisantes, on nous en impose encore d’autres, environnementales. Aucune digue ne pourra être lancée avant fin 2014 et quand une déclaration ministérielle annonce des travaux à Charron avant fin décembre 2013, et que les populations seront protégées pour l’hiver 2013/2014, c’est totalement faux. Au mieux ce sera en 2015.
Les seuls travaux lancés – ceux de Charron Ouest, du Boutillon (île de Ré) et de Port des Barques – étaient déjà inscrits dans des procédures hors PAPI, lancées avant Xynthia.
Nous n’assumerons pas seuls cette responsabilité, dans le cadre des Plans Communaux de Sauvegarde. Depuis 3 ans, on nous balade, nous n’avons aucune réponse pragmatique de la part du Ministère et ce n’est pas la Mission Pitié qui va résoudre le problème, deux technocrates qui nous ont pris de haut.
Une position de l’État intenable vis-à-vis des populations
Pendant ce temps, l’élaboration du PPRL, elle, avance très vite, avec une doctrine : on modélise sans les digues, on raye les digues… Résultat : là où il y a eu 40 cm d’eau avec Xynthia, la modélisation est à 1,20 mètre d’eau ! Cette théorie de surinterprétation conduit à n’importe quoi, le risque est maximalisé, c’est le repli stratégique. La liste des erreurs techniques est longue, on est sur les mêmes personnes qu’au lendemain de Xynthia dans les cabinets, il s’agit d’une décision politique et d’une doctrine publique. Nous entendons donc partir au combat de l’objectivité. Les 14 millions d’€ mis par l’État sur les digues depuis 2010, et les 30 millions d’€ en cours ne sont pas pris en compte. Cette position est intenable à 3 ans de Xynthia. Je sais d’où cela vient et on ne sécurise pas plus les personnes. Nous devons donner d’ici à la mi-juillet nos réponses communes d’élus, face à cet apocalypse. Derrière des périodes de négociation, on se fait balader et je me demande si ce repli stratégique n’est pas là juste pour ne pas dépenser d’argent sur les digues. Si on n’obtient pas de l’État qu’il revoit ses erreurs, je jetterai l’éponge en tant que président de la Mission Littoral, ce discours est intenable auprès des populations de Charron ou d’ailleurs ».
L’ensemble des élus ont renchérit, les communes du nord de l’île de Ré en tête, et Patrick Rayton se sent particulièrement concerné puisque la commune de La Couarde serait totalement submergée en théorie… Les Maires du sud ont marqué leur solidarité, y compris Léon Gendre, même si la Préfète aurait précisé qu’ « il pourra y avoir des adaptations », laissant ainsi chacun imaginer le sens de ses propos…
Pour Léon Gendre « l’État avance masqué, on a une doctrine ou pas, et il s’agit juste là de la mise en application de la déclaration de Nicolas Sarkozy du 16 mars 2010, au lendemain de Xynthia, ”je ne veux plus personne dans une zone à risque” » !
Vers une simplification et une certaine souplesse des procédures digues ?
Lors de son intervention au Conseil général lundi 17 juin, Lionel Quillet a enfoncé le clou, notamment sur la longueur des procédures digues, pourtant labellisées dans le cadre des PAPI. La Préfète, qui venait d’adresser un courrier au Président du Conseil général (daté du 10 juin 2013), s’est voulue rassurante au cours d’une longue intervention de près de 30 minutes – preuve que la situation est embarrassante ? – en rappelant que la Ministre a confi é une mission d’appui au CGEDD ayant pour objectif de faciliter et raccourcir la concrétisation des projets de digue, avec deux phases, la première d’écoute (qui s’est tenue fi n avril) et de recommandations à droit constant, la seconde de propositions législatives et réglementaires. Elle a rappelé qu’une des pistes envisagées pour la simplification des procédures, concernerait la mise en sécurité d’ouvrages existants fragiles ou dangereux pour un évènement Xynthia. Ce serait une 1ère phase, en l’attente d’études plus longues pour des protections répondant à des évènements supérieurs.
Aussi, pour alimenter la réflexion, elle souhaite connaître les opérations pour lesquelles le CG est maître d’ouvrage et qu’il juge prioritaires pour la sécurisation des populations. Parmi celles-ci, celles consistant en une sécurisation d’ouvrages existants fragiles ou dangereux pour un évènement Xynthia seront identifi ées. Et pourraient donner lieu à travaux en 2014, en suivant toutefois les conclusions du rapport Pitié qui devrait sortir dans les jours à venir…
Au sujet des PPRL, fustigeant quelque peu les opérations de mobilisation de la population menées par les élus rétais à l’été 2012, elle leur a conseillé d’attendre d’avoir les cartes d’aléas avant de réagir.
Si le Président de la CdC de l’île de Ré était redevenu ces derniers jours un peu moins pessimiste concernant les dates de démarrage des digues « PAPI », l’ensemble des élus rétais ne sont pas du tout rassurés au sujet des cartes d’aléas (PPRL), et entendent continuer à faire monter la pression auprès de l’État en alertant et mobilisant la population.
Dans le même temps différentes manifestations de professionnels du bâtiment et de l’immobilier sont envisagées, et la constitution du bureau d’une association de propriétaires potentiellement lésés – déjà en gestation l’été dernier – est en train d’être finalisée (pour en savoir plus dans les prochains jours, consultez notre Site realahune.fr).
Voir l’article consacré au risque d’inconstructibilité dans le nord de l’île
Voir l’article consacré aux conséquences des cartes de niveaux d’eau sur la commune de La Couarde
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