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« Le bio » ou « la Bio », deux approches très différentes
Manger est un des actes les plus simples, il est vital autant que boire et respirer. Se nourrir c’est parler de goût, de convivialité, de partage, de santé. Et pourtant, se nourrir c’est aussi un pouvoir énorme, un vote, un acte très militant. Au quotidien, nous pouvons choisir de manger sain et local, de défendre une agronomie respectueuse de la nature et des hommes. C’est pourquoi, l’équipage de la Biocoop l’Île au Bio (Saint-Martin-de-Ré et prochainement Ars-en-Ré) est fier de supporter cette rubrique de Ré à la Hune. Nous pensons que « Bio à la Hune » pourra nous servir de PHARE sur l’Île de Ré pour guider nos actes d’achats alimentaires, pour comprendre tous les enjeux qui se cachent derrière notre alimentation. Nous pensons que cet outil permettra d’imaginer avec nos collectivités locales, nos producteurs, et chacun d’entre nous, Rétais, un projet alimentaire territorial dont le bon sens nous permettra de léguer un patrimoine « agricole » à nos prochaines générations, un patrimoine digne du patrimoine architectural, naturel et culturel de l’Île de Ré. Nous sommes convaincus que « Bio à Hune » nous aidera à tisser de nouveaux liens forts à la Terre de notre petite Île de Ré, qui nous fascine et nous fait rêver. Dans nos rêves les plus fous, nous imaginons une Île de Ré où 100% de la production agricole soit Bio, un territoire insulaire qui serve de modèle en Nouvelle Aquitaine en France et ailleurs. Nous souhaitons prouver que nous pouvons faire de la Bio, le modèle d’alimentation conventionnel. Bon vent « Bio à la Hune » !
Véritable état d’esprit, la Bio – qui respecte les rythmes de vie – va bien au-delà du bio qui est avant tout un label basé sur une réglementation et ne porte pas toute l’ambition de la bio. Explications
« La Bio est d’abord une forme d’agriculture, un modèle de production qui respecte les rythmes de vie des animaux et des plantes. La Bio porte une cohérence globale sur toute la chaîne de valeurs. C’est une vision de la place de l’humain et de son empreinte sur la planète, une vision du lien entre les acteurs d’une filière de la fourche à la fourchette, une vision de la consommation responsable. La Bio c’est un projet de société où le mode de distribution joue un rôle sur le modèle de production agricole et la qualité des produits… Le bio, lui, est porté par un règlement, un label, des obligations de moyens. Il respecte un cahier des charges, mais ne se préoccupe pas de la relation homme/animal, ni des conditions de travail du paysan, ni de la pérennité… C’est une approche réglementaire et non systémique. » explique Claude Gruffat, coopérateur et président de Biocoop depuis 2004, dans son ouvrage « Les dessous de l’alimentation bio ».
La Bio, une démarche cohérente
Pour les défenseurs de la Bio, la démarche se doit d’être cohérente en tous points : envers son cahier des charges, qui va plus loin que le label bio, avec les attentes des consommateurs (produits de saison et locaux et/ou issus du commerce équitable), avec les différents acteurs de la chaîne (juste rémunération des producteurs et des transformateurs), et avec l’environnement (limitation du gaspillage et des emballages superflus).
Apparu au début des années 1990, lorsque l’Europe pose un cadre réglementaire à la production agricole biologique, le bio devient surtout un cahier des charges fixant des obligations de moyens pour produire bio, s’éloignant ce faisant de la philosophie d’origine. Il fixe un cadre réglementaire de ce que le paysan peut faire ou ne pas faire pour bénéficier du label bio, l’éloignant d’une démarche globale.
Si le label européen bio représente un pas vers une alimentation de meilleure qualité et un environnement mieux protégé, il n’est pas suffisant pour garantir une agriculture soutenable. Le bio autorise 0,9 % d’OGM dans la composition des produits, ainsi que 5 % d’ingrédients chimiques. Les exploitations peuvent avoir un atelier de production en bio, et tout le reste en conventionnel. Il ne prend pas en compte les conditions de travail des paysans et génère de la souffrance animale via des modes de production de masse.
Zéro tolérance pour les pesticides et OGM
A contrario, la Bio témoigne une tolérance zéro pour les pesticides, les OGM et les résidus chimiques de synthèse. Elle complète les règlements du bio, pour aboutir à des produits 100% bio, des fermes 100% bio, le maintien du lien au sol et la limitation du nombre d’animaux par paysan. Elle valorise la biodiversité des espèces, des associations, des rotations de cultures, l’adaptation des espèces aux terroirs. La Bio ne fait appel qu’à des traitements naturels, elle réduit les labours, arrête le désherbage, diversifie les cultures et met un terme à la monoculture. Le sol est vivant et riche, des plants complémentaires permettent d’entretenir sa biodiversité.
Redécouvrir et maîtriser les semences des terroirs
Promouvant un modèle social et économique équitable, dénonçant le pillage des sols, les défenseurs de la Bio prônent le partage des connaissances agronomiques et le droit de produire ses propres semences en toute indépendance des semenciers mondiaux, qui verrouillent le marché. Aujourd’hui la Bio est contrainte d’utiliser les semences inscrites au catalogue du GNIS*, sélectionnées selon les critères du productivisme conventionnel. Or les exploitants de la Bio souhaitent retrouver le droit à leurs semences, adaptées au mode de production naturelle. Maîtriser leurs semences leur permettrait aussi de prélever une partie de la récolte pour pouvoir la semer l’année suivante. Ce que ne permettent pas les semences hybrides F1 qui ne peuvent être resemées, la plante étant dégénérée à la génération F2. Chaque année les paysans doivent acheter de nouvelles semences…
Retrouver notre autonomie alimentaire passe de facto par la redécouverte des semences natives, de terroirs, que l’on maîtrise et partage : c’est aussi cela que la Bio défend.
Le juste prix des produits, pas de coûts cachés
« La Bio est un état d’esprit jusqu’au-boutiste, empreint de pragmatisme et de bon sens, qui s’appuie sur une chaîne de production et distribution cohérente, respectant la valeur pour chacun : producteur, distributeur, consommateur » expliquent Geoffroy Maincent, l’un des trois associés de Biocoop Île de Ré et Ivonig Caillaud, premier exploitant s’étant converti en bio sur l’île de Ré (lire notre portrait en page 19). « La Bio est la plus accessible possible, elle favorise le local, le régional, le national tant dans l’approvisionnement que dans la distribution et pour tout ce qui vient de plus loin elle passe par des labels de commerce équitable Nord- Sud très exigeants ».
Autre sujet majeur en matière de bio, le prix des produits. Celui des produits issus de l’agriculture conventionnelle n’inclue pas les coûts sociaux (en matière de santé notamment) et environnementaux, qui ne sont pas supportés par l’agriculteur, ni par le consommateur. L’agriculture conventionnelle est largement subventionnée, autrement dit financée par la fiscalité des particuliers et la dette publique. La Bio est très peu subventionnée et n’a pas les impacts sanitaires et environnementaux coûteux du conventionnel. Dire que la Bio est plus chère est totalement faux. Elle est à son juste prix, sans coûts cachés, ni aides.
Favoriser les nouvelles installations bio
« La Bio concoure aussi à cette transition sociétale qui crée de la valeur sur les territoires. Elle crée de l’emploi. Sur une même surface agricole, il y a 2,5 fois plus d’emplois créés par la Bio que par l’agriculture conventionnelle » rappellent ses défenseurs.
Aujourd’hui, une quinzaine de producteurs sont en exploitation bio ou en conversion bio (Lire notre article « Les producteurs bio sur l’île de Ré : une espèce en voie de… développement » sur www.realahune.fr ou sur Ré à la Hune N° 223). Tous ces acteurs portent une ambition forte pour une île qui serait exemplaire en la matière. Afin que le mouvement s’amplifie, ils aimeraient que la Communauté de Communes et les Communes de l’île de Ré favorisent et accompagnent l’installation de jeunes exploitants qui s’engagent dans la Bio.
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