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L’avenir de l’île de Ré en danger ?
Quinze jours après avoir été reçus par la Préfète qui leur a remis les cartes des niveaux d’eaux maximaux pour un événement de type « Xynthia + 20 cm », cartes qui sont « opposables » depuis le 21 juin et qui peuvent donc être communiquées à la population, les Maires de 9 communes sur 10, le Président de la Communauté de Communes en tête, sont à nouveau montés au créneau médiatique le 27 juin.
Tout comme à l’été 2012, Lionel Quillet souhaite tout à la fois ne pas être pris en défaut de communication vis à vis des habitants, et exercer une pression forte auprès de l’Etat, via la mobilisation des propriétaires et habitants de l’île de Ré, mais aussi des autres territoires concernés.
Les deux grandes différences par rapport à l’été 2012, au cours duquel les élus avaient déjà fortement mobilisé la population – notamment via deux réunions publiques très suivies – ce qui leur a été vertement reproché, sont le caractère désormais « opposable » de ces cartes des niveaux d’eaux (ils ne peuvent plus légalement accorder les permis de construire) mais aussi le fait qu il s’agit de la dernière étape avant l’élaboration définitive du PPRL (Plan de prévention des risques littoraux). Après, il sera trop tard.
Des cartes désormais « opposables » et l’imminence de la finalisation du PPRL
Dès le 22 juin au matin, le Maire des Portes recevait ainsi le refus des services de l’Etat sur un nouveau permis de construire, en plein centre de village, et ce sont déjà 15 permis qui lui ont été ainsi refusés. Sauf que cette fois-ci, il ne peut passer outre comme il l’a fait dans le passé en accordant certains permis malgré l’avis négatif de l’Etat.
Lionel Quillet a été marqué par le reproche suprême qui a été fait à l’ancien maire de Charron : « Vous ne nous avez pas tenus au courant ». Son tort principal ayant été de « trop suivre la parole de l’Etat ».
Aujourd’hui, après les craintes exprimées à l’été 2012, « la réalité nous rattrape et les cartes qui nous présentées sont encore pires que ce que j’avais présenté l’été dernier, et pour lesquelles on nous avait dit « les élus exagèrent !» ». Il entend donc informer. Et mobiliser. Et les Maires avec lui, qui dans les dix jours organisent des conseils municipaux pour voter une motion. Un dossier complet sera envoyé ensuite aux Préfets de Département et de Région, et à la Ministre.
Tenant à préciser que les relations sont bonnes avec la Préfète Béatrice Abollivier, « qui ne fait qu’appliquer une circulaire ministérielle – celle du 21 juillet 2011 – qui concerne l’ensemble du territoire », il n’a par contre pas ménagé « les experts des Ministères, toujours les mêmes, jamais sanctionnés malgré leurs erreurs passées », et a fustigé une nouvelle fois une « application déraisonnée du principe de précaution et une interprétation maximaliste de la circulaire : Comment peut-on raisonnablement penser qu’en cas d’événement Xynthia les digues céderaient toutes en même temps » a t-il lancé.
« Les ravages sur l’île de Noirmoutier engendrés par l’application maximaliste de cette circulaire, c’est exactement ce que nous ne voulons pas sur l’île de Ré ». Dépassé par les évènements, le Maire de Noirmoutier a déposé un recours gracieux auprès du Président de la République, arguant notamment de l’hérésie à modéliser une rupture des digues 1 heure avant la grande marée et en n’intégrant donc aucun ouvrage de protection des côtes.
Pour contrer cette « position de l’Etat incompréhensible au regard de l’urgence poursuivie, à savoir la sécurité des Rétais et de leurs biens », les 9 Maires présents ont un discours très structuré, autour de trois points : l’urbanisation très modérée du territoire, l’urgence à réaliser les digues labellisées PAPI et ne pas jouer la « stratégie du repli » avec une « vision apocalyptique de la submersion marine ».
Des élus responsables en termes d’urbanisation
Concernant l’urbanisation, il estiment être « des élus responsables quant à l’urbanisation du territoire : c’est le principe du 80/20 ; avec une population permanente de 18 000 habitants, l’île de Ré est un territoire très préservé, inconstructible sur 80% de sa surface, l’urbanisation des 20 % restants étant scrupuleusement encadrée. Cette situation est le résultat conjugué d’un long travail mené depuis 1930 en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés et d’une résistance sans faille des maires à la pression immobilière (absence de digue immobilière). Le SCOT de l’Ile de Ré, devenu exécutoire le 27 décembre 2012, confirme l’engagement des élus de maîtriser le territoire puisque les périmètres extérieurs des communes ont été fermés à l’urbanisation. Seuls les 20% resteront urbanisés. C’est donc à l’intérieur de ce périmètre que les modalités de révision du PPRL, définies par l’Etat, prennent tout leur sens puisqu’elles concernent avant tout l’existant. Les élus de l’Ile de Ré, qui ont été de « bons élèves », ne peuvent aujourd’hui accepter que les 20% existants soient aujourd’hui remis en question et appellent à un PPRL au plus près des risques réels encourus ».
L’urgence est de protéger les populations, en construisant les digues
La priorité pour eux est de réaliser sans délai les digues labellisées PAPI [Programme d’Actions et de Prévention des Inondations].
« Alors qu’il y a urgence à réaliser les digues et que :
► ces travaux ont été labellisés par l’Etat pour un montant de 45 millions d’€ dans le cadre de la procédure des PAPI sur la base d’un évènement d’ampleur type Xynthia +20 cm par la Commission Mixte des Inondations le 12 juillet 2012
► leur financement intégral a été obtenu, pour un montant de 45 millions d’€ [40% Etat ; 20% Conseil Régional ; 20% Conseil Général ; 20 % Communauté de Communes Ile de Ré],
► les Maître d’Ouvrage et Gestionnaire des ouvrages ont été désignés, à savoir le Département, Maître d’ouvrage, la Communauté de Communes de l’Ile de Ré, Gestionnaire,
les procédures étatiques pour ce faire sont interminables ».
Malgré des rencontres au Ministère et la Mission « Pitié / Hélias », « tout se passe comme si l’Etat mettait tout en oeuvre pour empêcher l’exécution des travaux PAPI qui assurent pourtant un niveau de protection contre des évènements type Xynthia +20 cm, au lieu d’accélérer les procédures pour que ces travaux soient effectués le plus rapidement possible et être pris en compte dans le cadre de la révision du PPRL ».
« Défendre l’Ile de Ré contre toute vision apocalyptique de la submersion marine »
« En contradiction totale avec la posture adoptée dans le cadre des digues PAPI, l’Etat a établi une révision du PPRL sur la base d’un scénario apocalyptique dans lequel, notamment, l’ensemble des digues céderait simultanément une heure avant la grande marée, alors que rien dans la circulaire du 27 juillet 2011, relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les PPRL, n’autorise une telle imagination. De même, la projection de la carte de niveau d’eau, présentée et remise aux élus de l’Ile de Ré le 11 juin 2013 (voir ci-dessous) révèle une dangerosité telle qu’elle rendrait inhabitable et inconstructible à 80% le canton nord… (Conséquence entre le niveau d’eau et l’altimétrie des terrains) ».
Très précisément : 79 % des zones urbanisées seraient impactées aux Portes, 76 % à Saint-Clément, 53 % à Ars, 29 % à Loix, 91 % à La Couarde, 2 % à Saint-Martin (tout le Port), 16 % à La Flotte (le Port et en arrière-port jusqu’à la limite de La Croix Michaud), 6 % à Sainte-Marie, 15 % à Rivedoux. Seule la commune du Bois-Plage ne serait pas impactée.
Partout où le risque est « fort » (hauteur d’eau supérieure à 1 m), les permis de construire seront refusés. Pour les zones à « risque modéré » (hauteur d’eau entre 0,50 m et 1 m), les permis seront refusés ou accordés avec prescriptions fortes, là où le risque est « faible » (hauteur d’eau inférieure à 0,50 m), les permis seront accordés avec prescriptions fortes.
Ce que réclament les Maires en urgence
Dénonçant la démarche très « technique » et « théorique » des services de l’Etat, les Maires estiment que l’Etat « ne peut pas s’obstiner à soutenir que la révision du PPRL est sans rapport avec les digues PAPI ». Et que « celles-ci doivent être réalisées de toute urgence pour être prises en compte dans la révision du PPRL ».
Aussi, ils réclament « une révision du PPRL au plus juste et au plus près des risques réels encourus », dénonçant les erreurs et des incohérences contenues dans les hypothèses de calculs, et la non prise en compte dans les simulations du PPRL des 14 millions d’€ de travaux de digues, refaites à neuf depuis Xynthia, alors même que les travaux des digues du PAPI seront lancés un an avant l’approbation définitive du PPRL fixée fin 2015 ».
Les Maires demandent en urgence à avoir communication de l’intégralité des études, données et modalités de calculs de travail de l’Etat (la CdC qui a l’un des mêmes cabinets d’études que l’Etat n’a pas les mêmes réponses que lui de la part de son cabinet…), une réalisation sans délai des digues PAPI et la prise en compte des points suivants : digues PAPI, adaptation réaliste du moment de rupture des digues en fonction du terrain naturel, modélisation selon une hypothèse de rupture progressive des digues, adaptation des coefficients de rugosité au terrain naturel, prise en compte de tous les ouvrages de protection existants (dunes, digues de second rang…), localisation précise des digues, utilisation d’un maillage plus fin …
Sans quoi, c’est toute l’activité économique et sociale de l’île de Ré qui s’arrêterait brusquement, car si le nord de l’île de Ré s’effondre, le sud suivra.
Des Maires très déterminés, face aux graves menaces qui pèsent sur l’avenir économique et social de l’île de Ré
Pour Patrick Rayton, Maire de la commune la plus impactée par ces modélisations, et connu pour son approche raisonnée et tempérée, « les conséquences économiques et sociales (logements, écoles…) seraient dramatiques et il ne serait pas exclu de mener une action contre l’Etat pour absence d’action de défense des côtes », car « que va t-on faire du bâti existant ? Quid de la réfection d’une façade, d’un aménagement d’une pièce en rez-de-chaussée ? Et où va-t-on placer les zones de refuge dans le cadre des Plans communaux de sauvegarde (PCS), puisqu’ils sont en zone submersible… et que toute la commune l’est et que l’accès aux autres communes serait coupé ? Les PCS sont inexploitables en l’état… ». Les autres Maires partagent son analyse.
Mais entre la mobilisation de l’été 2012 et la remise de ces cartes d’aléas, les élus rétais se seraient-ils laissés endormir par les paroles rassurantes et certaines manœuvres des services de l’Etat ?
Lionel Quillet rappelle qu’au contraire ils se sont battus pour sauver le peu qui a été sauvé, que l’île de Ré identifiée comme « un point de blocage fort » a été reléguée en fin de calendrier, qu’il existe un pouvoir de négociation sur les niveaux d’eau, mais que l’on est dans un « Pays de lobbying, et que l’île de Ré est identifiée comme une île riche, aisée, avec beaucoup trop de monde et que finalement il peut s’agir là d’un bon moyen d’arrêter toute construction et de limiter la capacité d’accueil. La position d’un des plus grands avocats lobbyistes de France est indécente, sur une île où 11 mois sur 12 tout le monde vit sans surfréquentation ».
« On nous a empêchés de reconstruire des digues plus hautes, on nous sort des cartes telles que les justifications « ACB » (analyse coût bénéfice) des digues tomberaient toutes et CQFD il serait inutile de construire des digues. C‘est le « repli stratégique », doctrine chère à certains. Elle consiste à ne pas donner la parole aux élus, puis à reculer sur la construction des digues censées protéger les populations, pour enfin évacuer les populations ». Ceci sans aucun enjeu financier pour l’Etat (aucune indemnisation des propriétaires lésés, puisque prévenus qu’ils sont en zone de risque).
Les Maires rétais n’entendent pas se laisser faire. Animés par un grand sentiment d’injustice, mais toujours combatifs et très unis et solidaires, tous les Maires présents ont réaffirmé leur intention de monter au créneau pour que la « cohérence territoriale » (en référence au SCOT ou « schéma de cohérence territoriale ») l’emporte. Ne se plaçant en aucun cas « dans une logique électoraliste » car n’ayant plus rien à perdre, ils seront certainement très soutenus dans leur démarche offensive par la population, la plupart d’entre eux ayant assis leur légitimité au cours de ce mandat.
Ainsi, avant les réunions publiques prévues en août, une première grande réunion publique aura lieu le vendredi 5 juillet à 19 heures au Bois-Plage (salle du Gymnase). En espérant que l’Etat saura entendre le cri d’un territoire tout entier et n’aura pas la prétention de croire encore qu’il est « infaillible » après ses erreurs d’appréciation post-Xynthia, qui furent dénoncées par la Cour des Comptes.
Voir la carte globale île de Ré des niveaux d’eau maximaux
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