- Environnement & Patrimoine
- Protection des cordons dunaires
L’arrachage des Yuccas sur les dunes en débat
Scandalisés par l’arrachage de Yuccas dans les dunes boitaises, avec une pelleteuse, début novembre, Gérard Juin et Jean-Roch Meslin, président et membre actif de Dunes Attitudes, s’insurgent de façon passionnée contre ces pratiques. Sylvie Dubois, directrice Environnement de la CdC leur répond avant tout sur un plan technique.
« Ces plantes font partie depuis des années du paysage rétais, même si elles ont été introduites par des jardineries ornementales. La reproduction en France ne peut se faire que par « bouturage » et aucunement par pollinisation. Les Yuccas ne modifient en rien la biodiversité des espèces locales et ne sont en aucun cas invasifs. Tout au plus, on peut les qualifier d’exotiques.
L’image choc d’une pelleteuse sur la dune
Des associations et des élus communiquent depuis années sur le fait qu’il faut sensibiliser le grand public à la protection dunaire en interdisant leurs accès et en insistant sur le fait que tout piétinement fragilise le milieu végétal. L’objectif étant bien sûr de limiter son érosion et de fixer le sable le plus possible. Alors comment peut-on arracher à l’aide d’une pelleteuse ces plantes, labourer la couche végétale, faire des trous béants pour les déterrer, et même ébouler la dune pour arracher ceux qui étaient proche du côté plage ?
Sachant que les rejets de ces plantes, présents tout autour des sites concernés repousseront, il faudra tout recommencer dans deux ou trois ans… à la pelleteuse… L’ONF qui exécute ce travail avec l’accord de certaines instances de l’Etat ne trouve rien de choquant dans cette destruction incompréhensible ; L’utilisation d’une pelleteuse est la seule méthode possible selon lui.
Au lieu de s’acharner sur ces plantes, il serait peut-être temps de réfléchir aux conséquences de telles pratiques. Arracher les silhouettes très graphiques des yuccas qui font partie intégrante du décor naturel rétais et martyriser le fragile cordon dunaire qui fait office de barrières naturelles pour protéger nos villages des tempêtes et des submersions marines est un nonsens, quand on parle de protection de sites naturels… » écrivent les membres de Dunes Attitudes dans un communiqué.
« Une espèce non invasive » selon la Société Botanique du Centre-Ouest, auprès de laquelle Jean-Roch Meslin s’est renseigné. « Cela reste à voir », rétorque Sylvie Dubois, directrice Environnement de la Communauté de Communes, en écho de l’ONF qui estime que si le yucca s’étalait sur 400 m2 en 2002, il envahit 3 000 m2 aujourd’hui.
« En outre, renchérit Jean-Roch Meslin, pour évacuer les quinze tonnes de Yuccas arrachés, ils vont devoir venir avec des gros tracteurs. On fait de la pédagogie pour expliquer aux Rétais et aux touristes qu’il ne faut pas piétiner les dunes, et l’ONF laboure tout avec une pelleteuse dont les chenilles ont laminé le terrain et y creuse des trous, demain ce seront les tracteurs, c’est incompréhensible ».
« Des habitats naturels dunaires rares et menacés »
« Je m’étonne du débat lancé par Dunes Attitudes via les médias, alors que tout le monde a mon téléphone et que nous sommes sur un petit territoire sur lequel on devrait pouvoir se parler ». Si elle reconnaît qu’il y a eu déficit de communication et d’explication de la part de l’ONF dans cette opération, la directrice Environnement l’assume en revanche parfaitement :
« Oui bien sûr la CdC cautionne cette action, puisqu’elle subventionne l’ONF pour notamment entretenir les cordons dunaires. Il faut rappeler que le Yucca est une espèce exotique originaire du Mexique, splendide dans nos jardins, mais qui n’a rien à faire dans les milieux naturels. Elle devient envahissante au même titre que le Baccharis et l’Ailante. L’île de Ré abrite des habitats naturels dunaires d’un grand intérêt patrimonial, prioritaires dans le cadre de la Directive Européenne des habitats rares particulièrement menacés. Il est inconcevable de laisser des plantes exotiques s’installer sur de tels habitats rares et menacés. En outre, les racines pivotantes des Yuccas font qu’ils n’ont aucun rôle de maintien et de stabilisation de la dune. Et oui la seule façon de les arracher est de recourir à des moyens mécaniques, au regard de la dureté, des piquants et du caractère compact des Yuccas. Cette intervention en milieux sensibles et tout à fait exceptionnelle ».
Un combat contre les espèces invasives perdu d’avance ?
Dunes Attitudes estime de son côté que ces actions ne servent à rien puisque là où des Yuccas ont été arrachés, par exemple aux Petites Folies à La Couarde il y a un an, ils repoussent. « Oui c’est vrai pour le Yucca comme pour le Baccharis et l’Ailante, on sait qu’il faut revenir plusieurs années de suite, a fortiori pour une espèce exotique envahissante aux grandes qualités de reproduction par bouturage, il faut être sérieux au plan technique » répond Sylvie Dubois. « D’ailleurs nous avons édité un petit livret l’an passé téléchargeable sur notre site dans lequel nous recensons les trente espèces exotiques envahissantes, le Yucca en fait partie. Il doit rester une espèce de jardin ».
A la question posée par Ré à la Hune de savoir si le combat mené depuis plusieurs années contre les plantes envahissantes de type Baccharis et Ailante gagnait du terrain, Sylvie Dubois reconnaît qu’il est difficile voire impossible : « Nous dépensons du temps et de l’argent pour l’arrachage de ces plantes sur les parcelles du Conservatoire du Littoral, mais nous ne pouvons agir sur les parcelles privées qui souvent les jouxtent ». Les Yuccas ayant envahi les jardins, il est à craindre qu’il n’en soit de même…
Au-delà de ce débat, Dunes Attitudes regrette de n’être jamais consultée ni associée : « Nous étions une association boitaise, on nous a encouragés dans l’opération des Sapins, demandé de devenir Dunes Attitudes île de Ré, mais on ne nous sollicite jamais » regrette le président, Gérard Juin. « Nous allons nous rencontrer très prochainement pour évoquer tout cela » temporise Sylvie Dubois.
Pour le moment chacun campe sur ses positions.
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