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L’ancêtre du « Chat Botté »
Il y a pratiquement un siècle, 97 ans très exactement, naissait « Chez Florent », l’ancêtre de l’actuel restaurant le « Chat Botté ». Le Florent en question était le grand-père des enfants Massé et en particulier de Daniel et Rémi qui firent, eux aussi, leur chemin dans la restauration.
Dans ce nord de l’île plutôt pauvre à l’époque, Saint-Clément des Baleines était constitué de cinq hameaux : le Chabot, le Gillieux, La Tricherie, le Griveau et le Godinand. C’est sur la petite route allant du Chabot au Phare des Baleines que Florent et Olga Massé créent en 1921 une épicerie qui vend aussi bien de la garbure, du poisson que des fruits et légumes. Il existait une autre épicerie appartenant à un homonyme, Gilbert Massé, mais installée au Gillieux. Une parisienne avait bien tenté d’accaparer la clientèle du Chabot en créant une supérette ; la réaction d’Olga avait été fulgurante : ayant harnaché un âne en costume, elle fit du porte à porte et de la livraison à domicile ! Rapidement l’épicerie élargit la gamme des services qu’elle propose et un débit de boisson puis un restaurant voient le jour.
Florent, « le Pagnol de l’île de Ré » comme le qualifie son petit-fils Daniel Massé, allait donner à cette famille une formidable impulsion qui dura trois générations. L’homme était chaleureux et entreprenant. Visionnaire, il avait pressenti le potentiel touristique de l’île et il poussa à la reprise de « l’Hôtel des Voyageurs », qui durant la Deuxième Guerre mondiale fit hélas office de Kommandantur ! Florent était sur tous les fronts : le bar, l’épicerie, le restaurant… pendant qu’Olga était aux fourneaux où déjà elle concoctait les recettes qui feraient le succès de l’établissement, dont le vol-au-vent de crabes décortiqués et les petits fagots de couteaux farcis du Martray ! La cuisine était familiale : les produits venaient du terroir, la pêche était locale et l’on dégustait ce qui figurait au menu du jour. Convivial, s’il se trouvait dans l’obligation de faire attendre des clients, Florent leur offrait un petit verre de pineau. Quant au vin, il n’y en avait qu’un, en rouge et blanc, celui de Simon Menauteau livré en fûts.
Le coeur de vie du village
Le bar situé au fond de la cour était l’attraction et le coeur de vie du village. Les commerçants se levaient de bonne heure et s’octroyaient une longue pause à midi. Tous, charcutier, boulanger, poissonnier se retrouvaient au bar de Florent où, prenant l’apéritif, ils mettaient une ambiance d’enfer. Les pêcheurs arrivaient avec leurs paniers remplis de homards et ce n’est qu’après leur avoir servi plusieurs tournées de pastis que Florent commençait à discuter les prix qu’il réussissait à faire baisser suffisamment pour qu’Olga en propose dans ses menus. Il y avait un billard, qui restera présent jusque dans les années 90, et le dimanche on jouait à « la poule à l’assiette ». La mise s’élevait à 5 F et si on touchait l’assiette qui se trouvait sur le billard, il fallait y déposer 2 F ! Dans la même salle on jouait également aux cartes : à la Belote et au Tarot. Tout le monde fumait ; certains soirs on ne se voyait pas à trois mètres et pendant ce temps-là, le bar marchait ! Le samedi et le dimanche après-midi, le dancing attirait la jeunesse du canton nord qui venait danser sur la musique d’un orchestre venant de Sainte-Marie.
Le Chat Botté
Quarante ans plus tard Olga ayant fait un infarctus, Suzanne, sa belle-fille, reprend les fourneaux au pied levé. Ayant poussé Léon Massé, son mari, à reprendre l’affaire, celui-ci débaptise le restaurant et c’est Suzanne qui est à l’origine du nouveau nom « Le Chat Botté » se référant au hameau le Chabot. L’établissement est totalement modifié prenant la structure moderne que nous lui connaissons avec d’un côté l’hôtel et de l’autre le restaurant.
Suzanne fait une cuisine authentique et ses recettes « phares » viennent s’ajouter à celles d’Olga. Certains plats comme la mouclade ou les anguilles grillées dans la cheminée attiraient les amateurs de toute l’île. La famille était soudée dans le travail et les enfants participaient aux travaux qui leur étaient accessibles dès leur plus jeune âge. Françoise, l’aînée des sept enfants du couple, aidait déjà à l’épicerie du temps des grands-parents. Daniel après des années d’épluchage de légumes était passé aux fourneaux où il crée, en 1975, sa fameuse recette du bar en croute que sa mère conserva à la carte. Le restaurant avait été agrandi et lors des banquets on y servait jusqu’à 180 personnes.
Suzanne tenait également le bar où assise derrière sa caisse, elle trouvait le moyen, tout en faisant la conversation aux clients, de faire du canevas. On lui doit un grand portrait en pied du Chat Botté qui, aujourd’hui encore, figure dans le restaurant. Le camping du village accueillait en saison environ 1 500 personnes qui ne sortaient pas de Saint-Clément pour l’apéritif et le bar ne désemplissait pas !
Léon de son côté ne chômait pas ! La salle de restaurant était son domaine, mais il fut en même temps conseiller municipal pendant trente ans, maire de 1989 à 1995, président de l’Office de Tourisme, sapeur-pompier et saxophoniste dans la fanfare de Saint-Clément. Il s’investit en faveur du pont de l’île et trouvait encore le moyen d’aller à la pêche où il prit en août 1959 un maigre de 56 kg, qu’il partagea avec les Villageois.
De tempérament festif, Léon et Suzanne adoraient les déguisements. Ils animèrent Saint-Clément de leurs joyeuses fêtes. Mardi Gras, entre autres, était une occasion pour tout le village de festoyer pendant une semaine et le bal masqué et costumé pouvait rassembler jusqu’à 400 personnes et parfois plus ! Certains costumes très réussis, comme ceux de l’épouse du Dr Delos d’Ars, raflaient tous les prix. Et c’est bien sûr chez eux que se fit le repas du centenaire de la commune en 1974 qui accueillit 200 convives.
Dès cette époque, le restaurant était fréquenté par des artistes, des écrivains et des hommes politiques qui firent la renommée du « Chat Botté » des temps modernes. Mais ceci est une autre histoire.
Catherine Bréjat
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