Lancastria, devoir de mémoire autour d’une tragédie

A deux jours de la commémoration de l’appel du 18 juin 1940, le cimetière du Bois-Plage a accueilli une cérémonie d’hommage aux soldats britanniques inhumés en terre rétaise.

« Le 16 juin 2023, les élèves de la classe Défense du collège Pierre Mendès France et les volontaires du 3ème régiment du Service militaire volontaire de La Rochelle, ont souhaité rendre hommage aux soldats et aux victimes civiles britanniques décédées suite au naufrage du Lancastria le 17 juin 1940, en déposant ici une urne contenant des pierres du Royaume-Uni. »

Derrière ce court texte gravé sur une plaque commémorative, de symboliques rencontres …. L’Histoire, la grande, composée de tant de petites, la résonance entre passé et présent et le devoir de mémoire. Retour sur un moment solennel et émouvant.

17 juin 1940

Il y a quelques heures, le Maréchal Pétain a annoncé la capitulation de la France. Vers 15h30 à Saint-Nazaire, le paquebot transatlantique Lancastria largue ses amarres, missionné par Sir Winston Churchill pour rapatrier le corps expéditionnaire en Angleterre. A son bord, Français, Canadiens, Belges, Polonais… A 15h50, un premier choc. Dans les airs, un bombardier allemand lâche quatre bombes. Deux manqueront leurs cibles mais les deux autres auront raison du navire.

A 16h12, le paquebot coule. Sur les 6 à 9 000 personnes embarquées, seules 2 477 survivront. Le lendemain 18 juin, le Général de Gaulle prononcera de Londres des phrases gravées dans l’Histoire.

Se comptant par milliers, les corps de certaines victimes dériveront sur des kilomètres jusqu’aux rivages de l’Ile de Ré, où ils seront enterrés là où les déposera l’océan. Sur l’Ile de Ré, c’est au Bois-Plage qu’ils sont les plus nombreux.

16 juin 2023

La cérémonie sous protocole militaire qui se déroule dans le cimetière boitais en présence de nombreux officiels est la conclusion d’un projet pédagogique, initié par le professeur d’histoire et de géographie au Collège Pierre Mendès France, Gérald Sim, secondé de deux collègues, l’un enseignant la même discipline et l’autre l’anglais.

Alors que « l’action éducative s’est longtemps appuyée sur des témoignages qui disparaissent aujourd’hui, la charge de la transmission revient aux enseignants », explique Gérald Sim nous racontant l’histoire du Lancastria et le « travail biographique de passeur d’Histoire » fait sur cette tragédie par ses élèves. Après de nombreuses recherches et des prises de contact avec les communes d’Outre- Manche, il mène à la création d’un livre numérique écrit dans les deux langues sur les soldats britanniques enterrés sur l’Île de Ré. Et à cette cérémonie.

Lectures et hommages

Les acteurs principaux en sont les élèves, prenant tour à tour le micro pour des lectures, biographies réalisées par leurs soins et une lettre, celle d’un rescapé de la tragédie à sa fiancée, précieux document retrouvé par un élu britannique suite à un appel à témoignages. Après quelques mots du Président de l’association Lancastria, venu de Saint-Nazaire pour l’occasion, ce sont eux encore qui déposeront au pied de la plaque commémorative dévoilée, un peu de terre et de pierres britanniques puis des roses et des bougies sur chacune des tombes.

Enfin, avec les jeunes du 3ème régiment du SMV*, ils citent, un à un, les soldats britanniques « Morts en service », avant de céder la place aux officiels pour un dépôt de gerbe précédant une minute de silence chargée d’émotion.

Pris entre deux dates de l’Histoire en majuscules, il reste aujourd’hui du Lancastria une épave reposant par 24 mètres de fond à 17 km au Sud de Saint-Nazaire, dont l’emplacement est signalé par une bouée rouge, un chemin de mémoire, une plaque commémorative à l’entrée du marais breton. Et des tombes un peu partout sur la côte atlantique.

Alors que le bruit des bombes résonne de nouveau en Europe, la cérémonie boitaise fut, comme toute commémoration, un hommage aux morts. Portée par la jeune génération, elle se fait aussi hymne à la Paix.

*SMV : Service militaire volontaire