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L’âge d’or des colonies de vacances de l’île de Ré
L’île de Ré fut à un moment de son histoire le paradis des colonies de vacances. Certaines furent éphémères, d’autres accueillirent les enfants pendant des décennies. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
L’implantation dans l’île de ces colonies de vacances remonte à la fin de la Première Guerre mondiale. Il s’agissait alors de structures d’accueil pour enfants malades, souffrant notamment de la tuberculose. La deuxième phase, de 1946 à 1950, a vu un important développement de ces établissements, quant à la troisième phase, elle se déroule à partir de 1957-1958 et correspond à des créations plus modestes du point de vue de la taille, le prix des terrains ayant beaucoup augmenté.
Le boom des colonies de vacances
C’est au moment de la deuxième phase que le nombre de colonies s’est considérablement développé, accompagnant la courbe galopante de la natalité pour atteindre son apogée dans les années 60.
L’État conscient de la mauvaise situation sanitaire qui prévalait chez les milliers d’orphelins de guerre prit les choses en main et devint un partenaire majeur de l’organisation des colonies de vacances, finançant jusqu’à 50% du séjour des enfants, un soutien qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 60 et qui sera pour beaucoup dans l’évolution de ce secteur.
A la différence des établissements ayant vu le jour lors de la première période et que l’on peut qualifier de colonies sanitaires, ceux de la deuxième sont saisonniers. Ces colonies connaissent un essor particulier en même temps que l’image de l’île évolue et qu’elle est considérée comme un lieu de lumière en raison de son ensoleillement annuel et de sa luminosité, mais aussi pour son environnement maritime dont les bienfaits sur la santé sont reconnus et vantés.
Une vingtaine de colonies dans l’île
Les organismes à l’origine de leurs créations sont des villes et des communes comme c’est le cas pour la colonie Toiras, de la ville de Paris, à Saint-Martin, et le Domaine de Coquereau, de la ville de Niort, à La Flotte, ou bien des Comités d’Entreprise tel celui des usines Péchiney au Bois- Plage, des cognacs Martell à Loix ou de Michelin à Saint-Clément. Un Département peut être à l’origine de leur existence, comme celui de l’Eure au Fort La Prée, à La Flotte, et à L’îlot Normand, au Bois-Plage. Parmi la vingtaine de colonies rétaises, trois d’entre elles avaient un caractère religieux reconnu : La Maison du Soleil à La Flotte, était d’obédience protestante et gérée par un pasteur et son épouse. Les Horizons de France à Sainte-Marie appartenaient à la paroisse Saint-André de Châteauroux, de confession catholique, ainsi que la colonie de la Passe, fondée par la paroisse Saint-François de Saint- Etienne. Quant à la colonie Paul Firino des cognacs Martell, dirigée par le père Ballot à la fin des années 20, elle était évidemment proche de l’Église catholique. Seuls deux villages n’accueilleront aucune colonie : Rivedoux- Plage et Les Portes.
Ces structures représentent un début d’autonomie pour les enfants qui quittaient leur foyer familial pour la première fois et découvraient les activités de plein air. Le nombre de jeunes colons a été multiplié par trois en France entre 1945 et 1948 et l’île de Ré, subissant cette augmentation, devra s’adapter et développer des structures pour accueillir tous ces enfants.
C’est le moment où, dans ces structures, s’estompe la prévention médicale au profit du développement des loisirs. Des espaces sont aménagés pour les jeux (basket, volley, foot) nécessitant des terrains plus vastes pour les implantations. Parallèlement, on assiste à une restructuration des effectifs : les groupes ne dépassent pas 40 à 50 enfants alors que certaines colonies en recevaient précédemment jusqu’à 220 et parfois plus. Les établissements ont le droit d’accueillir plus d’enfants, mais ils doivent être répartis en groupes homogènes et par tranche d’âge, ce qui suppose une nouvelle conception de l’aménagement des bâtiments, les enfants étant jusque-là hébergés la plupart du temps sous des tentes et des marabouts. Une architecture plus éclatée et plus fonctionnelle apparaît, privilégiant les services communs parfois sous forme de pavillons individuels (réfectoire, administration, infirmerie).
Les « Rouges » envahissent La Couarde
En 1925, le conseil municipal d’Ivrysur- Seine, le premier à être communiste, prendra des mesures bénéfiques aux enfants. La municipalité crée l’association Vacances Populaires Enfantines (V.P.E.) et achète en 1927 un immeuble à La Couarde, rue Aristide Briand, capable d’accueillir 90 enfants. La Couarde est alors la commune la plus huppée de l’île de Ré. « Les modèles de société et d’éducation portés par les différents partis politiques vont s’opposer sur les plages rétaises », comme le remarque Christophe Bertaud (1). En effet, les conflits entre les baigneurs et les jeunes colons qui se rendent à la plage en chantant l’International, ou d’autres chants révolutionnaires, ne tardent pas et atteignent leur paroxysme en 1928. Il faudra tout le doigté de Gaston Bonnin, maire de l’époque, pour apaiser les tensions et rendre possible la cohabitation sur le sable.
Dans le même ordre d’idée, en février 1939, les V.P.E. Henri Barbusse à La Couarde accueilleront 265 enfants réfugiés de Républicains espagnols. Ils profiteront du climat de l’île jusqu’en juin 1939 avant d’être transférés aux Mathes et ne seront jamais rejoints par les 200 autres enfants qui devaient arriver et seront également redirigés vers les Mathes.
Séjourner dans un lieu emblématique
D’autres enfants eurent le privilège de séjourner dans le lieu historique du Fort la Prée, qui participa au siège de 1627 en cachant une partie des troupes venues au renfort du gouverneur Toiras. Les petits colons apprécient le décor, les histoires qui le hantent et la plage privée où, bon an mal an, ils apprennent à nager. Les témoignages que l’on peut lire dans le cadre de l’exposition permanente qui se tient au Fort la Prée montrent que les enfants, au contact d’une nature unique et préservée, n’avaient pas le temps de s’ennuyer, les activités de plein air étaient nombreuses et les veillées avec feu de camp et en musique, laissèrent des souvenirs impérissables ! Pour les jours pluvieux, il existait également des activités manuelles et des ateliers de photographie et de travail du bois et de la corde.
Le déclin
Que s’est-il passé pour que seules deux unités soient encore opérationnelles aujourd’hui : La Passe à La Couarde qui accueille des groupes familiaux, scolaires et associatifs et la Grainetière à La Flotte ? A partir des années 1980, une baisse progressive des effectifs est enregistrée ; la durée des séjours diminue passant de cinq à trois, puis à deux semaines de vacances dans les centres. La législation, devenue très exigeante, s’accompagne de nombreux contrôles et la remise aux normes des infrastructures pèse dans le budget des communes. De plus, les aides et subventions de l’État diminuent et les Comités d’Entreprises se désengagent, rendant ainsi la gestion des colonies plus difficiles, les obligeant à répercuter leurs charges sur les familles des jeunes colons. De son côté, la société évolue vers des vacances familiales où les parents gardent leurs enfants auprès d’eux. La pression immobilière, particulièrement sur les propriétés en bord de mer, s’accentue et les colonies expérimentant de trop grandes difficultés financières se laissent séduire par le chant des agents immobiliers.
Les colonies disparaîtront progressivement et connaîtront des sorts divers. Certaines seront vendues comme le Domaine du Coquereau à La Flotte et la colonie Pasteur à La Couarde, ou détruites telles les colonies Barbusse et Belvédère, à La Couarde. Toutes les quatre seront remplacées par des lotissements. Le Clos Marin au Bois-Plage accueille des logements communaux depuis 2005 et un centre social. Les colonies Velaudin au Gillieux, Michelin au Griveau et Bellerive-sur-Allier à La Couarde ont vu leurs locaux transformés en appartements individuels pour le personnel d’entreprises. Les bâtiments des Horizons de France, à Sainte- Marie, seront loués à une école privée formant des infirmières. Le Préau, à Saint- Martin, après avoi r appartenu au Conseil général est la propriété de la CdC et héberge depuis 2007 six gardes républicaines et leurs chevaux. Quant aux colonies du Fort la Prée et de la Maison du Soleil, toutes deux à La Flotte, elles ont simplement cessé leur activité. D’autres ont connu un destin moins glorieux ; la caserne de la colonie Toiras (colonie de la ville de Paris) à Saint-Martin, a été transformée en prison.
Au final, pratiquement tous les sites ont été reconvertis, à part les deux seuls qui fonctionnent encore (La Passe et la Grainetière) probablement parce que leur management a su faire évoluer leurs prestations à temps.
(1) cf page 598 et 599 de l’Histoire de l’île de Ré, des origines à nos jours – le Croît Vif – GER
Bibliographie
Histoire de l’île de Ré, des origines à nos jours – Mickaël Augeron – Jacques Boucard – Pascal Even – Le Croît Vif- GER – 2016
L’île de Ré de 1875 à 1990 (Ses plages – Ses colonies de vacances – Ses centres marins) – André Diédrich – Nouvelles éditions Bordessoules – 2017
Histoire de la Santé, du premier cri au dernier souffle (ouvrage édité par la Communauté de Communes de l’île de Ré) – 2022
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Vos réactions
Bonjour
J’ai tourné le film suivant :
1968 août ; film 8mm couleurs, muet, 13 minutes, 2,14 Go ; Colo de la ville de Meaux Le Préau (Saint-Martin-de-Ré, île de Ré) dirigée par Daniel et Yolande Louis ;
Maggy (l’infirmière), les moniteurs Axel et Tristan Dubus, Alain Brulé, Rémy Bun, Christian Brodard (moniteur de voiles), Mme Garnet etc.
Merci de m’indiquer si ce film intéresse une archive.
Jean-Paul Farruggia
2091 route de Crieur
58110 Aunay-en-Bazois
03 86 78 10 89
farru30@wanadoo.fr