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La terre, le patrimoine oublié de l’île de Ré ?
Manger est un des actes les plus simples, il est vital autant que boire et respirer. Se nourrir c’est parler de goût, de convivialité, de partage, de santé. Et pourtant, se nourrir c’est aussi un pouvoir énorme, un vote, un acte très militant.
Au quotidien, nous pouvons choisir de manger sain et local, de défendre une agronomie respectueuse de la nature et des hommes.
C’est pourquoi, l’équipage de la Biocoop l’Île au Bio (Saint-Martin-de-Ré et prochainement Ars-en-Ré) est fier de supporter cette rubrique de Ré à la Hune. Nous pensons que « Bio à la Hune » pourra nous servir de PHARE sur l’Île de Ré pour guider nos actes d’achats alimentaires, pour comprendre tous les enjeux qui se cachent derrière notre alimentation. Nous pensons que cet outil permettra d’imaginer avec nos collectivités locales, nos producteurs, et chacun d’entre nous, Rétais, un projet alimentaire territorial dont le bon sens nous permettra de léguer un patrimoine « agricole » à nos prochaines générations, un patrimoine digne du patrimoine architectural, naturel et culturel de l’Île de Ré.
Nous sommes convaincus que « Bio à Hune » nous aidera à tisser de nouveaux liens forts à la Terre de notre petite Île de Ré, qui nous fascine et nous fait rêver. Dans nos rêves les plus fous, nous imaginons une Île de Ré où 100% de la production agricole soit Bio, un territoire insulaire qui serve de modèle en Nouvelle Aquitaine en France et ailleurs. Nous souhaitons prouver que nous pouvons faire de la Bio, le modèle d’alimentation conventionnel.
Bon vent « Bio à la Hune » !
La biodiversité du sol constituera le principal atout de demain, dans une société qui rejette de plus en plus les intrants chimiques. La dynamique citoyenne qui se crée autour de la qualité des sols représente un vrai enjeu. Qu’en est-il sur l’île de Ré ?
L’agro-écologie pourrait nourrir le monde, bien mieux que l’agriculture industrielle. Mode de production basé sur l’équilibre des écosystèmes et la complémentarité biologique entre les plantes, les arbres et les animaux, ce système qui imite la nature, considère le sol comme la clé, au contraire de l’agriculture industrielle qui appréhende le sol comme un support, réceptacle de produits chimiques.
Le sol au coeur de démarches vertueuses
Ecosystème vivant et complexe, au patrimoine biologique riche, le sol remplit des fonctions et services essentiels aux sociétés humaines : production alimentaire, atténuation des changements climatiques, dépollution… 30% de de la biodiversité totale de la Terre est abritée dans le sol, qui renferme environ un million d’espèces de bactéries et 100 000 espèces de champignons par gramme de sol. Les communautés microbiennes du sol représentent une biomasse de 2 à 10 tonnes de carbone par hectare.
Ressource fragile, le sol est soumis à de multiples menaces et non renouvelable à l’échelle humaine. 0,05 mm, c’est la quantité de sol formé par an en moyenne. Il faut donc, pour un sol moyennement profond (1 m à 1,50 m) environ 10 000 à 100 000 ans pour le former. Si plusieurs siècles sont nécessaires pour le former, il peut être dégradé très rapidement sous l’effet notamment des activités anthropiques.
Les transitions agricoles visant à préserver la qualité biologique des sols intègrent notamment des semis sans labour, des amendements organiques, une augmentation de la couverture végétale et la réduction d’intrants chimiques de synthèse par des intrants naturels. La biodiversité du sol sera le principal atout de l’agriculture de demain. Les nouvelles générations d’agriculteurs en prennent de plus en plus conscience. L’île de Ré compte une quinzaine de producteurs bio ou en conversion bio (lire Ré à la Hune 223).
Sur l’île de Ré, un patrimoine fragile
Au Bois-Plage, Jean-Baptiste Lacombe en fait partie. Nous l’avons rencontré avec Geoffroy Maincent, à la Biocoop L’Île au Bio. « Nous avons un patrimoine extraordinaire, mais l’île de Ré est fragile et tout le monde ne s’en rend pas bien compte. Nous avons trois types de sols : sableux, calcaire et salin. Si l’on juxtapose la cartographie de nos sols rétais (voir ci-contre) avec une carte altimétrique, on le voit très nettement. Les sols calcaires se trouvent sur les points hauts, les zones inondables comme à La Couarde sont difficiles à travailler. Autre constat frappant : la proximité entre les zones agricoles et celles d’exploitation du sel, des huîtres ou des moules. On constate une forte interdépendance de ces activités terrestres et marines, on comprend bien intuitivement combien il est important de respecter les équilibres du sol dans ces zones afin de ne pas dégrader la qualité des produits de la mer et des marais salants. Les territoires terrestres et marins composent un macro système à aborder dans sa globalité », expliquent-ils.
Baisse de 50 % des terres exploitées en 15 ans
Autre constat marquant : « En 2005 il y avait encore 2500 à 3000 hectares cultivés, aujourd’hui il n’y en a guère plus que 1500 hectares. Les jeunes ont compris les conséquences de l’agriculture conventionnelle, il ne s’agit pas d’accabler nos aînés, mais de revenir à l’agriculture de terroir, qui a fait la richesse de la France et de l’île de Ré, avant que le transport ne vienne tout bouleverser. On a oublié les ancrages territoriaux. Se convertir ou s’installer en bio demande beaucoup d’efforts, on ne récolte les premiers fruits de ce travail qu’au bout de cinq ans, il faut cinq à dix ans pour remettre un sol vivant, bien équilibré, le sol est résilient mais il faut du temps. Il n’y a qu’à voir comment en montagne ils arrivent à faire pousser sur des sols arides, à force de patience et de volonté, toutes sortes de fruits et légumes. Il y a autant de modes de production bio que de producteurs bio, chacun a sa méthode, ses expérimentations. On constate aussi comment on peut récupérer la fertilité des sols en renonçant aux monocultures. L’agroforesterie est également très intéressante : les résultats de l’association culturale (arbres/maraîchage) comparés à ceux d’une parcelle conventionnelle sont jusqu’à 40% supérieurs. Elle permet aussi de limiter le réchauffement climatique en stockant deux fois plus de carbone que ne le ferait une surface forestière équivalente. »
La CdC, un catalyseur ?
Les associés de la Biocoop L’Île au Bio et les exploitants en bio ou en conversion bio souhaiteraient participer aux réflexions de la Communauté de Communes de l’île de Ré dans le cadre de l’élaboration du Plan Alimentaire Territorial (PAT). La CdC les a d’ailleurs invités, ce lundi 14 juin à sa conférence de presse concernant le lancement d’ateliers de travail sur le PAT. S’ils sont loin de tout attendre de la collectivité, ils estiment que « la CdC peut être un catalyseur, les collectivités peuvent faire en sorte de favoriser l’intégration de nouveaux agriculteurs bio et rééquilibrer les choses, notamment sur les terrains du Département et du Conservatoire du Littoral. Une étude du GDAD, de la Chambre d’Agriculture et de la CdC a mis en évidence dans le passé la nécessité d’une évolution de l’agriculture rétaise, et de l’augmentation de la part des terres agricoles. La CdC doit s’approprier ce sujet, sinon le risque majeur serait que l’on pratique sur l’île de Ré une écologie de vitrine, qui se voit, alors que ce qu’il se passe dans le sol ne se voit pas. Sur l’île d’Oléron, la CdC dédie trois personnes à plein temps aux sujets agricoles, du foncier et des circuits courts, tous intimement liés. Il ne faudrait pas sur l’île de Ré se focaliser que sur les circuits courts, et se contenter d’une agriculture dite «raisonnée», qui ne fixe aucun cadre. La gestion des ressources, des interconnexions est fondamentale. Nous n’avons pas de terreau riche, il le devient par la force du travail de l’homme, capable de créer un environnement propice quand il ne l’est pas. Grâce aux amendements issus par exemple du traitement local des déchets alimentaires, à la couverture végétale, certains milieux deviennent ultra productifs. En outre, l’agriculture et l’écologie interagissent entre elles. La gestion de l’eau constitue aussi un enjeu majeur, elle va se tarir d’ici 10 ou 20 ans, avec de gros pics de besoins d’avril à juin. Et beaucoup de terres ne sont pas irrigables. »
Les agriculteurs bio et Biocoop aimeraient ainsi que, grâce à un partenariat avec la CdC, l’île de Ré devienne un territoire d’expérimentation, un laboratoire vivant encourageant les nouvelles pratiques agricoles.
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