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La réserve naturelle provoque l’ire de la municipalité portingalaise
Validé en Comité consultatif au mois de décembre, le nouveau plan de gestion de la réserve naturelle de Lilleau des Niges vient d’être publié par arrêté préfectoral. Il prévoit les orientations et moyens mis en œuvre par la Ligue protectrice des oiseaux afin d’atteindre ses objectifs. Un plan sur dix ans, qui fait bondir Alain Pochon et ses adjoints.
Gestionnaire de la réserve naturelle de Lilleau des Niges pour le compte de l’État, la LPO est tenue d’établir, tous les dix ans, un plan de gestion. « Ce plan de gestion, c’est un peu notre bible », explique Jean- Christophe Lemesle, le coordinateur de la réserve. « On y dresse un bilan des années précédentes, mais aussi un état des lieux des pressions exercées sur la réserve. On y détermine ensuite des choix de gestion, c’est-à-dire ce sur quoi nous allons agir pour continuer à mener à bien notre mission : proposer aux oiseaux d’eau un refuge avec des conditions d’accueil parfaites. »
Anticiper la maritimisation
Ce nouveau plan de gestion, établi pour la période 2022-2031, se prépare à une montée du niveau de la mer jugée inéluctable. Selon les données relevées par le marégraphe de La Rochelle, ce dernier s’est élevé de 20 cm entre 1860 et 1970. Puis de 20 cm à nouveau entre 1970 et 2010, en 40 ans au lieu de 110 ans donc. « L’accélération est flagrante et les prévisions pour 2050 sont de 25 à 40 cm supplémentaires », affirme Jean- Christophe Lemesle.
Face à cette problématique, l’état de la digue qui protège la réserve, mais aussi plusieurs hectares de marais de la commune des Portes, inquiète. Construite au 17e siècle, elle est loin de pouvoir lutter contre la montée des eaux. « Lors de grandes marées ou de tempêtes, la mer passera régulièrement dessus. Inéluctablement, elle va continuer à souffrir, et des brèches vont s’ouvrir. La digue actuelle ne pourra pas faire face à des surcotes importantes », continue Jean-Christophe Lemesle. Or, cette digue n’est pas prise en compte par le PAPI, le programme d’action et de prévention des inondations (voir encadré). « L’État a fait le choix de protéger les zones d’habitation et d’activités économiques. La digue qui protège la réserve a été volontairement oubliée. Nous sommes donc obligés d’anticiper la montée des eaux et notre inévitable submersion. Comment s’y adapter ? Quels moyens mettre en oeuvre pour continuer à offrir aux oiseaux un refuge sur l’ile de Ré ? La solution ne viendra pas de l’État, et la rénovation n’est pas non plus de notre ressort. Donc aujourd’hui, nous devons nous adapter. »
« La commune des Portes en danger »
Afin d’anticiper la maritimisation de cette zone, le plan de gestion de la LPO prévoit donc « d’étudier le démontage de certains ouvrages qui n’ont plus aucune utilité aujourd’hui et qui constituent un risque de pollution de la mer en cas de submersion », explique le coordinateur. « Il s’agit d’anciens matériels hydrauliques, mais aussi une partie de la digue, celle qui a été bétonnée dans les années 60. » Et c’est précisément ce point qui fait bondir la municipalité portingalaise.
« Démanteler cette digue, c’est mettre en danger notre commune », affirme son maire, Alain Pochon. « Tant que les travaux du PAPI n’auront pas débuté, c’est largement prématuré », complète Xavier de Boissard. « Nous n’avons pour le moment aucune idée de quand seront construites ces fameuses digues élaborées dans PAPI 2 et qui devront protéger notre commune. La digue actuelle, même si son état est loin d’être satisfaisant, limite quand même les submersions. Elle doit être entretenue, consolidée, tant que les digues de PAPI 2 ne sont pas là. Sinon, c’est la sécurité du village et des habitants qui est menacée. Il s’agit aussi de préserver l’activité économique présente sur les marais en première ligne en cas de submersion, puisque quatre sauniers et un pisciculteur sont actuellement en activité. Avec la sauvegarde de ces emplois, on parle aussi de la sauvegarde de la vie permanente sur la commune. Enfin, il s’agit aussi de la préservation d’éléments patrimoniaux façonnés au cours des siècles par l’Homme. Nous ne pouvons pas les abandonner ainsi. »
Trouver une zone de marais protégée
Autre point du plan de gestion de la réserve qui fait bondir Alain Pochon et ses adjoints : les projets de relocalisation de la réserve. Jean-Christophe Lemesle explique : « En anticipation de la submersion de la réserve, nous devons penser à trouver de nouvelles parties terrestres, nécessaires pour accueillir les oiseaux. Nous allons avoir besoin d’une zone de 60 à 80 hectares de marais, protégée par une digue PAPI et dans laquelle nous pourrons gérer le niveau d’eau pour accueillir les oiseaux. » Ce qui n’est évidemment pas du goût de la municipalité. « Où pouvons-nous trouver une telle zone ? Ce serait une amputation supplémentaire, ce serait priver de leurs droits des propriétaires privés, des acteurs économiques, et tous les autres usagers de ces marais, aussi bien les chasseurs que les promeneurs ! », s’étonne Xavier de Boissard. .
Sur tous ces points, Jean-Christophe Lesmesle temporise, et se défend. « Attention ! Nous voulons étudier la faisabilité de ces actions, tout en mesurant l’impact sur notre environnement ! En aucun cas il est d’ores et déjà acté que nous allons démanteler la digue, et aucun cas nous le ferons si cela doit accélérer la submersion. Nous ne prévoyons pas d’abandonner la zone comme le dit Monsieur le maire. » Le coordinateur de la réserve complète : « Nous, on paye les pots cassés ! Clairement l’État a fait le choix d’abandonner une zone de territoire, et ça les Hommes ont du mal à l’accepter. Mais nous n’y pouvons rien. On prend tout car on est les premiers à mettre le sujet sur la table. La question de l’acceptabilité n’a jamais été abordée au cours de l’élaboration du PAPI. »
Un recours possible
La Mairie des Portes demande donc l’entretien de cette digue, dite « orpheline » parce qu’elle n’appartient à personne. Selon Xavier de Boissard, la Préfecture s’est engagée au mois de décembre à réunir les différents acteurs concernés de près ou de loin par l’entretien de cette digue, à savoir les propriétaires de marais, les associations d’usagers, l’État et les différentes collectivités. « Nous aurions aimé que cette réunion se fasse avant l’adoption du plan de gestion. Malheureusement, nous n’avons pas été écoutés. Maintenant, il faut qu’on se mette vite tous autour de la table. Et nous sommes prêts à prendre notre part dans ces travaux ». La mairie se laisse également le temps de la réflexion sur les différents moyens de gestion de la situation, en sachant qu’une possibilité de recours est possible dans les deux mois suivant la publication de l’arrêté préfectoral, soit jusqu’au 10 mai 2023.
Un plan de gestion encadré
Avant de faire l’objet d’un arrêté préfectoral, le plan de gestion de la réserve Lilleau des Niges doit être validé en Comité consultatif. Présidé par le Préfet, ce dernier rassemble tous les acteurs liés de près ou de loin à la Réserve : les institutions (DREAL, DDTM, Commission du Littoral, Parc national marin) ; les collectivités (Région, Département, CdC, Commune) ; les propriétaires et usagers ; des personnalités scientifiques (LPO, Ré nature environnement). Ce 4e plan de gestion a été validé en Comité consultatif le 8 décembre, malgré l’avis défavorable déposé par la Mairie des Portes et l’Association des producteurs de sel. L’arrêté préfectoral a ensuite été publié le 10 mars.
PAPI, le Programme d’Action et de Prévention des Inondations
Suite à la tempête Xynthia, un premier Programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) est validé en 2012. Il s’agit d’une convention-cadre signée entre la Préfecture, la Région, le Département et la Communauté de communes de l’île de Ré, dont l’objectif est la protection des populations et des activités économiques face au risque de submersion.
Un 2ème programme, appelé PAPI 2, est acté en 2020 et concerne principalement la zone nord de l’île. Il est composé de projets de travaux concernant les digues des trois communes les plus au nord. Les ouvrages confortés , aussi bien sur le pourtour du Fier d’Ars que sur les façades maritimes des Portes-en-Ré et de Saint-Clémentdes- Baleines, seront dimensionnés, comme pour le PAPI 1, pour un niveau de protection Xynthia + 20cm. Ces digues passant derrière la réserve, une zone de 140 hectares, comprenant notamment la réserve, n’est donc pas protégée par le PAPI 2, selon une estimation de Jean-Christophe Lemesle.
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