- Environnement & Patrimoine
- CONFÉRENCE À LA LPO
« La Réserve avant la Réserve », récit de Jacques Boucard
Une dernière conférence qui valait le voyage…jusqu’à la Maison du Fier mais aussi dans le temps !
En 2020, notre magnifique et remarquable Réserve de Lilleau des Niges fêtait ses quarante ans (et la Maison du Fier ses vingt ans). Deux anniversaires emblématiques dont la célébration aura été bien sûr perturbée par les aléas de la crise sanitaire.
En ce 19 novembre, il fait froid dans la Maison du Fier, aussi la tasse de thé offerte aux participants est-elle la bienvenue. Ils sont une bonne quaran- taine, épris d’oiseaux, de nature, de patrimoine et d’histoire, à avoir bravé la nuit noire pour assister à une der- nière conférence du cycle anniversaire, remontant d’ailleurs bien au-delà des quarante ans de la Réserve. Avec Jacques Boucard pour orateur, le voyage s’annonce passionnant.
Il était une fois… quatre îles
La conférence porte bien son nom. D’emblée, Jacques Boucard nous emmène très loin dans un temps où le concept même de réserve naturelle n’existait pas.
Au fil de ses mots, les contours de l’Ile de Ré que nous connaissons s’effacent, remplacés par ceux, très flous, d’îlots en prise directe avec un océan partout présent. « Au début, il y a environ dix- huit mille ans, étaient quatre îles », explique l’historien rétais. Trois îlots Ars, Les Portes, Loix, et une île plus grande, Ré, au sud, composaient un paysage semblable à celui du Golfe du Morbihan, les trois premiers étant quasiment inhabités. Entre eux, un territoire océanique ouvert et agité de courants violents.
Les marais salants n’existaient pas. « A l’époque préhistorique », raconte Jacques Boucard, « le sel était fabriqué par chauffage dans des fours à bois, produisant de petits pains de sel après une journée, en trop faible quantité pour envisager un quelconque commerce ».
Un comblement en plusieurs siècles
Comment le territoire s’est-il construit ? Par l’apport de sédiments se déposant au fil d’un temps incroyablement long de « 2 à 3 millimètres par an », explique Jacques Boucard soit environ 20 à 25 cm maximum sur un siècle. « Le proces- sus s’est peut-être étalé sur mille ans, jusqu’au 10ème siècle », précise Jacques Boucard notant au passage qu’en 2010, Xynthia a ramené le territoire à ses origines, les « zones recouvertes n’ayant finalement été que reprises par la mer ». Les marais du Vieux Lilleau.
La fermeture du territoire occasionnera des conflits aussi entre les abbayes, propriétaires par donations des îlots du Nord et le Seigneur de Ré, au sud, posant la question des frontières.
Quant aux marais salants, ils apparaissent à l’époque médiévale. Et avec eux le commerce du sel à grande échelle.
Les Salines de leur apogée en 1835… …à aujourd’hui.
Victoires et défaites sur la mer
Le sel rétais, c’est l’histoire d’une conquête. Marquée de belles et fructueuses victoires atteignant leur apogée vers 1835, ponctuées aussi de défaites irrévocables. D’hier à aujourd’hui, trois prises ont été, du côté de Lilleau des Niges, conquises puis finalement rendues à l’océan impitoyable. Elles s’appelaient Prise de Lilleau Neuf, du Coursoir et du Gros Sable. Les submersions en ont eu rai- son. La première notamment, successi- vement gagnée, perdue, reconquise et reperdue, illustre l’inlassable combat entre l’homme et l’océan.
Une prise (nom symbolique) est en effet un « ouvrage compliqué », rappelle Jacques Boucard, nous expliquant comment naît un marais salant. Mais sans aucun doute, le jeu vaut la chandelle. L’Or blanc, objet de spéculations selon que les années sont bonnes ou mauvaises, fait la fortune de certains et du territoire, s’exportant loin de nos côtes jusqu’à la Baltique, l’Angleterre ou encore Terre-Neuve.
Impressionnant, le calendrier des Vimers que Jacques Boucard présente sous forme d’un graphique, remet Xynthia à sa place sur la courbe du temps : un épisode parmi d’autres.
Il fut un temps où l’Ile de Ré produi- sait jusqu’à 60 000 tonnes de sel par an, contre 3 000 aujourd’hui. Si certains marais ont disparu, engloutis par les flots, d’autres, abandonnés et asséchés, devinrent terres agricoles. Sur ceux préservés de ce côté-ci du territoire est née en 1980 la Réserve naturelle de Lilleau des Niges, sanctuaire naturel où viennent se reposer, se nourrir ou se reproduire chaque année des milliers d’oiseaux.
La belle histoire de la Réserve naturelle de Lilleau des Niges en 184 pages. Beau cadeau pour Noël nature On le doit à Hervé Roques et à la LPO. Préfacé par le Président de la Ligue de Protection des Oiseaux Allain Bougrain-Dubourg, « 40 ans d’actions pour la Nature » nous raconte la fabuleuse histoire de la Réserve de Lilleau des Niges et de la Maison du Fier. Un livre four- millant d’anecdotes, de photos, de victoires et d’épreuves, célébrant une aventure collective au service de la nature et de l’Ile de Ré. « 1980 – 2020, 40 ans d’actions pour la nature » Prix : 14,90 € Où le trouver ? A la Maison du Fier (05 46 29 50 74) Route du Vieux Port aux Portes ou sur www.boutique.lpo.fr
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