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La pomme de terre AOP de l’Île de Ré : décryptage
Responsable Qualité de la coopérative Uniré, Christelle Couty nous explique ce qui caractérise la pomme de terre primeur AOP de l’île de Ré, avec les principaux éléments du cahier des charges du label. L’occasion aussi de rappeler que ne se dénomme pas ainsi qui veut !
Ré à la Hune : Commençons par ce qui fâche, y-a-t-il de l’usurpation de label sur la pomme de terre AOP de l’île de Ré ?
Christelle Couty : Oui notamment sur les marchés, il y a des maraîchers qui n’adhèrent pas au cahier des charges de l’AOP. Tous ceux qui adhèrent au Syndicat de défense de l’AOP (basé à Uniré) apportent leurs pommes de terre à la coopérative. Il n’y a plus aujourd’hui de producteur indépendant AOP, bien sûr il pourrait y en avoir comme dans le passé. Treize producteurs peuvent revendiquer l’appellation Pomme de terre de l’île de Ré (liste en encadré). Bien sûr, il existe des revendeurs, qui leur achètent leurs pommes de terre, comme par exemple Île de Ré Primeurs, Le Petit Boitais, etc. Les étiquettes officielles AOP sont les garantes de cette origine.
Mais il y a aussi des maraîchers qui produisent de la pomme de terre et ne sont pas adhérents au syndicat, ils n’ont pas le droit d’estampiller leur produit « île de Ré », appellation d’origine protégée qui s’applique à tout le territoire de l’île. Ils ne peuvent non plus afficher une origine avec le nom de l’un des dix villages rétais, les dix communes de l’île sont protégées.
Quels sont les principaux éléments du cahier des charges de cette AOP ?
Des parcelles situées sur le territoire de l’île de Ré sont sélectionnées par l’INAO* , toutes ne sont pas concernées, cont rai rement par exemple à une AOC vinicole qui concerne tout un territoire, comme par exemple celle du Cognac. Ces par cel les sont situées sur neuf communes rétaises, seule Saint-Martin n’a pas de parcelles AOP. Les producteurs concernés doivent obligatoirement adhérer au Syndicat de défense et de gestion de l’appellation d’origine, le « Syndicat de la pomme de terre en appellation d’origine protégée de l’île de Ré ».
Seules certaines variétés sont concernées : Alcmaria, Charlotte, Primabelle, Celtiane et Carrera. En effet, l’AOP s’applique à un terroir, une variété, une typicité de goût. La plantation de cette pomme de terre se fait entre début janvier et le 15 avril. Cette année, nous avons planté uniquement Alcmaria et Charlotte.
Le cahier des charges définit des pratiques en fertilisation, densité, récolte, ainsi que commerciales. A cet égard, notre rendement doit être inférieur ou égal à 25 tonnes par hectare. Nous nous limitons à un désherbage et un traitement contre le mildiou quand c’est nécessaire, aussi notre IFT (indice de fréquence de traitement), inférieur à 2, est très bas au regard de la pomme de terre dite de consommation, dont l’IFT tourne entre 15 à 18 traitements. Nous sommes limités en quantité d’azote. Nous ne sommes pas non plus de gros consommateurs d’eau, nous arrosons avant l’été, donc hors étiage. Nous faisons régulièrement l’objet de contrôles de la DDTM*. Par ailleurs, les pommes de terre AOP ne doivent pas être commercialisées en grosses quantités, pas plus de 25 kg par conditionnement, chez nous le plus gros emballage concerne le carton de 12,5 kg. Nous commercialisons autour de 1500 tonnes par an. Et la pomme de terre AOP ne peut être vendue au-delà du 31 juillet. Nous versons chaque année des droits à l’INAO*.
De quand date l’obtention de cette AOP île de Ré ?
Le processus a été lancé en 1993 par Francis Bourriau, l’ancien responsable technique d’Uniré et l’appellation AOP a été obtenue en 1998. Nous sommes annuellement soumis à des contrôles. L’AOP est le Graal des SIQO (Signes officiels de la qualité et de l’origine). L’AOP île de Ré est la première à avoir été obtenue, suivie par la Béa du Roussillon plus de dix ans après. Ce sont les deux seules pommes de terre AOP en France.
L’Union commerciale avec Noirmoutier concerne-t-elle l’AOP ? Non, les deux coopératives sont bien distinctes, avec des conditionnements différents, et la pomme de terre de l’île de Ré est bien différenciée de La Noirmoutier. Nous avons juste une force de vente commune, pour la grande distribution. Là où nous commercialisons autour de 1500 tonnes, Noirmoutier écoule 10 000 tonnes.
Qu’est-ce qu’on appelle pomme de terre primeur ?
Pour bénéficier de l’appellation « pomme de terre de primeur » celle-ci doit être récoltée dans l’année, avant sa complète maturité, être inapte à une longue conservation, être commercialisée rapidement après l’arrachage (début d’année au début de l’été) et être « peleuse » : sa peau doit pouvoir être enlevée aisément sans épluchage. La pomme de terre AOP de l’île de Ré est une primeur précoce.
Arrivent ensuite la pomme de terre nouvelle en juillet & août, puis la pomme de terre de consommation ou conservation, qu’on trouve tout l’hiver.
Quelles sont les qualités organoleptiques de la pomme de terre AOP et comment sont-elles contrôlées ?
Grâce au cahier des charges AOP très strict, qui notamment cartographie précisément les parcelles du terroir, et au climat doux et particulièrement ensoleillé de l’île de Ré, on prête à notre pomme de terre AOP des saveurs de légumes printaniers, beurre, fruits secs et de pain brioché, des notes sucrées et parfois légèrement salées. Sa chair est tantôt ferme, tantôt fondante, elle doit être fondante en bouche, avec un équilibre entre goûts sucré et salé.
Une commission organoleptique se réunit chaque semaine, dès le démarrage de la campagne AOP. Composée de trois collèges : les producteurs, des techniciens de la Coopérative et des usagers, formés par le CRITT* Agroalimentaire. Elle est amenée, si nécessaire, à rejeter des lots, qui ne seraient pas conformes aux qualités gustatives attendues.
La pomme de terre primeur AOP de l’île de Ré est typiquement un produit de saison, elle fait partie du patrimoine culinaire français. Elle se cuisine à l’eau, à la vapeur ou rissolée, ou au micro-onde.
*INAO : Institut national de l’origine et de la qualité / DDTM : Direction départementale des territoires et de la mer / CRITT : Centre Régional d’Innovation et de Transfert de Technologies
Les producteurs engagés en AOP pour la Pomme de terre de l’île de Ré
– EARL Les 2 terres (Romain Canteau, Président du Syndicat de défense de l’AOP, basé à la Flotte)
– EARL Dorin (Julien Dorin, La Couarde)
– EARL La Mésandière (David Turbe basé à la Couarde)
– EI Olivier Bouyer (Sainte-Marie)
– EARL La Ferme des Ajoncs (Louis Bouyer basé à Sainte-Marie)
– SCEA Henry (Jonathan Henry basé au Bois-Plage)
– SCEA Carré (Rémi Carré basé au Bois-Plage)
– EI Adrien Médeau (basé à Saint-Clément des Baleines)
– EARL La Grellière (Anthony Talon basé à Ars-en-Ré)
– SCEA Les Palissiats (Vincent Bertin basé à Ars-en-Ré)
– SCEA Terres de Ré (Joel Beneteaud basé à La Flotte)
– Ivonig Caillaud basé à Ars en Ré
– Jean-Claude Canteau (basé à Sainte-Marie de Ré)
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