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La passion des plantes
Rien ne donne le sentiment d’abondance comme la nature au printemps, quand il semble que la vie explose de toutes parts, jusque dans la plus humble fleur de trèfle. Peu d’entre nous savent en revanche à quel point cette nature regorge de trésors comestibles.
L’île de Ré, par la diversité de ses paysages, accueille une flore d’une grande richesse, qui fait le bonheur des cueilleurs avisés et des pionniers de l’agriculture engagée. Sauvages ou cultivées, les plantes sont au coeur des métiers de Pascal Renoux, Sophie Perrain et Anne Richard, dont tous les trois ont en commun l’amour de la nature et une vision décentrée de la place que l’homme y occupe, dans le respect de son équilibre fondamental.
Pascal Renoux : le retour à la terre
A la sortie de Loix, sur la route du Grouin, une belle grange arbore un panneau en lettres manuscrites : Les Aromatiques de Ré. Au-delà s’étendent les champs et l’horizon dégagé ouvre sur la ligne bleue de l’océan. L’ancienne Estancia Bel Air créée par Gilles et Albane Perrin a été reprise il y a deux ans par ce natif de Saintes, normand d’adoption mais qui ne s’est jamais fait au climat. « En Normandie, on dit qu’il pleut deux fois par semaine, une fois trois jours, une fois quatre jours », plaisantet- il à demi. Après vingt-cinq ans de jardinerie, le confinement lui donne l’opportunité de revoir sa trajectoire de vie. Son désir de retourner à la terre s’accompagne d’une réflexion sur la modification du climat : il se forme aux plantes aromatiques, qui résistent bien à la sécheresse.
La Chambre d’agriculture le met en contact avec Albane Perrin, qui, après le décès de son mari, souhaite céder son exploitation. Neuf mois de « stage de parrainage plus tard », Albane donne à Pascal les clés de son royaume : un terrain de presque cinq hectares, un séchoir, un alambic, et une quinzaine de plantes cultivées par son prédécesseur : de la lavande fine, plusieurs variétés de thym, du romarin, de la sarriette, de la sauge, de la menthe, mais aussi de l’origan grec, de la marjolaine de Syrie, de l’hélichryse d’Italie, des variétés méditerranéennes qui s’adaptent bien à nos nouvelles conditions climatiques. Pascal laisse la luzerne et le trèfle pousser à leur pied, ne tond pas les inter-rangs de sorte que les oiseaux s’y nichent, que les hérissons et les lézards verts s’y dissimulent. En dehors de la tonte, il a fait le choix de tout faire seul et à la main : l’entretien, la récolte, le séchage, la mise en sachet. Tous les après-midis, il reçoit les visiteurs à qui il propose huiles essentielles, tisanes, mélanges aromatiques et sirops pour agrémenter aussi la cuisine, suivant encore l’inspiration de Gilles Perrin qui était aussi fin gourmet : pourquoi ne pas essayer le sirop de lavande dans la mousse au chocolat, et celui de romarin dans la salade de fraises ?
Où les trouver ? En direct, de 14h à 17h du lundi au vendredi, d’avril à octobre, 28 route du Grouin, à Loix. Aux Biocoop d’Ars et Saint-Martin ; au 1bis, à Ars-en-Ré ; au magasin des producteurs du Bois-Plage ; et dans la bière à l’hélichryse des P’tites rétaises…
Sophie Perrain : la poésie, l’engagement et la solidarité
L’idée que la fleur puisse être comestible est récente dans notre culture culinaire. Dans la démarche de Sophie Perrain, créatrice de Violette et Capucine à La Flotte, productrice de fleurs comestibles, il entre une poésie dont elle ne se défend pas. Cette musicienne que la vie a contrainte à changer de métier* insiste toutefois sur la dimension pragmatique de son activité. « On n’est pas que des doux rêveurs. Cela demande de la pugnacité, comme dans la musique. » La jeune femme apparaît comme une visionnaire, aux deux pieds solidement ancrés dans la terre qu’elle travaille pour faire pousser quatre cents variétés de plantes dans l’année. Son engagement en faveur d’une agriculture durable, locale, autonome et résiliente force l’admiration. Cette année, 100% de ses graines sont autoproduites. Pour l’irrigation des semis, elle utilise l’eau recyclée de la station d’épuration de La Flotte, « propre et sans odeur », un projet porté par la commune depuis vingt ans. Et son terreau vient du fumier des baudets du Poitou de Régis Léaud, « de l’or noir », me dit-elle. Mais, insiste-t-elle, « sans réseau de solidarité, on n’y arrive pas. » Grâce à l’écovolontariat, à la solidarité locale et à son apprenti, elle et son compagnon ont achevé la construction de la serre pendant l’hiver. La liste de ses remerciements est longue, et commence par Maurice Boury, marin pêcheur à la retraite, qui n’a pas ménagé ses efforts ni compté son temps. « L’esprit d’entraide existe toujours sur l’île de Ré », se félicite- t-elle. Ce qui lui permet aujourd’hui, au volant de son camion frigorifique, de livrer elle-même les quarante chefs qui comptent sur elle, et dont le plus éloigné se trouve à Oléron. « Le plus important, c’est de garder le contact humain. Si je le perds, je perds le coeur de mon métier. »
Le jardin et la serre de Violette et Capucine se visitent en saison. Renseignement sur : www.violettecapucine.fr ou auprès de Destination Île de Ré.
Anne Richard : le goût d’observer
C’est vers elle que Sophie Perrain se tourne lorsqu’elle envisage sa reconversion dans la production de fleurs comestibles. Anne Richard se décrit elle-même comme une éveilleuse. Ingénieure agricole de formation, elle devient, à la faveur des mutations de son mari, guide naturaliste puis botaniste. Formée sur le tas, elle crée, en 2004, l’association A fleur de marée, à Fouras et propose des sorties découverte en Charente-Maritime mais aussi en Bretagne, en Normandie et dans les Pyrénées. Sur l’île de Ré, elle s’associe à l’Ecole buissonnière, qui défend une pédagogie par la nature, mais collabore aussi avec les mairies : elle a notamment formé les écogardes en 2015. Tous producteurs qu’ils sont, Pascal Renoux et Sophie Perrain tirent aussi profit des fleurs sauvages que leur méthode agricole douce laisse s’épanouir aux abords de leurs champs : coquelicot, cerfeuil, oseille, fenouil. La variété des sols et des paysages de l’île offre une grande diversité dans la cueillette de comestibles, de la salicorne à la roquette en passant par la fleur de yucca. « Mon ambition est de rendre accessible une science difficile, la botanique, par une méthode sensitive : toucher, sentir, goûter. » C’est pourquoi ses promenades sont assorties de dégustations qu’elle prend le temps de préparer la veille, et qui ont fait l’objet d’un livre de recettes. Car ce n’est pas le tout de cueillir, encore faut-il savoir transformer, une criste-marine en pesto, par exemple…
Prochaine sortie avec l’association l’Ecole buissonnière le 8 octobre 2024. Renseignements sur le site : afleurdemaree.blogspot.com.
*Lire nos articles :
www.realahune.fr/sophie-perrain-ose-la-fleurdans- lassiette/
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