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- Protection littorale
La lutte contre l’érosion devient « cause rétaise »
Lionel Quillet et Patrick Rayton ont fait de la lutte contre l’érosion côtière un sujet essentiel de cette seconde partie de mandat. Elle est indispensable en complément de la protection contre la submersion (PAPI 1 et 2), comme l’ont à nouveau montré les dégâts engendrés par les tempêtes automnales 2023. Une délibération fondamentale pour la protection de l’île a été prise à l’unanimité du Conseil communautaire du 14 décembre dernier. Explications.
Ainsi, lors du Conseil communautaire du 14 décembre, mais aussi lors de leur tournée auprès des élus des Conseils municipaux et durant des cérémonies des voeux, le président et le 1er vice-président de la CdC ont martelé le message. Sa mise en perspective et quelques éclairages s’imposent.
Depuis Xynthia en 2010, la Communauté de Communes de l’île de Ré réalise, avec la mise en oeuvre des actions du Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) validé en Commission Mixte Inondations des systèmes d’endiguement contre le risque submersion marine. Ainsi, 13 millions d’euros TTC ont d’abord été consacrés aux travaux d’urgence entrepris immédiatement aux lendemains de la tempête Xynthia. Puis, plus de 89 millions de crédits ont été votés dans le cadre des PAPI 1 (53 millions d’euros TTC) et 2 (36 millions d’euros TTC). Au total (travaux d’urgence + PAPI 1 et 2), plus de 63 millions d’euros TTC de travaux ont été réalisés à ce jour depuis 2010. Les travaux du PAPI 2 se font attendre, le Département y oeuvre, pas assez vite aux yeux de certains, mais les études sont d’une complexité sans nom.
33 km de côtes naturelles
Si ces ouvrages de protection contre la submersion ont révélé leur efficacité lors des tempêtes successives de l’automne dernier et ont été assez peu endommagés, les 33 km de côtes naturelles (dunes, falaises…) sur les 110 km de côtes que compte au total l’île, ont été assez fortement impactés en plusieurs endroits par des phénomènes d’érosion.
Or ceux-ci n’entrent pas dans le cadre des Plan d’actions de prévention des inondations (PAPI) validés par l’Etat pour ériger des systèmes d’endiguement et autres protections contre la seule submersion.
Bien que les actions visant à lutter contre l’érosion côtière ne soient pas financées par l’Etat dans le cadre du PAPI, la CdC de l’île de Ré a tout de même créé en 2013 son observatoire du littoral afin de réaliser des projets de recherche et de développement sur l’aléa érosion côtière. En effet, les traits de côte sableux ne peuvent être déconnectés des systèmes d’endiguement, les phénomènes d’érosion et de submersion étant liés.
Aussi, la CdC mène-t-elle depuis dix ans, avec le bureau d’études CASAGEC Ingénierie (dont l’on a beaucoup entendu parler sur l’île lors de l’élaboration des cartes d’aléas de l’Etat), des observations et des suivis sur le fonctionnement hydro-sédimentaire des plages et cordons dunaires du territoire et, depuis 2021, sur les falaises. Ces connaissances permettent de mieux comprendre les phénomènes d’érosion des côtes sableuses du territoire.
Un net recul des fronts dunaires
Ainsi les tempêtes de fin octobre/ début novembre 2023 ont-elles eu des conséquences sur l’ensemble des cordons dunaires, en particulier à Loix, aux Portes, à Saint- Clément, à Ars, à La Couarde, au Bois- Plage, à Sainte-Marie et à Rivedoux- Plage. Des reculs de fronts dunaires importants ont été constatés, pouvant aller jusqu’à 8 mètres, tout comme des dégradations et parfois des destructions d’accès aux plages (caillebotis bois, escaliers…), de certaines portions du sentier piéton littoral ; Mais aussi on a observé l’abaissement du niveau de sable sur les plages de l’ensemble du territoire.
Accord de principe de l’Etat
Pour pouvoir intervenir sur les côtes, la CdC doit avoir le feu vert de l’Etat. Or la doctrine au plus haut sommet de l’Etat intègre le repli stratégique et la résilience, plus que la défense à tout prix. Le sous-préfet Emmanuel Cayron, saisi du sujet par Lionel Quillet, a donné son accord de principe, qui prendra la forme d’Autorisations d’occupation temporaires (AOT) sur le Domaine public maritime (DPM), sous deux conditions essentielles : la sécurité des personnes est en cause et aucun nouveau matériau ne doit être implanté. Serait toléré l’apport de matériaux identiques à ceux existants sur les sites à protéger (sables, pierres, etc. selon les sites). Ces AOT seront provisoires.
Cet accord de principe ayant été obtenu, la CdC souhaite s’engager sur un plan de protection contre l’érosion, quelle financera elle-même, notamment via la taxe GEMAPI (qui sera certainement reconduite en mars 2024 lors du vote des budgets primitifs). Elle sollicitera aussi l’Etat, la Région et le Département pour tenter d’obtenir une participation financière. Lionel Quillet a aussi alerté que « s’agissant de financements publics les associations vont réagir. Tout le monde n’est pas favorable à la protection des côtes. »
Travaux d’urgence sur trois sites en 2024
Dans un premier temps, trois sites majeurs liés au risque érosion ont été identifiés au regard des enjeux localisés en arrière de cordons dunaires pour des interventions en urgence dès 2024 : la réfection du chemin littoral sur le secteur de Bas-Rhin (côte sauvage) à Saint-Clément-des-Baleines ; la protection contre l’érosion sur le secteur de Moulin-Brûlé à La Couardesur- Mer (où l’étude d’Avant-Projet, sous maîtrise d’ouvrage du Conseil départemental, est en cours depuis 2021) ; le démantèlement du blockhaus sur le secteur de La Redoute aux Portes-en-Ré.
Ces sites sont prioritaires car susceptibles de connaître des aggravations majeures : fragilisation de la dune de Bas-Rhin, contournement du système d’endiguement des Doreaux par le Sud et des risques à terme pour les habitations en arrière à Saint-Clément ; ouverture de brèches notamment sur le secteur de Moulin Brûlé à La Couarde, pouvant aboutir à l’inondation de la route départementale reliant La Couarde à Ars ; contournement du blockhaus de La Redoute et des risques à terme pour les habitations en arrière aux Portes .
Les travaux devraient démarrer à Saint-Clément au mois de mars 2024, suivis de ceux de La Redoute aux Portes, tandis que le président et 1er vice-président espèrent être en mesure de lancer ceux du Moulin Brûlé à La Couarde à l’automne prochain. Devraient suivre Sainte-Marie (érosion dunaire), le sentier littoral de La Flotte et ses falaises qui s’érodent dangereusement et le Bois-Plage (dunes des Gouillauds).
Parallèlement à la réalisation de ces interventions d’urgence, d’autres sites pourront faire l’objet d’un projet d’interventions prioritaires, le cas échéant s’il en va de la sécurité des personnes (risques de chutes sur les sentiers piétions ou d’accès aux plages, risques d’effondrement de blockhaus, etc.) ou selon d’autres critères restant à déterminer.
Une stratégie intégrée
La Communauté de Communes de l’île de Ré se lancera aussi en 2024 dans l’élaboration d’une Stratégie Locale de Gestion Intégrée de la Bande Côtière (SLGIBC) sur le moyen terme (5 ans) afin de réduire la vulnérabilité des populations et des biens à l’érosion côtière, en y association étroitement les dix communes de l’île de Ré. La SLGIBC est au plan d’actions contre le risque érosion côtière ce que le PAPI est à celui contre le risque submersion marine.
Ce plan d’actions pluriannuel et opérationnel intégrera une planification budgétaire avec les financements associés. Après le diagnostic détaillé du fonctionnement du littoral et des risques côtiers (grâce aux données de l’Observatoire du littoral de la CdC recueillies depuis 10 ans), il faudra définir les objectifs territoriaux en concertation avec les élus, puis mettre au point des scénarios de gestion de la bande côtière, les évaluer et les comparer, avant de lancer une concertation et la validation d’un programme d’actions pluriannuel, opérationnel et de prévention de l’érosion côtière qui se déclinera selon huit axes (sur le modèle du cahier des charges PAPI).
Patrick Rayton en 1ère ligne sur ce dossier, a enfoncé le clou avant le vote communautaire du 14 décembre dernier : « On doit tous porter ce plan de défense contre l’érosion dunaire, qui prend en compte la stratégie nationale en la mettant à la sauce rétaise, les techniques sont validées et la rapidité d’intervention est la clé, la population ne comprend pas les délais actuels des procédures (4 à 6 ans). »
Ainsi, les élus ont délibéré à l’unanimité pour acter la mise en oeuvre d’un plan d’actions d’urgence en 2024 sur les sites cités plus haut et valider le lancement d’une Stratégie Locale de Gestion Intégrée de la Bande Côtière. Le Conseiller départemental Patrice Raffarin a assuré la CdC quelle pourra compter sur le soutien du Département, qui se concrétisera via une convention.
Voilà un dossier qui devrait largement occuper les élus concernés pour cette seconde partie de mandat. S’il est mené avec autant d’énergie que le fut le Plan Digues, les habitants de l’île pourront être quelque peu rassurés sur la gestion du trait de côte du territoire, bien qu’un évènement majeur ne puisse être exclu… et que la réalisation de la protection du Fier d’Ars (qui relève du PAPI 2) reste une urgence.
Les élus portingalais ont aussi redit leur inquiétude quant à la non intégration de la Levée du Fier dans le PAPI 2, menaçant la sécurité des habitants et des activités primaires. « J’écoute et comprends le bon sens du maire, mais l’Etat est décisionnaire, il est chez lui (la Levée du Fier lui appartient), il a apporté plusieurs fois sa réponse, l’existant peut être conforté, une brèche refaite, mais la digue ne peut être reconstruite, ni rehaussée. Peut-être que dans le temps il finira par lâcher, mais d’expérience je vous déconseille de vous mettre dans l’illégalité et d’entreprendre des travaux sans son autorisation, une commune du nord a été condamnée pénalement pour cela. Il faut que la digue du Fier d’Ars prévue dans le PAPI 2 soit réalisée le plus vite possible, ce qui relève du Département en accord avec l’Etat » a conclu Lionel Quillet, Patrick Rayton abondant dans son sens.
*Sans compter les travaux réalisés dans le cadre de la Brigade des Digues, de l’accord cadre CdC et des travaux d’urgence sous maîtrise d’ouvrage départementale financés 50/50 par le Conseil départemental et la Communauté de communes).
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