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La fin de la justice seigneuriale
Durant une période limitée, de 1790 à 1802, la commune de La Flotte a bénéficié d’une justice de paix municipale qui s’est avérée un pôle de stabilité et d’harmonisation de la vie communale(1).
Un mouvement de normalisation du territoire, initié par la monarchie, a accompagné la Révolution en France. Cette tendance qui s’attaque aux privilèges des Rétais est violemment combattue par ces derniers. Leur position dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle est simple : non seulement ils demandent le maintien mais aussi la restauration des anciens privilèges et la libération du commerce.
Cependant, on se contente souvent de reprendre l’ancien découpage administratif, notamment sur Ré où la structure des deux cantons est calquée sur la précédente partition féodale et l’île continue d’être coupée en deux. La loi des 16-24 août 1790 prévoyait la création d’une justice de paix par canton, ceux d’Ars et de Saint-Martin qui furent dotés de l’une de ces institutions inventées par la Constituante pour rapprocher la justice du peuple.
La commune de La Flotte s’enquit alors de savoir si la justice de paix ne pouvait être rendue que dans les palais des anciennes juridictions. Le district lui répond que puisque la commune possédait plus de 2 000 âmes, elle était fondée à disposer de son propre juge de paix. La demande de La Couarde, engagée dans la même démarche, fut rejetée en raison de son nombre d’habitants inférieur à 2 000.
Des fonctions gracieuses et contentieuses
Le canton sud va donc être pourvu durant une dizaine d’années d’une justice de paix cantonale et communale. Ce qui est assez surprenant sur un petit territoire comme l’île de Ré et indique qu’à l’époque, il existait en France pas mal de justices cantonales. Le juge de paix occupe alors des fonctions gracieuses ou contentieuses. Les premières consistent à ramener la concorde entre les plaignants, il tient les audiences de conciliation qui permettent de régler des conflits à moindre frais et remplacent les accords et transactions passés devant notaires et médiateurs. Les secondes nécessitent l’emploi de l’appareil judiciaire civil et pénal. Les Constituants souhaitaient une plus grande utilisation de la conciliation, or justement, le bilan de la conciliation flottaise, qui s’intéressait souvent aux affaires de forte valeur, la plupart du temps immobilières, sera négatif. Sur 29 affaires seules 8 seront réglées, les autres étant renvoyées au tribunal administratif. Durant la Terreur, cette période mouvementée de l’Histoire de France, le juge, les assesseurs et le greffier de La Flotte assurèrent autant qu’ils le purent un travail consciencieux.
Une justice de proximité
Les matières traitées par cette justice de paix correspondent à celles d’autres justices de paix le long du littoral : serments des propriétaires de navires, actes divers concernant les naufrages, constat de décès pour les noyés, vol de sart (terme rétais pour le goëmon) qui fournit la fumure dans les champs et les vignes, vol de marchandises avec une propension au vol de vin et de médicaments. Avec quelques particularités rétaises comme le suicide de Michel Porsain qui se jeta dans un puits au milieu de la nuit alors qu’il avait déclaré à son épouse sortir uriner ! L’île possédait l’un des plus forts taux de suicide de France : 5,50 suicides pour 10 000 habitants par rapport à une moyenne nationale de 1,41. Les deux procédés les plus utilisés étaient la pendaison et l’immersion. Comme partout ailleurs à l’époque, on rencontre des procès pour promesses de mariage non tenues ou des déclarations de grossesse destinées à obliger les pères indélicats à parti-ciper financièrement à l’éducation du futur enfant. On trouve également des émancipations de mineurs, d’une moyenne d’âge de 16 ans pour les filles et 18 pour les garçons afin qu’ils puissent jouir des biens laissés par leurs parents avec l’aide d’un curateur.
Au final, un bilan satisfaisant est constaté. Les Constituants souhaitaient simplifier la justice de base et en rapprocher les citoyens. L’accès au juge de paix s’est révélé simple pour les personnes de toutes catégories sociales, le but initial était donc atteint. Sur le plan pénal le travail du juge est resté quelque peu frileux : il est vrai qu’il n’est pas facile de rendre la justice à ses concitoyens lorsque l’on est susceptible de les rencontrer quotidiennement sur les trottoirs de la commune.
En conclusion, la justice de paix rendue à La Flotte durant cette période a été concluante et a répondu aux exigences des Constituants.
(1) Mémoire de DEA de David Tauzia, publié dans Écrits d’Ouest – N°7 1998 – La Rochelle.
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