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La famille Massé, une lignée de chefs talentueux
La commune à laquelle la famille Massé est indissociablement liée, Saint-Clément, vient de fêter ses 150 ans. Daniel était aux fourneaux pour le banquet des 100 ans, il le sera également, le 23 novembre, pour le banquet exceptionnel des 150 ans. Histoire d’une saga familiale.
Dans ce nord de l’île à la fois authentique et relativement pauvre à l’époque, cinq hameaux constituèrent la commune de Saint-Clément le 11 mars 1874 : Le Chabot, le Gillieux, la Tricherie, le Griveau et le Godinand. C’est sur la route reliant le Chabot au Phare des Baleines que Florent et Olga Massé, les grands-parents de Daniel, vont installer en 1920 leur épicerie-bar, puis en 1921 le restaurant, débouchant sur une petite cour intérieure où l’on jouait à la pétanque avec des boules en bois.
« Chez Florent »
Lieu de vie et de rencontres, l’endroit était très couru et disposait même d’une estrade pour de petits spectacles. En 1925, L’Arlésienne d’Alphonse Daudet y sera donné avec des acteurs du cru ! On y joue à la Belote, au Tarot, au billard et dans les années cinquante, un coiffeur vient de Saint-Martin une fois par semaine pour couper les cheveux aux Villageois dans le grand fauteuil en bois qui l’accompagne. Les commerçants du centre-ville s’y retrouvent pour prendre l’apéritif avec les pêcheurs de retour de mer, leurs paniers pleins de homards. Florent, finaud, sert plusieurs tournées de pastis avant de commencer les négociations destinées à faire baisser le prix des homards et obtient des résultats suffisamment intéressants pour qu’Olga puisse les intégrer à ses menus. Le surnom du lieu était d’ailleurs « le bar aux homardiers ».
Dans les années 60, un bal était donné les samedis et dimanches après midi avec un orchestre venu de Sainte-Marie. Toute la jeunesse du nord de l’île s’y retrouvait et l’ambiance était absolument formidable. Le dimanche, on jouait aussi au billard, à « la poule à l’assiette ». Les boules rouges et blanches ne devaient pas toucher l’assiette installée au centre du billard sinon la pénalité était de 2 francs.
Florent, beau parleur, que sont petit-fils Daniel Massé qualifie de « Pagnol de l’île de Ré », était un personnage haut en couleurs qui impulsa un formidable élan à sa famille. Visionnaire, il avait pressenti le potentiel touristique de l’île et il poussa à la reprise de l’Hôtel des Voyageurs. Olga réalisait une cuisine familiale, mais n’utilisait déjà que des produits de saison locaux et parmi ses recettes personnelles, le vol-au-vent de crabes décortiqués ou les petits fagots de couteaux farcis du Martray participèrent à la renommée du restaurant.
La naissance du Chat Botté
Olga ayant fait un infarctus, c’est Suzanne, sa belle-fille, qui pousse son mari Léon, fils d’Olga et de Florent, à reprendre l’affaire au début des années 60, elle-même prenant la restauration en main. Le couple donnera à l’établissement sa structure moderne et l’appellation Le Chat Botté directement inspirée du nom du hameau Le Chabot ! Maîtresse femme, Suzanne réussira à faire du Chat Botté un restaurant qui compte dans le paysage rétais, tout en élevant une nombreuse famille. Tout est refait en 1965. L’établissement est agrandi, les recettes phares de Suzanne viennent s’ajouter à celles d’Olga, institutionnalisant la carte du restaurant et certains plats, comme la mouclade ou les anguilles grillées dans la cheminée, attirent des amateurs des quatre coins de l’île. De plus, Suzanne tient le bar et en particulier la caisse. Cela ne l’empêche pas, tout en faisant la conversation aux clients, de continuer ses points de canevas. Et pourtant le bar ne désemplissait pas accueillant en été pour l’apéro une bonne partie des vacanciers du camping du village.
Quant à Léon, il est responsable des contacts avec la clientèle et de sa satisfaction. Convivial, il sait offrir un verre de pineau s’il faut attendre une table. Le matin il va tôt à la criée de La Rochelle, se hâtant afin de ne pas rater le premier bac ! Au milieu d’une vie déjà bien remplie, il fait face à ses obligations municipales. Conseiller pendant trente ans, il a également été maire de Saint-Clément de 1989 à 1995, président de l’office de tourisme, s a peur-pompier, saxophoniste dans la fanfare locale, il trouve encore le moyen d’aller à la pêche où en août 1959, il attrape un maigre de 56 Kg !
Les enfants de la famille participent aux travaux dès qu’ils sont en âge de le faire et pour les récompenser leur grand-père leur donnait des billets pour aller au cirque. Françoise, l’aînée aidait déjà à l’épicerie du temps des grands-parents. Daniel, après des années d’épluchage de légumes, est passé aux fourneaux. C’est ainsi qu’à l’âge de 24 ans, il participera, le 16 juin 1974, à la réalisation d’un banquet de deux-cents convives célébrant les cent ans de la commune ! L’année suivante, il crée sa fameuse recette du bar en croûte : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années ! »
C’était une époque joyeuse et festive où de grandes fêtes conviviales animaient le nord de l’île. Suzanne et Léon ne boudaient pas leur plaisir, ils adoraient se déguiser. Mardi Gras, entre autres, était largement fêté pendant une semaine avec pour clôturer cette folle semaine un bal masqué et costumé. La confection des costumes occupait les dernières soirées d’hiver et la compétition était rude.
On commence à voir apparaître parmi une clientèle rétaise déjà de qualité, des écrivains célèbres qui apprécient les merveilleux panoramas du nord. Henri Béraud, prix Goncourt en 1922 et résidant à Saint-Clément, sera régulièrement accompagné d’amis écrivains parmi lesquels Joseph Kessel, Roland Dorgelès. Daryl F. Zanuck fera partie des habitués au moment du tournage du film Le jour le plus long. Un mouvement qui va se développer dans les années à venir.
Daniel Massé, un pilier de la gastronomie rétaise
En 1984, Daniel et son épouse Marie- Odile, la troisième génération, reprennent le restaurant et vont en faire un lieu incontournable, un temple de la gastronomie rétaise et le creuset des livres que Daniel publiera plus tard. Le décor évolue, la clientèle aussi et aux écrivains, se mêlent désormais des artistes, peintres, chanteurs et acteurs donnant un cachet nouveau à l’ensemble. Mais le bar est toujours là, ancrant Le Chat Botté dans la vie des Villageois qui viennent jouer aux cartes jusque tard le soir dans une atmosphère enfumée, la cigarette n’étant pas encore interdite, alors que Daniel doit ouvrir le lendemain matin de bonne heure !
C’est ce même bar que François Mitterrand et Helmut Kohl traversèrent, à la fin du sommet franco-allemand de La Rochelle en mai 1992, pour accéder à la salle de restaurant lorsqu’ils vinrent déjeuner à l’initiative de Michel Crépeau député-maire de La Rochelle. Période de très grosse pression pour toute l’équipe qui doit préparer la réception du président et de sa délégation, cinquante-cinq personnes au total, au milieu des agents de sécurité sous la houlette d’un intendant de l’Élysée et dans la plus grande discrétion !
Une page se tourne en 2015, quand Daniel et Marie-Odile décident de prendre une retraite bien méritée. Trois générations de Massé auront alors, grâce à leur respect des produits locaux et leur amour de la gastronomie, fait du Chat Botté un lieu mythique connu jusqu’au sommet de l’État !
Florent, beau parleur, que son petit-fils Daniel qualifie de « Pagnol de l’île de Ré » était un personnage haut en couleur qui
impulsa un formidable élan à la famille.
Olga réalisait une cuisine familiale, mais n’utilisait déjà que des produits de saison locaux.
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Un trésor de biodiversité sur l’île de Ré
L’île de Ré se distingue par son environnement sauvage préservé, la plaçant parmi les joyaux de la nature en France. Sa diversité écologique offre un refuge à une multitude d’espèces animales et végétales. Cet écosystème d’une richesse exceptionnelle est aussi d’une grande fragilité. Pour cela, la Communauté de communes s’engage pour préserver l’environnement, notamment grâce à l’écotaxe du pont de Ré. Des mesures concrètes sont mises en œuvre : protection des espaces et des espèces, éducation à l’environnement, surveillance du littoral, gestion des zones naturelles… Avec 80 % du territoire protégé, l’objectif est de limiter toute construction incompatible avec la préservation écologique. Une meilleure connaissance des populations locales est essentielle pour garantir la pérennité de cette biodiversité remarquable. Découvrons ici quelques exemples
Vos réactions
Très bel article sur cette famille rétaise avec un accent particulier à la Pagnol, comme le cite Daniel et qui donne un charme particulier à ce récit. Ça donne envie de visiter ou revisiter St.Clement des Baleines.. discuter avec Daniel Massé avec cette sincérité naturelle et son profond respect et La Défense des produits du terroir.
Village qui a su se faire un nom entre ses deux voisines Ars et Les Portes grâce aussi à la compétence et au dynamisme de sa Maire, Lina Besnier. Bravo St.Clement et avec un peu de retard .. Bon anniversaire !
Article magnifique rempli de sensibilité … que de bons souvenirs de grande amitié vécus avec cette famille Villageoise hors du commun, depuis notre installation sur l’Ile en 1965 !!!
Une très belle Histoire d’une grande famille rétaise racontée là !…
Merci à Ré à la Hune!