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La démocratie participative sur l’île, contrainte ou convaincue ?
Les initiatives de participation citoyenne se développent sur l’île de Ré, notamment depuis 2020. Nous avons fait le tour des collectivités rétaises, pour un état des lieux.
Tendance forte et devenue quasi-incontournable d’une société française dans laquelle les pouvoirs politiques sont fortement centralisés et les pouvoirs économiques/financiers extrêmement concentrés, la démocratie participative est sur toutes les lèvres et mise à toutes les sauces, censée jouer quelque peu le « retour de balancier ».
Elle se veut une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique, dans le cadre de la démocratie élective. Elle peut prendre des formes très variées et si elle a initialement été instaurée en matière d’aménagement du territoire et de l’urbanisme, elle s’est largement étendue dans le spectre environnemental.
Les parodies de démocratie participative sont légion, potentiellement dangereuses quand ces démarches suscitent des espoirs déçus. On a vu ce qu’il est advenu, en France, des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat…
Sur l’île de Ré, les expériences de démocratie participative se développent indéniablement, à des rythmes très différents selon les Communes et à la Communauté de Communes. Avec plus ou moins de conviction, sincère ou parfois quelque peu contrainte, il faut bien le dire, selon la personnalité des Maires et des municipalités. Le « partage » de pouvoir n’est que rarement une tendance naturelle, en politique tout comme dans les milieux associatifs ou économiques, d’ailleurs. Toutes les tentatives allant dans ce sens sont ainsi à saluer. Ré à la Hune propose un petit inventaire des initiatives mises en place ou qui le seront prochainement.
Petit retour dans le passé
Le Conseil de développement du Pays de l’île de Ré, créé en 2002 suite à la loi Pasqua de 1995 et la loi Voynet de 1999, a été assurément la plus grande expérience de démocratie participative menée sur l’île de Ré, du moins dans sa première phase de 2002 à 2004, ayant abouti à une synthèse des grandes orientations de la Charte du Pays. Celle-ci fut l’aboutissement de deux années de travail intense de commissions, de séances pleinières et de réunions publiques drainant un grand nombre de citoyens (plusieurs centaines à chaque fois). Si le pouvoir politique alors en place, Léon Gendre étant à la tête de la Communauté de Communes, a clairement combattu cette instance – inconcevable au regard d’un mode de gouvernance qu’on qualifiera pudiquement de « traditionnel » – l’opposition incarnée par Lionel Quillet, alors simple Maire de Loix, y a immédiatement vu l’opportunité d’exister politiquement certes, mais aussi de construire un vrai projet de territoire. Quelques années plus tard, il admettra d’ailleurs à demi-mots s’être inspiré à 80 % des orientations contenues dans le projet du Conseil de développement, écrit noir sur blanc (et toujours consultable sur Calaméo). Ce qui lui fait dire aujourd’hui, alors que nous l’interrogeons, comme chacun des dix Maires sur leurs initiatives en la matière : « Il ne faut pas oublier que cela fait 20 ans que je suis à l’écoute des propositions citoyennes et associatives. » Il est objectivement vrai que sa participation et son soutien au Conseil de développement furent constants à l’époque.
CdC et démocratie participative
Les initiatives de démocratie participative relèvent-elles aujourd’hui d’un réel souhait d’instaurer un nouvel exercice du pouvoir – aux niveaux communaux et intercommunal – ou sont-elles contraintes, sous la pression citoyenne ?
« C’est clairement un passage obligatoire, ensuite chacun le fait à sa façon, avec plus ou moins de plaisir selon sa personnalité et la situation de sa commune, mais il ne faut pas tomber dans le populisme ni dans l’immédiateté, nous nous devons de tenir le cap du moyen terme et de l’intérêt général, face à l’immédiateté et les intérêts particuliers », répond sans se voiler la face le président de la Communauté de Communes.
Dans le cadre du Schéma de Développement Durable, le Comité Consultatif Citoyen mis en place par la Communauté de Communes, a réellement bien fonctionné, à en croire les participants eux-mêmes, même si en fin de course, deux ans après son démarrage, la participation s’essouffle. Les heureux tirés au sort ont été fort sollicités et les nombreuses réunions de travail puis de restitution (lire aussi notre article en page 13) ont été très énergivores et chronophages.
« Le CCC a été une vraie réussite, en termes de fonctionnement, de participation et de travail produit, dans les deux sens, de la part des citoyens membres du Comité et de la part des Services de la CdC, Sylvie Dubois s’est beaucoup investie, j’ai aussi été très présent. Des projets intéressants en sont sortis, qui sont gagnant/gagnant. Parmi les participants, beaucoup demandent à être renouvelés, le nouveau tirage au sort aura lieu en début d’année 2023 et ils pourront y participer, comme tous les citoyens intéressés. La dimension pédagogique d’une telle démarche citoyenne est fondamentale, elle permet d’expliquer aux participants les multiples contraintes qui permettent ou non d’aller plus loin dans les projets, ils perçoivent ainsi la complexité de l’action publique. », explique un Lionel Quillet enthousiaste.
« Je travaille aussi beaucoup avec les associations, le dialogue passe bien », enchaîne-t-il, évoquant aussi les réunions publiques régulières qui constituent autant d’occasions pour les citoyens d’interpeller les élus et de s’exprimer. Alors que le changement de calendrier de collecte des ordures ménagères avait suscité une réaction épidermique de la part de certains, immédiatement amplifiée par les réseaux sociaux, on peut s’étonner qu’aussi peu de citoyens se soient déplacés aux trois réunions publiques organisées en fin d’année 2021 pour informer des changements dans le cadre du nouveau marché de gestion des déchets. Seulement une vingtaine de participants à Saint-Martin, par exemple, à peine un peu plus à Sainte-Marie ou à Ars-en-Ré. C’est d’ailleurs là une limite récurrente des démarches de consultation citoyenne, elles demandent du temps et de l’implication de la part des citoyens aussi. L’autre limite réside parfois dans la défense d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général, comme on a pu le voir dans certaines réunions publiques communales.
A sa façon, le Pacte de Gouvernance de la CdC, élaboré en 2021/2022 et mis en place en 2022, peut être considéré comme une démarche démocratique, puisqu’il vise notamment à mieux informer et consulter l’ensemble des élus municipaux et resserrer les liens avec les élus communautaires. Pour ses contradicteurs, il ne se préoccupe toutefois pas suffisamment des relations des élus avec les citoyens. Dans la même veine, des commissions supplémentaires spécialisées ont été mises en place : l’une sur l’énergie solaire, l’autre sur le logement. Cette dernière aboutit à l’enquête en ligne, à laquelle ont répondu en une quinzaine de jours plus de 1200 habitants (permanents, secondaires, saisonniers) et aux Assises du Logement organisées à La Maline jeudi 13 octobre, auxquelles se sont inscrits déjà près de 400 citoyens rétais. Outre la grande salle et la petite salle, qui seront vraisemblablement pleines, les habitants intéressés pourront suivre les Assises en live sur Facebook, et y poser leurs questions également. On peut toujours regretter que sans doute les principaux intéressés – ceux qui ont le plus de mal à se loger – ne participeront pas (on retombe encore sur l’une des limites de la démocratie participative), la démarche est néanmoins à saluer et l’engouement réel. Reste à voir sur quelles actions concrètes elle débouchera, la CdC ayant promis de premières actions pour le printemps 2023.
Parmi les autres démarches communautaires, un Conseil des Jeunes devrait voir le jour en 2023, une réunion de travail pour en définir la composition et le fonctionnement est calée le 10 novembre prochain. Celui-ci concernera les adolescents, collégiens ou lycéens.
Dans le cadre du Schéma de Développement Durable, un budget participatif (autour de 30 à 40 K€) sera mis en place en 2023, qui sera fléché dans le budget primitif. Le premier projet qui en bénéficiera sera vraisemblablement l’un de ceux proposés par le Comité Consultatif Citoyen. Pour le président de la CdC, les nouveaux outils de communication jouent aussi un rôle important dans les relations élus-citoyens.
La refonte du journal communautaire, que tout le monde a pu découvrir fin septembre dans sa boîte à lettres, résulte d’ailleurs d’une consultation en ligne et sur différents lieux rétais. La page Facebook de la CdC permet de répondre aux interrogations et le nouveau site participe à cette volonté affichée d’une meilleure information et concertation.
Tour de piste des communes
A Ars-en-Ré , la Maire explique : « Pour le moment nous n’avons pas encore mis en place réellement des actions mais nous pensons sérieusement à des réunions avec les jeunes et une réflexion autour de référents citoyens pour des événements graves sur la commune ainsi que des veilleurs de quartier. »
Pour la Commune de La Couarde-sur- Mer , la démocratie participative se traduit par des réunions publiques annuelles, la constitution de groupes de travail élargis aux associations et membres de la société civile pour coconstruire des projets de valorisation du patrimoine (ex : bascule à sel de Thomazeau) avec parfois un financement participatif via la Fondation du Patrimoine (ex : restauration du monument aux morts), d’aménagements divers (ex : aménagement végétal sur parvis de l’église)… Le travail collaboratif avec le tissu associatif pour animer et faire vivre le village (fête des associations, calendrier partagé des manifestations…) est une caractéristique forte de la politique couardaise, qui met aussi en avant la mise en place de partenariats pour monter des projets sociaux et économiques avec l’école/ALSH et les acteurs économiques (ex : maraîchers…), tout comme le portage des projets par les jeunes du village… Enfin, la municipalité consulte et sonde la population pour la mise en place d’un service, adapter des horaires, recueillir des avis…
Au Bois-Plage-en-Ré , les forums participatifs constituent une pierre importante de l’édifice mis en place : forum logements, forum seniors, forum aménagements de la Plaine de jeux des Gollandières, le dernier en date ayant eu lieu le 7 avril 2022 au sujet de l’aménagement de la Place Raymond Dupeux et du centre du village.
La municipalité va prochainement mettre en place des Comités de quartier, répondant dans un premier temps au besoin en termes de sécurité locale et de besoins spécifiques pour une vie de quartier plus agréable. Basés sur la libre parole, ils doivent faciliter les liens entre habitants / élus /agents municipaux.
Le Maire souhaite aussi relancer « Les Rendez-vous du Bois », réunions publiques-débats autour d’un ou deux thèmes structurants pour la vie de la commune (débutés en 2021 puis arrêtés pour des raisons de confinement). Il prévoit la relance des Comités Consultatifs : « Plan de circulation » et « Patrimoine local », qui sont restés « en sommeil » en raison des difficultés de réunions. Ici aussi, la municipalité aimerait développer la participation des jeunes à la vie communale via un conseil ou comité municipal des jeunes, ainsi que leur intégration au développement des animations communales.
Des « groupes Actions/Projets » sont aussi développés, permettant d’intégrer directement des habitants concernés par un projet à le suivre et participer à la mise en oeuvre, à l’instar du groupe de pilotage du pôle santé avec les professionnels de santé intéressés.
Sur le volet environnemental de nombreux projets sont participatifs et la réussite de l’action de mobilisation éco-citoyenne menée en mars 2022 autour du « nettoyage de printemps sur la commune » encourage la municipalité à prévoir « des actions régulières sur la thématique des déchets visant à s’inscrire dans la durée au travers d’appels à mobilisation. Ces actions intergénérationnelles, de partage et de convivialité seront consacrées à la collecte de déchets abandonnés aux abords des lieux de promenade, chemins et différents sites naturels boisés de la commune. »
A Rivedoux-Plage , plusieurs commissions communales accueillent un comité consultatif constitué de non-élus. Le Maire donne pour exemple les commissions éducation (composée de la directrice de l’école et de la directrice de l’accueil de loisirs), communication (composée d’administrés et du responsable de la bibliothèque), ou encore culture et patrimoine, avec deux comités consultatifs : l’un pour la bibliothèque, composé du responsable bibliothèque et de bénévoles et l’autre pour la partie culture, composé d’artistes locaux.
La page Facebook est ouverte au dialogue en répondant aux questions des administrés et la retransmission des conseils municipaux sur Internet permet de connaître en direct la position des administrés sur les sujets traités lors du conseil et de pouvoir ainsi prendre en compte leurs remarques, questions et suggestions et leur répondre hors temps de conseil. Il est aussi possible pour les internautes de regarder les séances de conseil municipal en différé.
Des réunions publiques sont régulièrement organisées sur les grands sujets et des réunions de quartier sur des sujets plus circonscrits, qui sont des moments d’échanges importants. Enfin la commune a été la première à mettre en place sur l’île de Ré le dispositif solidaire de « L’Heure civique ».
Le Maire met aussi en avant la « très grande disponibilité des élus : permanences, prise de rendez-vous, dialogue permanent entretenu entre les élus et les acteurs locaux : associations, administrés… »
Cette dimension, essentielle et pourtant parfois quelque peu oubliée, est aussi au coeur du déploiement de la politique communale de Loix . « A notre échelle de petit village, nous privilégions un dialogue et une écoute permanente plutôt qu’une participation institutionnalisée (commissions, comités, etc…). L’expérience nous ayant montré, toujours à notre échelle, que l’enthousiasme s’essouffle rapidement ou que la prise de pouvoir par la minorité est fréquente. Une écoute plus informelle permet d’avantage la considération des vrais « besoins et ressentis » et surtout d’entendre tout le monde, voire de faire rencontrer des personnes aux besoins complémentaires et/ou différents. » Le Maire y a fait, depuis des années, un gros travail pédagogique, favorisant un dialogue permanent et permettant aux Loidais d’être des acteurs plutôt responsables. Bien sûr, les évolutions sociologiques de population font que ce travail doit toujours être remis sur l’ouvrage.
A Sainte-Marie de Ré , outre les réunions publiques, la Commune va officiellement présenter les onze référents de quartier qui prendront leurs fonctions en novembre prochain. L’installation de ces référents de quartier vise à valoriser le lien entre les élus et les habitants en permettant à chacun d’être acteur de son quartier et de son village. Une charte a été établie pour préciser le rôle de chacun.
Mme le Maire prévoit également une réunion par quartier, à compter de novembre prochain. Un planning sera établi et prochainement communiqué. « Ces réunions avec les habitants des quartiers seront effectivement l’occasion d’un échange avec les élus sans pour autant être à bâtons rompus », précise la Mairie.
D’ici la fin de l’année seront installés les comités consultatifs « Jeunesse » et « Observatoire pour adapter le village au vieillissement ». La composition des comités consultatifs va être évoquée en commission municipale en octobre. Lors du dernier conseil municipal, il a été demandé aux commissions municipales concernées de proposer le mode de fonctionnement et les thématiques principales de ces comités. Ils seront composés entre autres d’administrés, qu’ils soient représentants du tissu associatif, professionnels ou issus de la société civile. Une fois la délibération adoptée par le conseil municipal, un appel à candidatures sera lancé et relayé sur les supports de communication de la Commune.
A Saint-Clément des Baleines , les réunions publiques sont très régulières, à l’instar de celle du 26 septembre dernier sur l’aménagement du terrain du Moulin Rouge. Une commission d’élus a travaillé sur le sujet en amont avec des villageois et un bureau d’études paysagiste rétais. Plusieurs réunions se sont tenues où chacun a pu s’exprimer.
A noter aussi, ce qui n’est pas le cas partout, qu’à la fin de chaque conseil municipal, la parole est donnée aux Villageois qui peuvent s’exprimer sur tous les sujets.
Les élus de Saint-Martin de Ré organisent des réunions publiques, principalement pour présenter les travaux de voirie dans un quartier. Un test sur l’extinction de l’éclairage public la nuit va être fait à partir de novembre. A l’issue de ce test, un questionnaire en ligne sur le site communal et une réunion publique seront organisés.
Le Maire et des Adjoints des Portes-en-Ré organisent au moins annuellement une réunion publique très exhaustive, au cours de laquelle sont évoqués tous les projets réalisés et ceux à venir.
« Last but not least » à La Flotte les Comités de quartiers ont été mis en place. « Cela n’est pas rien, c’est long à organiser, nous avons fait un appel à candidatures. Les référents de quartiers rencontreront régulièrement les élus, avant et après la saison. Ils ont été sollicités par la municipalité sur certains sujets en priorité, ayant trait à l’éclairage public, la voirie, la circulation et le stationnement, l’environnement, la propreté… Ils peuvent aussi être sources de propositions, l’information doit monter et descendre. Tous les habitants peuvent, via les référents de quartiers, remonter leurs attentes ou questionnements. L’objectif est d’apporter des améliorations pour la vie quotidienne mais aussi plus générales. », explique le Maire, évoquant aussi la cérémonie des voeux, prévue début janvier.
Il est vrai que ces cérémonies organisées dans toutes les communes et par la CdC sont très prisées des Rétais, qui découvrent ainsi généralement les projets à venir et peuvent échanger avec leurs élus et concitoyens, dans une ambiance conviviale. De même, comme le souligne le Président de la Communauté de Communes, il se rend à toutes les Assemblées générales des Associations qui l’invitent, tout comme les Maires le font dans leurs communes. Celles-ci sont généralement l’occasion d’échanges fructueux entre les adhérents des associations – qui sont aussi avant tout des citoyens – et les élus présents.
On le voit, les initiatives se multiplient sur l’île de Ré, comme ailleurs. La parole des Rétais est-elle assez entendue et prise en compte ? Vous souhaitez réagir sur ce sujet de démocratie participative à l’échelle de l’île de Ré ou de votre commune et/ou faire des suggestions ? Ecrivez-nous sur realahune@rheamarketing.fr. Nous relaierons les réponses constructives dans notre prochaine édition.
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