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Julie Latou, une vie au service des autres
Directrice de la Caserne de la Maison Centrale de Saint-Martin de Ré depuis trois ans, Julie Latou sait allier autorité et empathie, deux qualités indispensables pour se faire respecter par les personnels pénitentiaires et les détenus, et pour accompagner ces derniers vers un projet de vie à leur sortie.
D’emblée, cette jeune femme de 35 ans intrigue par la densité de sa personnalité et impressionne par sa détermination à donner du sens, à sa vie mais aussi à celle des détenus qu’elle côtoie au quotidien. C’est sans doute cette étonnante alchimie qu’elle a su créer, entre sa grande rigueur et son indéniable fibre sociale, qui en fait un personnage atypique, qui force l’admiration. Sans jamais rien concéder de sa féminité et des valeurs de vie essentielles à ses yeux, elle sait s’y adosser pour exercer son métier avec passion et maîtrise tout à la fois. « Il faut être intègre et pédagogue, non arbitraire et en mesure de justifier clairement ses décisions pour que les détenus vous respectent » explique-t-elle, « tout comme il faut savoir poser son autorité et être clair dans sa tête pour exercer cette mission régalienne de l’Etat. Être un grand optimiste et doté d’un mental et d’un équilibre d’acier sont tout aussi indispensables quand on est confronté au quotidien à la violence, à l’insécurité… et à des parcours de vie brisés ».
Une sportive émérite dotée d’une intelligence humaine
Sa pratique passée de la compétition sportive à un haut niveau en équitation, perche, 100 mètres et gym n’est certainement pas étrangère à cette grande maîtrise de soi, qu’elle prolonge aujourd’hui par 30 km de jogging par semaine – elle y consacre sa « pause déjeuner » trois fois par semaine -, la plongée sous-marine dès qu’elle le peut et une séance de yoga hebdomadaire – « le seul moment où je me pose vraiment, sans aucun objectif de performance ».
Fille d’enseignants, grande sportive donc et passionnée de voyages, Julie va longtemps mener de front toutes ses envies et passions, sans choisir. Après une filière Sports Etudes, sa maîtrise de philosophie et son DEA de philosophie du droit en poche, elle sait qu’elle ne veut pas exercer le métier d’avocat, craignant de s’y « perdre intellectuellement » et n’est pas davantage attirée par le Ministère de l’Intérieur. Elle veut déjà du contact humain et du terrain ! Elle se retrouve ainsi à 22 ans enseignante en philosophie et lettres auprès de détenus en très longues peines, dans une vieille prison et monte en parallèle une antenne en Seine et Marne de l’association GENEPI, groupement étudiant national pour l’enseignement auprès des personnes incarcérées. Elle est aussi dans le même temps bénévole pour la Petite Maison d’Arrêt de Melun où elle coordonne un petit journal et dispense des cours d’anglais, d’espagnol et de lettres. Elle s’inscrit en parallèle à l’Institut de Criminologie de Paris et en Sociologie. L’insatiable Julie, avide de découverte, arrive même à partir en voyage trois mois par an à l’étranger, ayant ses BAFA et BAFD lui permettant d’accompagner des colonies de vacances !
Quand vient le temps du choix d’un métier
Plus tard, durant cinq mois, elle entreprendra un grand périple en Amérique Latine, Asie Centrale et Amazonie… Puis un jour vient le temps du choix d’un métier, qu’elle veut exercer dans le service public, en catégorie A, au plus près du terrain. L’enseignement ne lui permet pas de faire suffisamment avancer la cause carcérale à ses yeux, elle opte ainsi pour la fonction de directeur de prison, est reçue du premier coup au Concours qui ne délivre que 20 places pour 1800 candidats tous les deux ans. « J’ai eu de la chance » explique-t-elle avec une modestie certaine, « je suis tombée au Grand Oral sur un sujet concernant la prise en charge des publics adolescents sensibles, or j’avais mené ma thèse sur les mineurs auteurs d’agression sexuelle ». Elle dirige ensuite pendant cinq ans un établissement pénitentiaire pour mineurs à la frontière belge, avant d’arriver il y a maintenant trois ans à la direction de la Caserne de la Maison Centrale de Saint-Martin, spécialisée dans l’accueil des auteurs d’infractions à caractère sexuel et qui va prochainement aussi se spécialiser dans celui des personnes susceptibles de se radicaliser.
Si la visite surprise du Député Olivier Falorni – on se souvient qu’il a exercé à l’automne dernier son droit de visite impromptue et pointé du doigt des « zones de non droit » dans l’établissement de Saint-Martin – a engendré des tumultes internes non prévisibles (les détenus se sont brutalement vu annoncer la destruction des casinos), il a aussi fallu à l’administration gérer ce « coup médiatique » qui ne lui avait pas été annoncé. Julie en voit l’aspect positif : le rasage programmé de la barre des sept pré-fabriqués – appelés « casinos » – sera précédé du lancement à partir de janvier 2017 d’un gros programme de travaux : gymnase, deux cours de promenade, une piste de course et d’autres structures refaites à neuf. « Curieusement un gros budget a pu être débloqué et c’est tant mieux » se satisfait-elle.
Un métier de relations humaines
Au côté de Sylvie Manaud, Chef d’Etablissement, travaillent deux directeurs de détention, l’un pour le quartier de La Citadelle, et donc Julie Latou à la Caserne. « Mes missions sont très transversales, leur but étant de donner du sens à la peine carcérale et de construire avec chacun un projet de sortie, afin notamment de prévenir les récidives. Tous les matins, mon travail est d’accompagner pas à pas des gens dont la société ne veut plus, et c’est aussi servir les victimes que de faire cela. Je travaille en partenariat avec l’annexe de l’hôpital, le Conseiller formation du SPIP, l’Education Nationale – 6 personnes sont détachées pour dispenser cours et activités -, les moniteurs sportifs, qui font tous énormément, afin que chaque détenu sorte de prison meilleur qu’il n’y est entré. Saint-Martin fait un très gros travail de réinsertion et il existe de beaux parcours, certains s’en sortent très bien. Bien sûr nous devons avant tout prévenir toute évasion, mais la mission d’insertion est déterminante. Nous sommes confrontés à des biographies très abîmées, à des gens qui n’ont pas existé en tant qu’enfants et que la justice n’a pas protégés puis qu’elle a niés en tant que victimes, même si cela ne justifie pas leur passage à l’acte ».
Julie Latou passe beaucoup de temps au quotidien en entretiens individuels avec les détenus, « il y a un lien de confiance à établir, je suis leur interlocuteur pour tout et je travaille aussi avec les familles, relais essentiel. Je fais aussi beaucoup de médiation, auprès de détenus qui ne sont habitués ni à être écoutés ni à communiquer. Leur accorder du temps, réussir à trouver les bons leviers dans le discours, permet une délivrance pour nombre d’entre eux. Il faut savoir lire entre les lignes et notre rôle est d’éclairer le Magistrat ».
Le rôle de Julie est aussi de soutenir les personnels pénitentiaires, en sous-effectif – 247 agents pour 385 détenus – parfois malmenés par un métier difficile, fait d’insécurité et de violence, on se souvient des suicides de surveillants survenus à la Maison Centrale de Saint-Martin. « Ce sont des journées marathon, qui ne s’achèvent guère avant 20 heures, sans parler des week-end d’astreinte. Même si mon agenda est rempli de rendez-vous, je ne sais jamais de quoi ma journée sera faite, les imprévus, incidents, etc étant légion. Cela suppose d’être deux pour s’occuper des enfants – Julie et Cyril ont une petite Thaïs d’à peine 5 ans et un petit Lino venu agrandir récemment la famille – et pas mal de sacrifices familiaux. C’est toutefois un très beau métier, au coeur duquel se placent les relations humaines, notamment avec des gens dont le parcours de vie s’est arrêté. Je ne lis jamais le dossier d’un détenu avant ma première rencontre avec lui, je ne veux pas connaître d’emblée les faits commis, je préfère me faire mon opinion et atteindre cette alchimie humaine me permettant de mieux les percevoir. D’ailleurs, les apparences sont parfois très trompeuses ».
Découvrir de nouveaux horizons et de nouveaux métiers
A la question de savoir quelles sont ses plus grandes satisfactions dans l’exercice de son métier, Julie évoque deux aspects. Celui du personnel pénitentiaire, qui comprend qu’elle est consciente de son travail et se sent ainsi reconnu, grâce à son écoute mais aussi sa fermeté. Les risques psychosociaux sont en effet importants. Et celui des détenus, qui perçoivent que la direction fait tout pour reconnaître leurs efforts, sans préjugés mais aussi sans compromissions. Ce métier lui offre également de belles rencontres « comme celle avec la Substitut du Procureur, une femme remarquable qui fait avancer la cause carcérale ».
Un métier qui lui permet aussi de déménager tous les cinq ans et de découvrir de nouvelles régions au gré des mutations. Cyril, son futur mari – « nous n’avons jamais pris le temps de nous marier malgré de nombreuses années de vie commune et deux enfants, c’est prévu pour septembre prochain ! » – formateur des personnels dans l’établissement, après avoir été moniteur de sports, va préparer des Concours de l’école nationale d’administration pénitentiaire. La prochaine étape ? Julie et Cyril rêvent de la Nouvelle Calédonie ou de la Réunion ! Et la suivante ? Julie pourrait bien évoluer vers une fonction de juge d’instruction pour les enfants, de directeur d’hôpital, ou de proviseur de lycée… Il y a tant d’horizons passionnants qui s’ouvrent à cet esprit brillant.
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